La 71e Berlinale se tiendra virtuellement dans quelques jours. Denis Côté y lancera en primeur mondiale Hygiène sociale, son nouvel opus. Déjà forte d’une participation remarquée au festival de Toronto l’an dernier, Tracey Deer proposera de son côté Beans, sélectionné dans la section Génération.

En 2020, le festival de Berlin fut le dernier à se tenir dans des conditions normales. Il y avait des tapis rouges, des invités, des gens qui cherchaient désespérément un siège libre dans une salle déjà pleine lors d’une projection attendue. Un an plus tard, tout cela relève d’un autre monde. Comme l’ont fait à peu près tous les organisateurs de manifestations culturelles sur la planète, ceux de la 71e Berlinale ont dû se « réinventer » aussi.

Cette année, le premier des trois plus grands festivals européens de l’année se déroulera en deux étapes. La première se tiendra de façon entièrement virtuelle, dans le cadre du Marché du film européen (EFM), du 1er au 5 mars. La seconde partie aura lieu au mois de juin et, si tout va bien, des projections destinées au public pourront être organisées dans les salles de la capitale allemande.

Depuis Bestiaire, en 2012, Denis Côté a été invité à la Berlinale six fois. En 2013, Vic+Flo ont vu un ours a obtenu l’Ours d’argent du film le plus novateur. Il y a deux ans, Répertoire des villes disparues a été sélectionné dans la compétition officielle. Cette fois, Hygiène sociale, un film tourné de façon complètement indépendante l’été dernier, sera lancé dans la section compétitive Encounters, réservée aux fortes signatures.

Le fait d’avoir été invité par la nouvelle équipe [dirigée par Carlo Chatrian] me fait plaisir, car j’ai l’impression de ne pas avoir été sélectionné par habitude. Quand j’ai le sentiment qu’on m’invite “par amitié’’, j’avoue que ça me tracasse un peu.

Le réalisateur Denis Côté

« Maintenant, je demande toujours aux organisateurs si mon film peut être intéressant pour leur public, nonobstant ma personne ou le fait qu’ils me connaissent. Là, je crois avoir été invité pour les bonnes raisons », a déclaré à La Presse le réalisateur de Curling.

Hygiène sociale relate le parcours d’un homme bon vivant, philosophe et délinquant, qui s’enlise progressivement auprès des cinq femmes qui gravitent autour de lui. Maxim Gaudette est entouré de Larissa Corriveau, Éléonore Loiselle, Kathleen Fortin, Evelyne Rompré et Eve Duranceau. On décrit ce film, tourné à la manière de son docufiction Wilcox, comme une œuvre « hors normes », mais aussi comme étant la première véritable comédie d’un auteur dont les films sont souvent parsemés d’un humour souterrain.

« J’assume le fait que ce film ait été fait très rapidement, en temps de pandémie, limite pour le fun. Au mois de mai, au plus fort de la pandémie, j’ai ressorti d’un tiroir un truc qui, dans mon esprit, n’avait rien d’un projet de film. J’avais écrit ce texte en voyage à Sarajevo il y a cinq ans et je ne l’avais jamais relu depuis. Il s’agit d’un truc constitué uniquement de longs dialogues. Il se trouve que Larissa Corriveau et Maxim Gaudette l’ont lu, et ils avaient tellement envie de jouer qu’ils ont suggéré de filmer ça en toute indépendance, sans cachet, sans rien, et ils étaient convaincus que d’autres actrices accepteraient avec enthousiasme. Au départ, ça ressemble à un petit film entre amis, mais là, le film existe et il plaît ! »

La présentation d’Hygiène sociale au Festival de Berlin aura lieu le 2 mars. La date de sortie québécoise n’est pas encore fixée.

De Kahnawake à Berlin

Beans, un film de Tracey Deer, a par ailleurs été retenu dans la section Génération. Ce programme, à l’intérieur duquel a été présenté l’an dernier La déesse des mouches à feu, d’Anaïs Barbeau-Lavalette, est consacré à des films dont les thèmes touchent à l’enfance et à l’adolescence.

Ayant grandi dans la communauté mohawk de Kahnawake, Tracey Deer, qui s’est déjà fait remarquer dans le domaine du documentaire (Club Native) et de la télévision (la série Mohawk Girls), était âgée de 12 ans quand est survenue la tristement célèbre crise d’Oka, en 1990. Dans Beans, son premier long métrage de fiction, elle relate les évènements à travers les yeux d’une jeune fille effectuant son passage de l’enfance à l’adolescence dans un moment de grande tension sociale.

PHOTO FOURNIE PAR MÉTROPOLE FILMS

Après avoir lancé Beans au festival de Toronto l’automne dernier, Tracey Deer a été invitée à la Berlinale. Son film est sélectionné dans la section Génération.

Très tôt dans ma vie, mon ambition a été de devenir réalisatrice et j’ai rêvé longtemps de pouvoir porter mon histoire à l’écran. D’une certaine façon, ce film a germé en moi pendant 30 ans, dont 10 de façon plus concrète. Tout ce que j’ai fait professionnellement m’a permis d’apprendre le métier. J’ai mis toute mon expérience au service de ce film.

Tracey Deer, réalisatrice

Tracey Deer est évidemment ravie de l’écho international qu’obtient Beans, mais elle souhaite surtout que son long métrage ait une résonance au pays et ouvre le dialogue. Au Québec, la sortie de Beans est pour l’instant prévue au mois de mai.

Une réalisatrice montréalaise en sélection officielle

Signalons par ailleurs la présentation de gala de Best Sellers dans la catégorie Berlinale Special. Mettant en vedette Michael Caine, Aubrey Plaza et Cary Elwes, cette comédie dramatique, coproduite par le Royaume-Uni et le Canada, est réalisée par la cinéaste montréalaise Lina Roessler. Aussi connue comme actrice, notamment grâce à Snow & Ashes, de Charles-Olivier Michaud, Mme Roessler signe ici son premier long métrage à titre de réalisatrice.

Bicentenario, un moyen métrage documentaire de Pablo Alvarez-Mesa, déjà présenté aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal l’automne dernier, fait aussi partie des films québécois sélectionnés à Berlin.