Alors que la dernière ligne droite du 63e Festival de Cannes s'amorce, certains favoris se détachent dans la course pour l'obtention de la Palme d'or, laquelle sera décernée dimanche.

Le cru cannois 2010 s'annonçait moins flamboyant que celui de l'an dernier. En réduisant le nombre d'entrées de sa compétition à 19, le délégué général Thierry Frémaux donnait dès le départ l'indice d'un programme plus difficile à construire qu'à l'accoutumée, certains des titres attendus n'étant tout simplement pas prêts.

Plusieurs s'attendaient ainsi à une compétition de plus faible niveau. Treize des longs métrages en lice ayant maintenant été présentés, force est de constater que cette sélection reste quand même de bonne tenue. Les choix du président du jury Tim Burton et de ses acolytes seront-ils en phase avec ceux de la presse?

Des hommes et des dieux, l'admirable film de Xavier Beauvois, est jusqu'à maintenant l'un des plus sérieux candidats au titre suprême. Ce drame, inspiré du massacre tragique, en 1996, de sept moines français de Tibhirine en Algérie, est classé favori par les critiques internationaux recensés par le journal spécialisé britannique Screen, tout autant que par les critiques français recensés par Le Film français. La chronique de Mike Leigh Another Year récolte toutefois encore plus de points que le rival français auprès des scribes internationaux. Est-ce à dire que l'auteur cinéaste britannique aurait des chances d'obtenir la deuxième Palme d'or de sa carrière? Chose certaine, le jury ne peut écarter les actrices du film pour les prix d'interprétation. Lesley Manville, qui incarne une secrétaire d'âge mûr sur qui le célibat pèse de plus en plus lourd, est certes l'une des favorites.

Biutiful, le nouvel opus d'Alejandro Gonzalez Iñarritu, ne fait pas l'unanimité, mais sa puissance dramatique le place d'emblée dans le peloton de tête. À l'instar d'Another Year, ce film est aussi marqué par une grande performance d'acteur, celle de Javier Bardem. Le jury pourra difficilement l'ignorer.

Malgré son académisme, La Princesse de Montpensier fait quand même belle figure au tableau des étoiles. Bertrand Tavernier peut-il espérer être appelé au temple des élus avec son drame historique?

Tout au bas de l'échelle se trouve par ailleurs Outrage, le film de yakusas réalisé par Takeshi Kitano. Même les critiques français ne s'enthousiasment pas vraiment. Parmi les titres à venir: Hors-la-loi de Rachid Bouchareb, Oncle Boonmee... d'Apichatpong Weerasethakul et Soleil trompeur 2 de Nikita Mikhalkov. Rien n'est encore joué.

Un Ken Loach engagé

Le prolifique cinéaste anglais, lauréat de la Palme d'or il y a quatre ans grâce à The Wind that Shakes the Barley (Le vent se lève), revient une nouvelle fois sur la Croisette en compétition, cette fois avec Road Irish. S'inscrivant dans la veine plus «engagée» du cinéaste, ce film nous propose une vision de la guerre en Irak sous un angle inédit.

Loach s'attarde en effet à décrire une bavure survenue à l'intérieur de l'une des nombreuses agences de sécurité privées embauchées par les entreprises internationales en Irak. Sous l'insistance de son meilleur ami Fergus, Frank s'est engagé au sein de l'une de ces agences et est devenu un soldat «privé». Tué au moment où il circule sur la très dangereuse «Road Irish», laquelle relie l'aéroport à la zone verte sécurisée de Bagdad, le corps de Frank est rapatrié sans plus d'honneurs, laissant derrière le mystère de sa disparition. Or, l'enquête que mènera Fergus (Mark Womack) pour éclaircir les circonstances de la mort de son ami révélera évidemment une réalité encore plus complexe qu'il n'y paraît.

Ken Loach, qui porte ici à l'écran un scénario écrit par le fidèle complice Paul Laverty, emprunte son approche humaniste pour tenter de mesurer les conséquences de cette guerre sur tous les fronts. Sans jamais trop appuyer, le cinéaste ne détourne quand même pas le regard sur les atrocités commises envers la population civile irakienne. Au-delà de sa dimension politique, le récit explore aussi la force des liens d'amitié. Il y aura certainement une place quelque part pour Road Irish au palmarès dimanche.