Inscrit en compétition mondiale au FFM, le long métrage Tromper le silence de Julie Hivon raconte le parcours de deux êtres que tout sépare mais qui vont trouver, par le biais de la photographie, une façon de se rejoindre et, surtout, de détourner le cours de leurs vies à la dérive. Rencontre avec la réalisatrice.

S'il y a une chose que Viviane et Guillaume ont en commun, c'est le silence.

Un silence construit autour de leurs secrets, façonné par leurs meurtrissures. Un silence que chacun, consciemment ou non, cherche à briser. Ou à tromper.

Et c'est par le biais de la photographie, métier qu'exerce Viviane (Suzanne Clément), que Guillaume (Maxime Dumontier) et elle vont y parvenir. Cette lentille entre deux âmes écorchées va modifier petit à petit le cours de leur existence, constate-t-on dans Tromper le silence, titre du nouveau film de Julie Hivon en compétition au FFM.

Il y a aussi le thème de la rencontre. Un thème cher à la réalisatrice et qui a jusqu'à maintenant émaillé l'ensemble de son oeuvre.

«J'ai une prédilection pour les rencontres. Des rencontres déterminantes, signifiantes, parfois fortuites mais qui finissent par avoir une portée sur ce que l'on fait, disait-elle cette semaine en entrevue. Dans une rencontre, il y a toujours cette première période où l'on se réinvente un peu, on essaie de montrer le meilleur de nous-mêmes. On se cache. Et puis, tranquillement, quand on finit par connaître l'autre personne, on découvre ses secrets, d'autres aspects d'elle-même.»

Au départ, il n'y a rien entre Viviane et Guillaume. Chacun a ses secrets. Qui se révèlent lentement. Comme si on soulevait lentement un tapis pour voir ce qu'il y a dessous.

«J'aime sonder les petits recoins sombres de l'esprit humain, dit la réalisatrice à ce propos. C'est ce qui m'intéresse le plus: la nature humaine, les caractères, nos relations et nos réactions.»

Un nécessaire regard

De par son métier, Viviane pose un regard. De par son état intérieur, Guillaume veut qu'on le regarde. Un état intérieur modelé et modulé par ses relations familiales.

«Je pense que Guillaume a accepté de se faire photographier parce qu'il a besoin qu'on le regarde, qu'on s'intéresse à lui, analyse Julie Hivon. Il a besoin de sentir ce regard sur lui. Parce qu'il est un peu oublié, effacé, dans son environnement familial. Il a besoin que quelqu'un pose un regard exempt de jugement sur lui. Au départ, Viviane ne sait rien de lui et peut donc poser un regard neuf sur lui.»

L'attirance de Viviane a pour tremplin la relation ou plutôt la rupture de la relation qu'elle avait avec son frère Frédéric (Sébastien Huberdeau) qui lui servait de modèle. Elle est fascinée, sans doute attirée aussi par Guillaume.

Mais la relation reste ambiguë jusqu'au bout de l'histoire. Viviane ne sait pas trop sur quel pied danser face à Guillaume et elle utilise son appareil photo pour mieux contrôler son approche.

«L'appareil photo la protège, poursuit Julie Hivon qui, dans la vie de tous les jours, n'aime pas être photographiée. Viviane prend en photo ce qui lui fait peur. Ce qui la trouble. La photo est une façon de poser un regard sur quelque chose, d'aller plus loin, mais de façon moins directe. La caméra permet d'entrer dans quelque chose de différent, une sorte d'intimité.»

Présente au FFM il y a quelques années avec son premier long métrage Crème glacée, chocolat et autres consolations, Julie Hivon participe pour la première fois à la compétition officielle. Une source de stress supplémentaire? Il semble que non.

«Pour moi, le cinéma n'est pas un sport de compétition, répond-elle. Je suis contente d'y être parce que ça montre l'intérêt que le FFM manifeste pour le film, parce que ça fait une belle fenêtre pour sa sortie. Mais je ne pense pas en termes de prix. Pour moi, le prix est que le film sorte après une longue gestation. Je suis donc simplement heureuse qu'il soit là et j'espère qu'il ira à la rencontre d'un public.»