L’ambiance était à la fête, jeudi soir, dans l’ultra chic Maison Principale, salle de réception sélecte de Westmount. Il faut dire que ce n’est pas tous les jours qu’on a une telle visite d’Hollywood. Geena Davis, la Thelma de Louise, était en ville pour une séance de signatures, dans le cadre du lancement de son livre Dying of Politeness.

Cette « soirée intime avec Geena Davis », présentée par Natasha Gargiulo, animatrice anglophone et présidente du Conseil canadien de l’Institut Geena Davis (institut fondé par la star américaine en 2004, militant pour une représentation plus égalitaire dans l’industrie), a attiré une coquette foule, quasi exclusivement féminine. Une bonne centaine d’entrepreneures ou de femmes issues de l’industrie du cinéma (productrices, actrices, animatrices) avaient déboursé 80 $ pour arracher une dédicace à la star et, bien sûr, l’écouter se raconter.

À noter que Montréal est la seule ville au pays où Geena Davis a choisi de s’arrêter.

La grande dame, doublement oscarisée, aujourd’hui âgée de 66 ans, est arrivée dans un fracas d’applaudissements, vêtue d’une élégante robe longue rouge et, surtout, armée de son impayable sourire. Radieuse, comme à son habitude.

Généreuse en anecdotes et imitations de toutes sortes (il fallait la voir écarquiller les yeux, en se remémorant Brad Pitt, jeune imberbe inconnu au bataillon, en auditions, circa 1990 !), Geena Davis a répondu de sa voix grave à toutes les questions.

Eh bien oui, a-t-elle confirmé d’emblée, et surtout sans hésiter, comme le suggère le titre de ses « mémoires », la frondeuse et militante que l’on connaît a été élevée et a grandi dans un monde cloué (figé ?) par la politesse. Coincée dans ses préceptes. « L’objectif premier était d’être le plus poli possible. »

La politesse a défini ma vie.

Geena Davis, actrice et autrice de Dying of Politeness, ses mémoires

Plutôt mourir que de demander à son grand-oncle, par exemple, pourtant âgé de 90 ans, lequel a failli les tuer, de conduire prudemment. Ça vous donne une idée du monde, et de l’éducation. Surprenant, quand on connaît l’image de « badass » (texto dans le livre) que Geena Davis affiche aujourd’hui.

En fait, et comme elle l’a expliqué, celle qui a été révélée dans Tootsie (au côté de Dustin Hoffman, grâce à une publicité réalisée pour Victoria Secret, parce que Geena Davis a d’abord été mannequin, le saviez-vous ?), qui est devenue une icône féministe dans les années 1990 avec Thelma & Louise (un film qui n’a pas pris une ride, si vous voulez notre avis) et que l’on devrait prochainement voir dans un thriller (réalisé par Zoë Kravitz et intitulé, tenez-vous bien, Pussy Island, a d’ailleurs ironisé l’animatrice) a finalement toujours joué des rôles de femmes plus émancipées, ou « évoluées » qu’elle. Une sacrée « contradiction », à l’origine de son livre, bourré d’anecdotes juteuses sur Hollywood, paraît-il : des sages conseils de Dustin Hoffman aux gestes déplacés de Bill Murray, anecdotes amplement relayées par la presse américaine dans les dernières semaines, mais dont il n’a nullement été question lors de la soirée mondaine montréalaise.

Le rôle d'une vie

Son rôle le plus marquant ? Sans se faire prier, et à la grande joie de l’auditoire jeudi soir, Geena Davis l’a confirmé : sa Thelma (dans le film culte de Ridley Scott), au côté de Susan Sarandon, une femme « formidable », toujours sa grande amie, avec qui, oui, elle aimerait rejouer (mais non, pas forcément dans une suite, bien que ses plus grands fans en rêvent).

PHOTO TIRÉE DU SITE IMDB

Geena Davis (à droite), qui partage l'écran avec Susan Sarandon, dans le film Thelma & Louise en 1991

Je ne soupçonnais pas le moins du monde combien ce film allait changer ma vie.

Geena Davis

D’ailleurs, les médias y ont tous cru (même si le Time, dans son numéro de l’époque, a dénoncé la violence faite aux hommes dans le film, a-t-elle ironisé de plus belle) : « La presse le disait : ce film va tout changer. Ce serait super si un film pouvait avoir un tel impact […]. Mais ça ne s’est jamais passé. »

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Geena Davis a fondé l’institut qui porte son nom. « Je regardais une émission avec ma fille sur les genoux, se souvient-elle. Et je me suis questionnée : mais combien y a-t-il de personnages féminins dans cette émission ? J’ai compté : un… »

Son but ? Amasser des chiffres, et autres données probantes, pour confronter l’industrie. « Et la réaction a été incroyable, a dit Geena Davis. Tout le monde s’est senti coupable de n’avoir jamais rien remarqué ! » Depuis 2004, les choses ont bougé : au chapitre des émissions et des films pour enfants, on en serait presque à la parité, en matière de personnages, a-t-elle signalé. Ce qui ne veut pas dire que la bataille soit gagnée, a rappelé celle à qui l’on doit le puissant documentaire This Changes Everything (2018), sur le sujet. « Une étude récente démontre que seuls 5 % des personnages des films d'Hollywood sont des femmes de plus de 50 ans. »

Parlant de changement, le mouvement #metoo aurait selon elle libéré la parole des femmes sur cette question également. « Les disparités salariales, maintenant, les femmes en parlent. » Et s’il n’en tient qu’à Geena Davis, elles n’ont pas fini d’en parler.