(Venise) Avec deux films en lice pour le Lion d’or cette année à Venise, l’acteur italien Toni Servillo confirme son rôle incontournable au cœur du cinéma italien, où son talent tout terrain en a fait la coqueluche des réalisateurs.

À 62 ans, l’acteur fétiche de Paolo Sorrentino, qui en lui confiant le rôle de Jep Gambardella dans La grande bellezza (Oscar du meilleur film étranger en 2014) lui a conféré une stature internationale, croule sous les sollicitations, mais garde les pieds sur terre.

Au cours d’un entretien avec l’AFP, alors qu’on lui fait remarquer son omniprésence sur le Lido, cet homme qui a débuté tout jeune sur les planches à Naples répond en français et en souriant : « Malgré moi ».

« Comme pour beaucoup de mes collègues, la COVID-19 a bloqué mon activité théâtrale. Dès que ça sera plus facile, je retournerai au théâtre », confie cet homme élégant en complet de lin, les yeux cachés derrière des lunettes fumées sous sa couronne de cheveux blancs.

« Je ne considère pas le théâtre comme un stationnement où attendre des rôles au cinéma, je suis un acteur de théâtre militant », insiste le comédien, qui s’est lancé tardivement devant la caméra avec Mort d’un mathématicien napolitain de Mario Martone, Grand Prix du jury à Venise en 1992.

Cette année, de nouveau dirigé par Martone, il revient à Venise avec Qui rido io, basé sur la vie d’Eduardo Scarpetta (1853-1925), un monument du théâtre napolitain et italien vénéré de son vivant pour ses talents de comique et dont les pièces sont encore jouées aujourd’hui.

Scarpetta « est le père de trois enfants qu’il n’a jamais reconnus et qui ont été parmi les plus grands acteurs italiens, dont Eduardo De Filippo (1900-1984), peut-être le plus célèbre », raconte-t-il. « Scarpetta offre l’occasion de raconter les grandes tribus théâtrales qui confondent le théâtre avec la vie, et la vie avec le théâtre ».

Quatre David

Eduardo Scarpetta, monté dès l’âge de 15 ans sur les planches pour camper les personnages notamment comiques du théâtre napolitain, est l’auteur du chef-d’œuvre Misère et noblesse. Il a aussi donné naissance à une dynastie de comédiens parmi lesquels Eduardo De Filippo, Peppino De Filippo et Titina De Filippo, lesquels marqueront le théâtre et le cinéma napolitains du XXe siècle.

Une histoire qui résonne avec son propre parcours : « Je monte sur scène depuis 40 ans, j’ai fait des milliers de représentations un peu partout dans le monde, je sais ce qu’est la vie de théâtre, et donc alterner ces moments privés et ces moments sur scène en incarnant quelqu’un d’autre est quelque chose que je connais très bien ».

À Venise, Toni Servillo est à l’affiche d’un autre film en course pour le Lion d’or, La main de Dieu, récit autobiographique signé de son complice Paolo Sorrentino où il joue le rôle ô combien symbolique du père du cinéaste, disparu prématurément. Le film se déroule lui aussi à Naples, ville d’origine adorée des deux hommes qui laissent libre cours à la nostalgie d’un monde disparu.

Pour Mario Martone, lui aussi napolitain, « Toni est un acteur très spécial » avec qui il a « débuté à Naples à 17 ans quand il avait encore plein de cheveux », se remémore-t-il en souriant. « Ce n’est pas le seul bon acteur en Italie », s’empresse-t-il de préciser. « Par chance, l’Italie vit un moment de grande vitalité, il y a beaucoup de réalisateurs et d’acteurs et d’actrices de qualité ».

Toujours est-il qu’aucun acteur de la génération de Servillo, récompensé par quatre David di Donatello, l’équivalent italien des Césars, ne peut afficher un parcours aussi brillant, servi par une galerie de réalisateurs italiens aussi prestigieux que Matteo Garrone (Gomorra) ou Marco Bellocchio (La belle endormie).