Cinéaste au ton particulier, Kim Nguyen aime faire voyager son public au propre comme au figuré depuis Le marais et Truffe. Il conserve son approche symbolique dans La cité, une fable sur l'acceptation de la différence et la rencontre des cultures, tournée dans les décors naturels et enchanteurs de la Tunisie.

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Quand on dit que le lieu est un personnage en soi, cela peut sonner comme un cliché, mais cela est particulièrement vrai dans le cas d'un tournage à l'étranger, comme l'a vécu Kim Nguyen pour La cité. Il avait fait au départ du repérage en Italie mais, pour des raisons de logistique et de budget, il a fini par dénicher les grottes et catacombes des villes de Guermessa, Tataouine et Tozeur en Tunisie, desquelles il est tombé littéralement amoureux. Ce qui paraît beaucoup dans la photographie de son long métrage. «C'était la clé pour pouvoir faire le film, aller à la rencontre des lieux plutôt que de les créer, croit-il. Certaines scènes charnières ont été réécrites en fonction des ces lieux, d'ailleurs. Ils sont empreints d'un grand mysticisme. En fait, ce que j'aime le plus de ce film, c'est le regarder...»

Cela ne veut pas dire qu'il a été facile à tourner, comme le confirme le cinéaste: «Je dirais que La cité est mon expérience de tournage la plus difficile, mais la plus belle aussi. Être en contact avec une autre culture pendant deux mois, regarder le lever du soleil dans le Sahara, les méchouis au bord de la route, c'était absolument formidable... Malgré les problèmes gastriques et les tempêtes de sable!»

Kim Nguyen s'est inspiré de l'atmosphère des westerns et des films de guerre, avec une petite touche à la Lawrence d'Arabie, pour créer son histoire qui se déroule au XIXe siècle en Afrique du Nord. Max (Jean-Marc Barr) est un médecin militaire qui a passé huit ans au front et qui n'a qu'un désir: rentrer chez lui. Son départ est retardé par les cas de peste qui se multiplient dans la ville, déjà sous pression en raison des tensions entre les colons français et les Hérénites, mystérieux peuple des falaises qui habite l'antique Cité des ombres. De là à faire le lien entre les Hérénites et la maladie, il n'y a qu'un pas, pour les esprits déjà contaminés par la peur. «La peur, c'est comme la peste, note Kim Nguyen. La peur de l'autre, la peur de la maladie, la peur de l'autre-qui-porte-la-maladie...»

Ce scénario, le jeune cinéaste le portait en lui depuis longtemps - depuis les attentats du 11 septembre 2001, en fait. «J'avais l'idée un peu prétentieuse de tourner un film qui ferait état du contexte socio-politique, mais au lieu d'aller vers la science-fiction, j'ai décidé d'aller dans le passé. C'était un peu trop complexe pour prétendre à cela, et j'ai fini par faire les choses un peu plus simplement. Je pense que c'est heureux.»

Mais qui dit western dit acteurs charismatiques. L'un ne va pas sans l'autre. C'est pourquoi Kim Nguyen a insisté pour convaincre l'acteur français Jean-Marc Barr d'accepter le premier rôle. «C'était assez amusant, parce qu'il ne me connaissait pas, et je le comprends d'avoir hésité. Ça s'est finalement conclu dans un festival en Sibérie ou j'étais invité pour présenter Le marais. À 2h du matin, autour d'une vodka et de canneberges congelées, je lui ai dit: tu dois faire mon film! Et il a répondu oui.» Quant à Pierre Lebeau, il connaissait son talent pour avoir travaillé avec lui sur Truffe, et il n'a que des éloges pour Claude Legault, qu'il a découvert, comme plusieurs, par la série Minuit le soir. «C'est un comédien qui a de la gueule, comme Roy Dupuis. En fait, il y en a très peu de comédiens comme ça à chaque époque donnée.»

Kim Nguyen estime que La cité représente la fin d'un chapitre dans sa carrière. Car une autre expérience heureuse lui est arrivée en Tunisie, celle d'avoir dû s'adapter, plutôt que de planifier au quart de tour. Une tempête de sable l'a forcé à couper une scène, qu'il a transformée en une petite fête chez les Hérénites, tournée très librement, comme une improvisation. «Je me suis dit: wow, c'est vers ça que je veux me diriger maintenant. Un peu plus de cinéma-vérité, où l'on n'impose pas les choses.»

Ce qui lui servira sûrement pour son projet de film sur les enfants soldats, en préparation. À moins qu'il ne se lance dans son rêve d'adapter Les âmes mortes de Gogol, pour en faire «un western sans fusil ni chapeau».