Ce documentaire politiquement engagé prend l’affiche à point nommé, dans la foulée des contestations étudiantes et, surtout, des débats souvent vaseux, mais nécessaires autour de cet obscur Plan Nord et du gaz de schiste. Tous au Larzac nous ramène à l’aube des années 70 chez les paysans d’un coin perdu au fin fond des campagnes françaises, le causse du Larzac.



Suivant les plans de développement à l’agenda, l’armée a l’intention de déloger plusieurs fermiers afin d’agrandir un espace réservé aux exercices militaires. Les paysans du Larzac ne se laisseront pas chasser comme des importuns et leur refus obstiné d’abandonner leurs terres se transformera peu à peu en un vaste mouvement rassembleur, dont cet excellent documentaire retrace les grands moments.

Déterminés et pacifistes


Déterminés, mais foncièrement pacifistes, les paysans et leurs alliés, recrutés plus tard essentiellement chez les partisans de la gauche socialiste et les hippies du « retour à la terre », devront faire preuve d’ingéniosité pour faire valoir leur cause. Ils iront tous à Paris, en tracteur, puis accompagnés de leurs moutons qui prendront d’assaut le Champ de Mars lors d’un « happening agricole » surréaliste qui fait la manchette partout dans le monde. Les gens du Larzac auront été entendus.

Tout cela se passe peu de temps après le tumulte collectif de Mai 68, il y a encore de l’électricité dans l’air, et les fermiers, catholiques pour la plupart, qui n’ont pas grand-chose à faire du maoïsme et qui voient d’abord d’un œil suspicieux l’arrivée de ces barbus échevelés aux relents de patchouli, accepteront assez vite d’être ainsi « récupérés » par la grande vague gauchiste. Tant qu’on parle d’eux.

Le documentariste s’efface


La lutte s’étirera sur 10 longues années, de 1971 à 1981, soit jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Mitterrand. Aujourd’hui, beaucoup de gens du Larzac prêtent main-forte à diverses manifestations altermondialistes contre les OGM et, justement, le gaz de schiste (oui, José Bové est de ceux-là).

Le documentariste Christian Rouaud s’efface ici complètement, nous épargne une narration qui aurait de toute façon paru superflue, évite aussi les exercices de style esthétisants, laissant toute la parole aux nombreux intervenants, volubiles, allumés, et souvent nostalgiques de ces belles années de solidarité et de franche camaraderie.

Tous au Larzac, riche, captivant, émouvant, généreux, est toutefois très dense et longuet. Rouaud a voulu tout dire et tout montrer, si bien qu’au bout d’une heure, on est un peu groggy par le flux continu d’informations. Mais ce n’est qu’un bémol. Ce film est un trésor, à revisiter, qui ravira le cœur des troupes indignées.

Tous au Larzac


*** 1/2


Documentaire de Christian Rouaud. 2 h 08.