(Berlin) Avec sa vision unique et son sens de la mise en scène, Denis Côté propose encore une fois un film qui ne ressemble à rien d’autre, dans lequel il aborde avec audace des thèmes liés à la sexualité, peu souvent traités dans le cinéma québécois.

Un été comme ça, en lice pour l’Ours d’or, est le plus « long » des films de Denis Côté. Pendant les 137 minutes que dure la projection, ce rythme lent n’est pourtant jamais contraignant. Comme si cette façon de prendre bien son temps pour battre la mesure s’était imposée pour donner du souffle à une histoire qui, finalement, n’en est pas vraiment une…

Au début, il n’y a que des visages en gros plans. La directrice de l’évènement vient expliquer aux gens à qui elle s’adresse le pourquoi du comment de cet étrange atelier, auquel trois jeunes femmes menant une vie sexuelle « hors normes » aux yeux de la société ont volontairement accepté de participer. On leur explique alors les règlements auxquels elles devront quand même se soumettre pendant les 26 jours que durera un exercice relevant davantage de l’étude que de la thérapie. On leur présente également les deux professionnels (Anne Ratte Polle et Samir Guesmi) qui les observeront pendant leur séjour, en toute discrétion. Le but n’est pas tant de soigner — ce ne sont pas des « patientes » — que d’explorer les confins du désir sexuel, lequel, dans le cas de ces femmes, peut parfois emprunter des formes plus extrêmes. « C’est un cheminement, pas un traitement », leur indique-t-on d’emblée.

Elles sont trois, donc. On ne sait trop d’où viennent ces femmes, interprétées par Larissa Corriveau, Aude Mathieu et Laure Giappiconi, ni ce qui les a menées vers ce programme particulier, mais là se situe la force du récit. Le spectateur et les héroïnes sont en effet toujours au même niveau de compréhension, dans une espèce de bulle où la réalité quotidienne n’a plus vraiment d’emprise.

Un regard délicat

On parle beaucoup de sexe, évidemment. Denis Côté a pourtant réussi l’exploit d’illustrer franchement les pratiques sexuelles de ces femmes, sans pour autant avoir jamais recours à des images explicites qu’on associerait habituellement au porno. Il y a, au contraire, une infinie délicatesse dans le regard, même dans les séquences les plus frontales. Sur ce plan, l’approche qu’emprunte le cinéaste est impressionnante. Retenons notamment cette scène avec Léonie (Larissa Corriveau), une adepte du bondage, alors que plusieurs minutes sont consacrées à la préparation d’une séance qui prend toutes les allures d’un rituel. Un assemblage de câbles orchestré avec un savant mélange de douceur et de précision est montré ici dans toute sa complexité, comme la composition d’un tableau, sans aucun effet de voyeurisme.

Le jugement moral est complètement absent de la démarche du cinéaste, tout désir de provocation également. La cohabitation de cinq individus pendant 26 jours dans cet endroit isolé des Laurentides entraînera évidemment des discussions et des moments plus intenses sur le plan des relations personnelles, peut-être même certaines réflexions chez certains d’entre eux. Mais il n’y a ici aucune démonstration de quoi que ce soit. À l’arrivée, nous aurons passé du temps avec elles, avec lui aussi, comme un moment suspendu dans l’espace, hors du temps, avec la satisfaction d’avoir vécu une expérience, peu importe ce qu’il en adviendra ensuite. La qualité du jeu des cinq personnages principaux est à souligner, tout autant qu’une vision picturale singulière, propre au cinéma de Denis Côté.

Il reste maintenant à savoir comment cet objet cinématographique original sera accueilli par la presse internationale, et plus particulièrement par le jury.

Un été comme ça prendra l’affiche au Québec au cours des prochains mois.