La direction de Renault a reconnu lundi que la retentissante affaire d'espionnage industriel visant le constructeur automobile français était probablement montée de toute pièce, et elle a présenté ses excuses à trois cadres licenciés à grand fracas en janvier.

«Carlos Ghosn, président-directeur général, et Patrick Pélata, directeur général délégué aux opérations, présentent leurs excuses et leurs vifs regrets, à titre personnel et au nom de Renault, à MM. Balthazard, Rochette et Tenenbaum mis en cause à tort dans ce dossier», a déclaré Renault dans un communiqué.

Les deux dirigeants du groupe «s'engagent à ce que réparation soit apportée aux trois cadres concernés», qui seront reçus par MM. Ghosn et Pélata «dans les plus brefs délais».

Après avoir crié à l'espionnage industriel et accusé ses trois cadres d'avoir vendu des informations sensibles à l'extérieur de l'entreprise, son PDG Carlos Ghosn se trouve singulièrement fragilisé.

Le trouble roman d'espionnage s'est transformé en une sombre affaire d'escroquerie, dans laquelle un responsable de la sécurité de Renault a été inculpé et écroué.

Dominique Gevrey, un ancien militaire, a été interpellé vendredi alors qu'il s'apprêtait à prendre un avion pour la Guinée. Il aurait été en contact avec une «source», rémunérée à hauteur de plusieurs centaines de milliers d'euros, à l'origine des accusations contre les trois cadres. Il a toujours refusé d'en révéler le nom.

Le procureur de Paris Jean-Claude Marin a estimé lundi que cette affaire ne relevait en fait que d'une «possible escroquerie au renseignement» et a confirmé que les trois cadres licenciés ne disposaient pas de comptes à l'étranger, comme les en accusait la direction.

La piste de l'espionnage n'est toutefois pas complètement écartée, de même que «le scénario d'une déstabilisation» de Renault, a déclaré le procureur à la presse.

Renault a convoqué lundi une réunion extraordinaire de son conseil d'administration, afin de l'informer des derniers développements de cette enquête.

Les trois cadres, dont un haut responsable de Renault, avaient été accusés par la direction d'avoir monnayé des informations sur son programme phare de véhicules électriques et d'avoir touché de l'argent sur des comptes bancaires en Suisse et au Liechtenstein.

Or les policiers de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, contre-espionnage) n'en ont pas trouvé trace.

Renault avait récemment nuancé ses accusations, pourtant défendues par MM. Ghosn et Pélata en personne. Ce dernier a admis que le groupe avait pu être victime d'une escroquerie, se disant prêt à en tirer «toutes les conséquences jusqu'au niveau le plus haut de l'entreprise, c'est-à-dire jusqu'à moi».

La position de M. Ghosn est également devenue inconfortable, même s'il semble jusqu'à présent protégé par sa double casquette de PDG de Renault et du japonais Nissan, dont il incarne l'alliance mise sur pied il y a plus de dix ans.

Le PDG n'avait pas hésité à aller soutenir les accusations d'espionnage au journal télévisé de la chaîne TF1 fin janvier, assurant avoir «suivi personnellement l'avancement de ce processus». Trois semaines plus tard, il minimisait son implication, disant s'être appuyé sur l'analyse de dizaines de personnes.

Peu de voix d'ailleurs s'élèvent pour demander sa démission, à l'exception de celle du syndicat FO, minoritaire.

L'État français, premier actionnaire de Renault avec 15% du capital, se garde de tout commentaire. «Je ne dis strictement rien, parce que l'enquête judiciaire est en cours», a déclaré le ministre de l'Industrie Éric Besson lundi.