(Séoul) Connu pour ses thrillers ultraviolents qui ont propulsé le cinéma sud-coréen sur le devant de la scène mondiale, Park Chan-wook revient avec un film complètement différent, Decision to Leave, une histoire d’amour sobre, mais profondément émotionnelle.

En tête du box-office sud-coréen depuis sa sortie la semaine dernière, le film a valu cette année à Park le prix de la mise en scène à Cannes, où son thriller culte Oldboy avait déjà reçu le Grand prix en 2004.

Decision to Leave raconte l’histoire d’un inspecteur (l’acteur sud-coréen Park Hae-il) enquêtant sur la mort d’un homme tombé d’une falaise et qui s’éprend de la suspecte numéro un, la mystérieuse épouse de la victime, incarnée par la vedette chinoise Tang Wei.

Contrairement aux précédentes œuvres de Park Chan-wook, « Decision to leave » ne contient presque aucune scène de violence ou de sexe. Le site IndieWire l’a qualifié de « film le plus romantique de l’année (jusqu’à présent) ». La plupart des critiques ont fait l’éloge de l’élégance et de la retenue de cette histoire d’amour.

« Je conviens que c’est un film romantique et je voulais faire un film de ce genre », a déclaré Park dans un entretien avec des journalistes le mois dernier à Séoul.

Le réalisateur de 58 ans a expliqué qu’il a commencé à penser à ce projet alors qu’il travaillait sur sa minisérie en anglais The Little Drummer Girl, dont l’intrigue est basée sur le conflit israélo-palestinien. Il a alors souhaité faire quelque chose de différent, loin de la politique et des conflits.

« Je voulais faire un film qui soit pur. Pur dans le sens de fidèle aux bases du cinéma en tant qu’art, et dans lequel aucun autre élément que le thème de l’amour n’entrerait en ligne de compte », a-t-il raconté.

Le résultat est une exploration poétique du temps, de la perte et de la nostalgie, combinant la cinématographie luxuriante caractéristique de Park avec la tension sexuelle qui couve entre le policier bien élevé et la séduisante suspecte du meurtre.

Tous deux se démarquent des précédents personnages plus extrêmes de Park, comme le prêtre catholique déprimé devenu vampire dans le film d’horreur Thirst ou l’homme retenu en captivité pendant 15 ans de Oldboy.

Pour le réalisateur, les histoires d’amour, tout comme les sanglantes histoires de vengeance, révèlent ce que « les êtres humains sont essentiellement ». Malgré cela, aucun des personnages de son film ne lui ressemble.

« Grand écart »

« Je ne suis pas du tout le genre de personne qui poursuit des idéaux aussi romantiques, ou qui vit sa vie de cette façon. J’ai tendance à être très réaliste et pragmatique », a affirmé Park d’une voix douce. « Je suis le genre de cinéaste qui fait le grand écart, entre ma vie et les films que j’ai réalisés ».

Park Chan-wook est considéré comme celui qui a inspiré toute une génération de cinéastes du genre « noir coréen » — des films sur des meurtres sanglants et des vengeances brutales dans le milieu criminel, présentés avec une cinématographie somptueuse.

Un de ces réalisateurs, Bong Joon-ho, est devenu en 2019 le premier Sud-Coréen à gagner la Palme d’or à Cannes, pour sa comédie noire Parasite, également la première œuvre de langue non anglaise à avoir remporté l’Oscar du meilleur film.

S’il soutient que ses films sont destinés au grand public, Park admet que « les films sud-coréens, asiatiques et étrangers sont encore considérés comme du cinéma d’art et d’essai » en dehors de la région.

« Peu importe comment ils sont faits, c’est comme ça qu’ils sont catalogués », a-t-il regretté. « Je ne pense pas que ce soit idéal. Mais Parasite a brisé cette barrière ».

Park s’efforce également de travailler à des projets non coréens. Outre The Little Drummer Girl, il a produit en 2013 la première œuvre de Bong Joon-ho en langue anglaise, la série Snowpiercer. La même année, il a fait ses débuts à Hollywood avec Stoker, dans lequel jouent Nicole Kidman et Mia Wasikowska.

Son prochain projet, pour HBO, est une série d’espionnage en sept épisodes avec Robert Downey Jr, inspirée du roman Le sympathisant de Viet Thanh Nguyen (prix Pulitzer 2016).

Pour Park, le secteur mondial du divertissement a besoin de plus de collaborations internationales.

« Il est important de savoir comment vos films sont perçus à l’heure actuelle. Mais il faut également vous demander si vos films vont survivre et si on se souviendra d’eux », a-t-il affirmé.

« Il m’est impossible de savoir ce que pensera le public dans cinquante ou cent ans. Mais les réactions des spectateurs étrangers d’aujourd’hui constituent le seul petit indice que vous pouvez obtenir », a-t-il ajouté.