Qu'importe si la leçon n'est pas encore tout à fait apprise par coeur, l'industrie automobile chinoise ambitionne, avec la bénédiction de Pékin, de se déployer hors de ses frontières. Un scénario catastrophe auquel les grands constructeurs automobiles et une poignée d'analystes refusent de croire... pour le moment.

Le diable va-t-il rentrer dans sa boîte et les prédicateurs alarmistes vont-ils changer de discours? Les Chinois ne lamineront pas les constructeurs automobiles mondiaux. Pas pour l'instant du moins. Ils ont encore beaucoup trop à apprendre.

 

Pourtant, avant que certains constructeurs chinois ne débarquent dans les grandes manifestations internationales (Detroit, Francfort, etc.), la thèse était crédible, même si plusieurs constructeurs occidentaux s'empressaient de la balayer d'un revers de main: pas de réseau pour assurer la vente et le service de leurs voitures, déficit énorme dans le domaine de la sécurité (active et passive), manque de créativité dans le design, et quoi encore. Au fait, achèteriez-vous une Great Wall (grande muraille)? Pensez-y!

Encore beaucoup à apprendre, même si depuis un quart de siècle le gouvernement chinois construit habilement « son « industrie automobile sur la base de coentreprises entre sociétés chinoises et étrangères. En échange d'investissements massifs et de transferts de technologie, les entreprises étrangères ont eu accès au marché chinois.

Le pays fournit la main-d'oeuvre industrielle, négocie quelques compromis politiques et organise l'approvisionnement en pièces détachées. Selon la loi chinoise, les étrangers ne peuvent contrôler plus de 50 % d'une coentreprise, ce qui signifie qu'ils doivent répartir les gains en parts égales. Astucieux, n'est-ce pas?

Même si elle a acquis pas mal d'expérience au contact des grands constructeurs mondiaux, l'industrie automobile chinoise n'est pas en mesure de rivaliser avec les européens, les japonais, les sud-coréens et les américains sur les trois valeurs fondatrices de leur réputation : qualité, fiabilité et technologie. Mais demain?

Souvenirs, souvenirs...

Pour mieux comprendre les difficultés sur lesquelles les constructeurs chinois buteront, ouvrons le grand livre d'histoire de l'automobile et comparons la situation de la Chine à celle de la Corée du Sud.

Cette dernière se trouvait, à l'orée des années 80, dans une situation plus avantageuse techniquement que les Chinois aujourd'hui. Elle a tout de même mis 20 ans avec Hyundai à se faire accepter puis à construire une image de marque. Les Sud-Coréens y sont parvenus, mais combien ont échoué?

Rappelez-vous, peu de temps avant l'entrée en scène de Hyundai et de sa Pony, le trio du bloc de l'Est composé des Lada, Skoda et Dacia... Cela vous rappelle des souvenirs douloureux, n'est-ce pas? Certes, quelques acheteurs se sont laissés séduire par ces caricatures roulantes, mais ont vite compris que de la devise « beau, bon, pas cher «, elles n'avaient retenu que le «pas cher».

Ainsi, tant que les automobiles chinoises se limiteront à calquer les voitures existantes à moindre coût, elles n'attireront qu'une clientèle marginale.

On voit donc ce qui attend les Chinois, qui commencent tout juste à maîtriser la fabrication de voitures simples au contact des grands constructeurs, mais ne savent pas encore les inventer. Seulement les copier avec plus ou moins de succès.

Au dernier salon automobile de Detroit, notre collègue Éric Descarries a été à même de le constater. Malgré des progrès notables, les exemplaires chinois envoyés en ambassadeurs souffraient de plusieurs maux: les portières ne fermaient toujours pas correctement, le cuir paraissait déjà usé, certains éléments se décollaient et la peinture avait le reflet d'une peau d'orange.

Dans un avenir proche, le spectre de l'empire du Milieu pourrait cependant se révéler menaçant dans le domaine des petites voitures, celles qui assurent un service minimal et qui seraient, dit-on, proposées à prix plancher par rapport aux ténors de la catégorie. Mais à ce prix, seront-elles aussi économiques à la pompe, aussi sûres, aussi faciles à entretenir et à revendre que leurs concurrentes?

Autre débouché, mais à plus long terme, celui-là: la voiture propre. D'ailleurs plusieurs experts prétendent que c'est la Chine qui produira le premier véhicule de masse alimenté à l'hydrogène. Sceptiques? Les chercheurs de l'université de Tongji, présents au dernier Challenge Bibendum, souhaitent vous confondre.

Pour l'heure, les constructeurs de la Chine ne menacent pas la toute-puissance étrangère, même à l'intérieur de ses murs. Il suffit d'observer les grands boulevards du centre-ville de Shanghai: Volkswagen, General Motors, Toyota dominent. La plupart sont fabriquées en Chine par les coentreprises avec Dongfeng, SAIC ou First Automotive Works (FAW). Les seules voitures 100% chinoises se sont taillées des « niches « grâce à des prix très bas et une mise en marché très agressive.

Alors, vous rêvez toujours d'une voiture chinoise? Aujourd'hui peut-être pas, mais demain, qui sait si une Great Wall ne trouvera pas refuge dans votre garage?