À peine 24 heures après ses déclarations polémiques sur Hitler et les juifs, le réalisateur danois Lars Von Trier fait l’objet d’une sanction rare du festival de Cannes qui l’a déclaré jeudi «non grata».

Cette décision avec effet immédiat, qui n’exclut pas son film Melancholia de la compétition pour la Palme d’Or, a été annoncée à l’issue d’un conseil d’administration extraordinaire convoqué dans la matinée par le président du festival Gilles Jacob.

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«Le Conseil d’administration condamne très fermement ces propos et déclare Lars Von Trier persona non grata au Festival de Cannes, et ce, à effet immédiat», a annoncé la direction du festival dans un communiqué.

Selon un participant à la réunion, Lars Von Trier, 55 ans, «reste en compétition, mais est prié de se faire discret: ainsi, s’il reçoit un prix dimanche, il lui est demandé de ne pas venir le chercher».

Le service de presse du festival, sollicité par l’AFP, n’était pas dans l’immédiat en mesure de dire si cette décision constituait une première, mais, pour Gilles Jacob, associé de longue date à l’histoire du festival, «elle est inédite au moins depuis les années 60».

Lars Von Trier poursuivait jeudi la promotion de son film Melancholia, selon son agent Donna Mills, et n’avait pas réagi en début d’après-midi.

En conférence de presse mercredi, il avait exprimé sa «sympathie» pour Hitler et estimé qu’«Israël fait chier», suscitant le premier malaise sur la Croisette depuis l’ouverture des festivités le 11 mai.

«Je dis seulement que je comprends l’homme. Ce n’est pas vraiment un brave type (...) mais je sympathise un peu avec lui», a-t-il lâché, ajoutant : «Je suis avec les juifs bien sûr, mais pas trop, parce qu’Israël fait vraiment chier».

Juste avant, le cinéaste, connu pour ses provocations, était apparu devant les photographes le poing tendu, tatoué des lettres «FUCK».

Il avait quelques heures plus tard présenté des excuses pour ses déclarations à la demande expresse du festival. Puis, au bas des marches, bredouillé qu’il avait «fait de l’humour danois», laissant entendre que c’était déplacé.

Mais la réaction officielle du festival condamnant ces déclarations a été jugée insuffisante par de nombreux professionnels, notamment français : dans la soirée, le président du festival a été assailli de demandes d’exclusion du cinéaste ou tout au moins de sanctions. Décision a alors été prise par Gilles Jacob de convoquer à 11h un conseil d’administration extraordinaire pour examiner cette possibilité, a raconté à l’AFP un des participants.

Le festival «offre aux artistes du monde entier une tribune exceptionnelle pour présenter leurs oeuvres et défendre la liberté d’expression et de création» et «regrette profondément que cette tribune ait été utilisée par Lars Von Trier pour exprimer des propos inacceptables, intolérables, contraires aux idéaux d’humanité et de générosité qui président à l’existence même du festival», a insisté jeudi sa direction.

Pour le réalisateur français Claude Lelouch, Lars Von Trier a commis là un «véritable suicide cinématographique» : «Il restera dans l’histoire pour ce dérapage», a-t-il regretté. Et l’association des réalisateurs et producteurs de films (ARP) a dénoncé des «propos inadmissibles», «nauséabonds et dangereux».

À Bruxelles, le ministre français de la Culture Frédéric Mitterrand a estimé qu’il avait «pété les plombs», exprimant son «effarement» et son «indignation».

Présent à Cannes pour la huitième fois, Lars Von Trier semble avoir perdu toute chance de Palme pour Melancholia et rappelle ses confidences de 2005, lorsqu’il avait dit: «Je préfère me dire politiquement incorrect parce que ça signifie poser les problèmes et en discuter, ce qui est la base de la démocratie».