De par son repli sur soi, son régime politique d'un autre âge et son éternelle confrontation avec l'Occident, la Corée du Nord fascine et pique la curiosité. Or, dans le cadre de sa 15e édition, le festival Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM) propose trois films tournés en tout ou en partie au pays de Kim Il-sung, Kim Jong-Il et Kim Jong-eun.

Aujourd'hui, le festival propose le court métrage documentaire Letters from Pyongyang du Montréalais Jason Lee ainsi que le moyen métrage Une délégation de très haut niveau que suggère le cinéaste Philippe Falardeau dans la section «15 ans, 15 coups de coeur».

Letters from Pyongyang raconte la quête d'un homme pour retrouver les membres de sa famille dont il est séparé depuis des décennies et fait la démonstration des difficultés et barrières que cet homme doit franchir pour toucher à son but.

Né en Corée du Sud, le père de Jason Lee a perdu la trace de deux de ses frères, partis en Corée du Nord, à la suite de la scission entre les deux pays. De temps à autre, il recevait des nouvelles de la famille et rêvait de les revoir un jour. Après des mois de travail, Lee a réussi à convaincre les autorités nord-coréennes à entreprendre ce voyage marqué par des moments très émouvants. Les frères de son père étaient morts, mais ils ont pu renouer avec les autres membres de la famille. Le tout, sous haute surveillance.

«Le but ultime n'était pas de faire un documentaire, mais d'y aller, dit le cinéaste en entrevue. En Corée, la séparation des familles est tragique. Chaque année, des milliers de Coréens meurent des deux côtés de la frontière sans jamais se retrouver. En ce sens, nous avons été privilégiés.»

La présentation du film sera suivie par Une délégation de très haut niveau, film du Belge Philippe Dutilleul. L'oeuvre a été choisie par le cinéaste Philippe Falardeau dans le cadre d'un événement spécial du 15e anniversaire où les organisateurs des RIDM ont demandé à quinze adeptes de cinéma de partager leurs coups de coeur.

«Une délégation de très haut niveau raconte le voyage surréaliste de parlementaires belges venus jauger l'état de la famine en Corée du Nord en 2000. Le film est ni tout à fait bien filmé, ni tout à fait honnête, mais totalement mordant et surréaliste, indique Philippe Falardeau à La Presse. Il déconstruit la parade hypocrite que peut représenter parfois la diplomatie tout en faisant une mise en abîme habile de la manipulation de la vérité. Certains protagonistes ont été expulsés de leur parti lorsque le film fut diffusé en Belgique.»

The Girl from the South

Finalement, The Girl from the South de l'Argentin José Luis Garcia est sans doute le plus atypique des trois films, non seulement de par sa construction, mais en raison des archives exceptionnelles qu'il recèle.

En 1989, sur un coup de tête, Garcia part pour la Corée du Nord parmi une délégation d'Argentins invités à un festival de la jeunesse. Financé par l'URSS, le festival fait une critique mur à mur de l'Occident. Mais pas un mot sur les événements de la Place Tian'anmen survenus trois semaines plus tôt.

Au coeur de cette rencontre, la jeune Lim Sukyung, une Sud-Coréenne qui a réussi à traverser la frontière pour haranguer la foule et militer en faveur de la réunification, devient la coqueluche de l'événement. Surnommée «La fleur de la réunification», elle sera arrêtée et emprisonnée durant 10 ans à son retour en Corée du Sud.

Avec une caméra VHS et un sens de l'image qui n'est pas sans rappeler notre «cinéma vérité» des années 1960, Garcia a filmé de nombreux instants de cette rencontre et des discours de Lim Sukyung, jeune femme qui, visiblement, le fascine.

Vingt ans plus tard, grâce à internet, il la retrouve et lui demande une entrevue. Enseignante dans une université et divorcée, Lim Sukyung se plie plus ou moins de bonne grâce à cet appel. L'insistance avec laquelle Garcia tente de s'approcher de cette femme nous fait questionner sur le sens profond de sa démarche. Toujours est-il que Sukyung s'est dotée d'une carapace qui cache tant bien que mal les stigmates de la mort de son fils unique.

Road movie unique en son genre, le film constitue à la fois un documentaire exceptionnel sur les deux Corées et une réflexion sur la chute d'une icône instantanée.

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Letters from Pyongyang et Une délégation de très haut niveau sont présentés aujourd'hui à 17h45 à la salle Fellini de l'Excentris.

Le film de Jason Lee sera aussi présenté avec The Girl from the South le jeudi 15 novembre à 14h00  à la salle Fellini de l'Excentris.

Enfin, The Girl from the South sera présenté sans première partie le samedi 17 novembre à 17h30 à la salle Claude-Jutra de la Cinémathèque québécoise.