Voici quelques films vus par le journaliste Marc-André Lussier dans le cadre de la 79e Mostra de Venise.

L’origine du mal

L’un des meilleurs rôles de Suzanne Clément

Suzanne Clément, comme vous ne l’avez jamais vue. Vous ne trouverez nulle part l’actrice québécoise sur les photos fournies par la production du film – on comprend pourquoi après l’avoir vu –, mais le rôle qu’elle tient dans L’origine du mal n’en est pas moins important. Avec ses deux premiers longs métrages, Irréprochable et L’heure de la sortie, Sébastien Marnier affichait déjà son goût pour les histoires inquiétantes, puisées à même les aspects les plus sombres de l’âme humaine. Il poursuit dans cette veine, cette fois sur un ton en apparence plus solaire, qui n’en cache pas moins de sombres aspects dans la vie d’une famille bourgeoise.

Laure Calamy joue le rôle d’une modeste ouvrière dans une poissonnerie, qui reprend contact avec son père biologique (Jacques Weber), à la tête d’une famille aussi riche qu’étrange. Suzanne Clément incarne l’amoureuse de la protagoniste, qui purge une peine de prison de six ans, à qui des permissions sont cependant accordées. Cette femme peut être impulsive, saisie de bouffées de colère, et n’a parfois que la violence pour s’exprimer. Une scène de combat avec une autre codétenue dans la douche fait même penser à celle, fameuse, d’Eastern Promises (David Cronenberg) avec Viggo Mortensen…

On ne peut rien révéler du récit, mais cette coproduction franco-québécoise, ponctuée de la trame musicale efficace de Philippe Brault et de Pierre Lapointe, est d’une redoutable efficacité. Et Suzanne Clément révèle l’étendue de sa palette en y allant d’une performance vraiment étonnante.

Présenté dans la section Orizzonti Extra, l’équivalent d’Un certain regard au Festival de Cannes, L’origine du mal sera distribué au Québec par la société Maison 4:3, mais aucune date de sortie n’a encore été fixée.

Bardo (or False Chronicle of a Handful of Truths)

Le Mexique comme état d’esprit

PHOTO FOURNIE PAR NETFLIX

Une scène tirée de Bardo (or False Chronicle of a Handful of Truths), d’Alejandro González Iñárritu

Quand Alejandro González Iñárritu s’est amené dans la salle où ont lieu les conférences de presse, il a obtenu les applaudissements les plus nourris jusqu’à maintenant. Bardo (or False Chronicle of a Handful of Truths) est le premier long métrage qu’offre le cinéaste américano-mexicain depuis The Revenant, qui lui a valu un deuxième Oscar de la meilleure réalisation, un an après Birdman. Avant même la première question, le réalisateur de Babel a tenu à souligner que le 1er septembre, jour où est lancé Bardo à la Mostra, marquait aussi le 21e anniversaire de son arrivée à Los Angeles, ville où il croyait rester seulement un an. « Quand on quitte un pays, on en garde une nostalgie qui nous habite tous les jours, a-t-il déclaré. Pour moi, le Mexique n’est pas seulement un pays, c’est un état d’esprit. »

C’est exactement ce que le cinéaste traduit dans son nouveau long métrage de tout près de trois heures. Cinéma et songes s’entremêlent à la réalité pour raconter de façon foisonnante l’état d’esprit dans lequel se trouve un éminent journaliste, aussi documentariste, alors que ce dernier retourne dans son pays d’origine pour y recevoir une grande distinction. Dans ce monde, Amazon s’apprête notamment à acheter – quoi de plus simple – toute la Basse-Californie pour en faire un territoire américain.

Sans être autobiographique, cette allégorie sur l’identité et la culture mexicaines est visiblement inspirée du questionnement existentiel du cinéaste. Ce film, le premier qu’il tourne chez lui depuis Amores Perros, est ponctué de morceaux de bravoure sur le plan de la mise en scène et Iñárritu sait à coup sûr comment créer des images fortes.

Produit par Netflix, Bardo (or False Chronicle of a Handful of Truths), en lice pour le Lion d’or, sortira en salle au mois de novembre avant d’être déposé sur la plateforme du diffuseur en ligne le 16 décembre.