Pour son premier long métrage depuis Liverpool en 2012, la réalisatrice et scénariste Manon Briand plonge dans l’univers des concours culinaires. Amorcé en septembre, le tournage du film Le chef et la douanière se termine ces jours-ci.

C’est une scène de brunch pas comme les autres qui se déroule dans la salle à manger d’une maison ancienne, située en bordure d’un rang de campagne à L’Assomption. Victor Meyer, un chef français en mal de renommée joué par Édouard Baer, sert, à Sonia Latendresse (Julie Le Breton), son père (Normand Chouinard) et sa fille Lili-Beth (Élodie Fontaine), un œuf mollet déposé sur un nid de pois verts et de concombre et accompagné d’une mousseline de pommes de terre. Une petite création improvisée à partir des ingrédients du frigo. Voilà tout à fait le genre de plat « instagrammable » que pourrait servir, Samuel Sirois pour un brunch décontracté. En janvier dernier, ce professeur de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ), a obtenu avec l’équipe canadienne la 11e place de la finale du Bocuse d’or, la plus grande compétition culinaire au monde.

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Le plat élaboré par Samuel Sirois pour cette scène de brunch improvisé : œuf mollet servi avec pois verts, concombre, brocoli, croûtons, feuilles de choux de Bruxelles et mousseline de pommes de terre.

Depuis quelques semaines, Samuel Sirois agit à titre de conseiller et de styliste culinaire sur le plateau du film Le chef et la douanière, dont le tournage a eu lieu principalement à Montréal et en Montérégie, mais également à L’Assomption, où se trouve la maison qui est devenue celle de Sonia et Lili-Beth. Son travail consiste à amener dans le monde réel les plats imaginés par Manon Briand.

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Le chef Samuel Sirois

J’ai un champ libre exceptionnel. Les seules contraintes sont sur le plan des ingrédients. Il faut respecter le thème et l’esprit du film.

Samuel Sirois

Bien qu’à l’écran, le sens de la vue éclipse celui du goût, il est hors de question pour lui de livrer des plats qui n’ont d’extraordinaire que l’aspect visuel. « Mon mentor Gilles Herzog me disait souvent : “Le goût, le goût, le goût !“. Je suis incapable de proposer un plat qui est plastique. Il doit être bon aussi, même si ça complexifie le processus. »

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Samuel Sirois en pleine action sur le plateau de tournage

Dans ce long métrage, qui s’annonce comme une « comédie à l’humour subtil », Victor, un chef français installé aux États-Unis, tente d’aider Lili-Beth à remporter un concours de mini-chefs. Il doit affronter l’hostilité du village à l’égard de sa mère Sonia, une douanière intransigeante qui lui avait a priori bloqué l’entrée au pays. Or, raconte Julie Le Breton, « elle réalise que sa fille n’a pas grand chance de gagner puisque tout ce qu’on mange, c’est pas mal des croquettes ! ».

Rapidement, la petite, qui n’a aucune compétence en cuisine, se fait dire qu’elle se heurtera à un mur. Bon nombre de ses adversaires savent déjà cuisiner des plats emblématiques du chef lyonnais Paul Bocuse, plats que la réalisatrice voulait montrer à l’écran, comme le poisson en croûte.

« Vous dire le nombre d’enjeux, de défis et de choses impossibles qu’on a dû traverser ! », lance Manon Briand. « Je ne peux pas en parler maintenant, mais il y a de gros punchs dans le film qui ont posé des problèmes, ne serait-ce que pour l’approvisionnement. Il a fallu faire des contorsions phénoménales pour y arriver. »

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La réalisatrice et scénariste Manon Briand

Bien que Lili-Beth ne vise pas le Bocuse d’or, la cuisine qui lui est enseignée frôle la haute voltige, avec un côté bon enfant, note Samuel Sirois. « C’est une cuisine qui est délicate, un peu plus raffinée. Le chef essaie de transmettre son savoir à une enfant, donc il ne faut pas non plus aller à de trop hauts niveaux. »

Mais Lili-Beth est une fille déterminée, remarque son interprète, Élodie Fontaine, 10 ans, qui en est à son premier film, mais pas à ses premières armes aux fourneaux. « Je ne fais pas de la cuisine de niveau compétition, plutôt de niveau “je peux faire à manger à mes enfants si j’en ai plus tard” ! »

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Élodie Fontaine, interprète de Lili-Beth

Cuisine de performance

Cette idée de scénario mijotait dans l’esprit de Manon Briand depuis une dizaine d’années. Passionnée d’émissions de cuisine, elle a eu un déclic en visionnant un documentaire sur le concours des Meilleurs ouvriers de France. « Ça m’avait à la fois choquée et émerveillée de penser qu’il y a des gens qui passent des années à s’entraîner pour faire des plats à la perfection. Pour moi, la cuisine, c’est tellement quelque chose de spontané, un échange. » Au chef frustré qu’elle a imaginé s’est collée plus tard une douanière, celle qui fait monter le stress de bien des voyageurs lorsqu’ils rentrent au pays, un saucisson sous le chapeau ou une bouteille de vin en trop.

L’acteur français Édouard Baer (Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, Mademoiselle de Jonquières) partage avec la réalisatrice cette affection pour la cuisine tournée vers les autres. Ambassadeur du porc noir de Bigorre depuis plusieurs années, il a été propriétaire d’un restaurant de cuisine franco-marocaine, Les Parisiennes.

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La réalisatrice Manon Briand et l’acteur Édouard Baer, sur le plateau de tournage

« J’aime beaucoup les gens qui font à manger aux gens. J’adore être en cuisine », confie Édouard Baer.

J’aime bien ce qui est un peu imparfait dans la vie. C’est plus émouvant, les choses un peu humaines. Je voudrais que mon personnage de chef, de temps en temps, mette le doigt dans la casserole ! Moi, je le ferais. Pas lui.

Édouard Baer

Outre la cuisine, c’est un film sur la transmission et sur la vie qui offre une nouvelle chance, remarque-t-il. « Je pense que c’est surtout un film sur comment on peut être une petite fille ou un monsieur de mon âge, traverser [une période difficile], s’aider l’un l’autre et apprendre autant l’un de l’autre », souligne Édouard Baer, dont c’est le premier film québécois.

Sylvain Marcel, Élodie Fontaine, Lélia Nevert, Oussama Farès, Douaa Kachache, Michèle Deslauriers et Dominic Paquet complètent la distribution de ce film produit par Pierre Even (ITEM 7) et coproduit par Lætitia Galitzine (Chapka Films).

Le chef et la douanière prendra l’affiche à l’été 2024.