(Berlin) Deux ans après avoir tenu le dernier grand évènement culturel international dans des conditions normales, la Berlinale accueille de nouveau le monde, cette fois dans une formule mitoyenne. Avec Peter von Kant, François Ozon aura l’honneur de lancer ce jeudi un festival où sont aussi sélectionnées les nouvelles œuvres de Denis Côté, Miryam Charles et Philippe Falardeau.

L’an dernier, les organisateurs de la Berlinale s’étaient résignés à tenir une édition entièrement virtuelle, dont les moments forts ont ensuite été présentés au public berlinois dans les salles de la capitale allemande quelques mois plus tard. Cette fois, le festival a bel et bien lieu « en vrai », mais dans une version réduite, sous haute surveillance. Vaccination totale exigée, tests antigéniques quotidiens obligatoires pour tous les professionnels et journalistes, capacité réduite à 50 % dans les salles de projection et les salles de conférences, absence de réceptions et de fêtes, bref, la pandémie fait encore des siennes. La tradition du tapis rouge est à peu près la seule à survivre dans les circonstances.

La course à l’Ours d’or sera lancée dès la soirée d’ouverture avec la présentation de Peter von Kant, aussi inscrit dans la compétition officielle. Le nouveau film de François Ozon, dont les têtes d’affiche sont Denis Ménochet, Isabelle Adjani et Khalil Garbia, est une libre adaptation de la pièce de Rainer Warner Fassbender Les larmes amères de Petra von Kant, dans laquelle les genres sont inversés. Une participation de Hanna Schygulla dans le nouvel opus du réalisateur de Grâce à Dieu évoque aussi le film que Fassbinder a lui-même tiré de sa pièce il y a 50 ans.

Une 4e fois en compétition pour Denis Côté

Aussi sélectionné en compétition officielle, Un été comme ça, de Denis Côté. Pour le cinéaste québécois, il s’agit d’une quatrième sélection en compétition officielle à la Berlinale. En 2013, Vic+Flo ont vu un ours a obtenu l’Ours d’argent du film le plus novateur. Boris sans Béatrice a été en lice pour l’Ours d’or en 2016, de même que Répertoire des villes disparues trois ans plus tard.

Mettant en vedette Larissa Corriveau, Laure Giappiconi et Aude Mathieu, Un été comme ça relate le parcours de trois jeunes femmes qui, pendant 26 jours, explorent leurs malaises sexuels dans une maison de repos. Sous la supervision tranquille d’une thérapeute allemande (Anne Ratte Polle) et d’un travailleur social bienveillant (Samir Guesmi), les trois protagonistes vivent ainsi un moment un peu hors du temps.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Denis Côté s’amène à Berlin avec la fierté d’avoir été sélectionné en compétition officielle pour la quatrième fois.

Tout ça découle d’une discussion entre amis, alors qu’on s’est demandé pourquoi le sexe était aussi rare dans le cinéma québécois. Depuis 25 ans, on compte pratiquement sur les doigts d’une main les films où le sexe est le point central du récit et où on en parle clairement.

Denis Côté

« Puis, en tombant sur un livre où l’on analysait le mot nymphomanie à travers les âges, j’ai eu l’idée de faire un exercice sérieux sur ce thème, avec des personnages complexes. J’ai souhaité une approche responsable, bienveillante, qui tient compte de l’époque dans laquelle on vit et de ce que je suis, soit un homme blanc straight au mitan de l’âge. Il n’y a pas de scènes choquantes ni voyeurisme. Je ne cherche aucunement la controverse. »

Denis Côté s’amène ainsi à Berlin avec l’attitude d’un cinéaste animé d’un sentiment de fierté.

« Je commence à vouloir le crier un peu partout, dit-il. Un été comme ça est mon 14film et tous ont été présentés dans un grand festival. Ça m’agace un peu qu’on parle d’abonnement et d’évidence. Je dois me blinder parce qu’on a tendance à voir ça comme un automatisme. Or, c’est faux. Mais ça n’enlève rien au plaisir de retourner à Berlin une quatrième fois en compétition. C’est toujours le fun de vivre cette expérience avec des acteurs qui n’ont encore jamais eu l’occasion d’y aller. »

Parmi les autres longs métrages en lice pour l’Ours d’or, 18 en tout, signalons Avec amour et acharnement, de Claire Denis (avec Juliette Binoche et Vincent Lindon), Call Jane, de Phyllis Nagy (avec Elizabeth Banks et Sigourney Weaver), Everything Will Be OK, de Rithy Panh, Leonora addio, de Paolo Taviani, La ligne, d’Ursula Meier, Les passagers de la nuit, de Mikhaël Hers (avec Charlotte Gainsbourg et Noée Abita), Rimini, d’Ulrich Seidl, et The Novelist’s Film, de Hong Sangsoo. Le jury, présidé cette année par le cinéaste américain M. Night Shyamalan, rendra son verdict le 16 février.

D’autres Québécois à Berlin

Miryam Charles aura l’honneur d’aller présenter son premier long métrage, sélectionné dans la section Forum de la Berlinale. À la fois documentaire et fiction, Cette maison emprunte la forme d’un essai poétique, inspiré d’un drame familial qu’a vécu la réalisatrice québécoise. Mettant en outre en vedette Schelby Jean-Baptiste et Florence Blain Mbaye, le film souhaite faire écho à l’aspect lumineux d’une adolescente dont la vie s’est interrompue tragiquement.

PHOTO FOURNIE PAR EMBUSCADE FILMS

Une scène tirée de Cette maison. Le film de Miryam Charles est présenté dans la section Forum de la Berlinale.

« J’ai encore du mal à croire à cette sélection, indique Miryam Charles à la veille de son départ pour la capitale allemande. Je suis fébrile, excitée, tellement reconnaissante d’y être invitée, autant moi que l’équipe. »

Étant plutôt timide de nature, je suis d’ailleurs très heureuse d’être accompagnée là-bas par les actrices et les producteurs. Ce sera une très belle expérience, à n’en pas douter !

Miryam Charles

Philippe Falardeau, qui avait eu l’honneur d’ouvrir la Berlinale en 2020 avec son film My Salinger Year, revient cette fois à titre de réalisateur de la série Le temps des framboises, qui clôturera le volet Berlinale Series. Écrite par Florence Longpré (M’entends-tu ?) et Suzie Bouchard (L’œil du cyclone), cette série met en vedette Sandrine Bisson, Edison Ruiz, Micheline Lanctôt, Elijah Patrice et Paul Doucet.

« C’est comme un décloisonnement, lance le cinéaste. Je ne suis pas sorti du pays depuis mon retour de Berlin il y a deux ans, alors que la pandémie a été déclarée. J’ai accueilli cette sélection comme si je m’étais retrouvé ébloui par la lumière après avoir passé beaucoup de temps dans une grotte un peu caverneuse et obscure. Je trouve ça le fun pour la série, pour l’équipe, et on y va en grand nombre. C’est comme une bonne grosse bouffée d’oxygène. »

La 72e Berlinale se tient du 10 au 20 février. Le palmarès sera annoncé le 16 février.

Consultez le site de la Berlinale (en anglais)