Ses origines remontent à 1865, à l'entreprise qui porte les noms de ses fondateurs, Heinz, Pierce and Munschauer, et qui fabrique des objets domestiques, notamment de superbes cages d'oiseaux.

Ses origines remontent à 1865, à l'entreprise qui porte les noms de ses fondateurs, Heinz, Pierce and Munschauer, et qui fabrique des objets domestiques, notamment de superbes cages d'oiseaux.

En 1872, George N. Pierce rachète les parts de ses deux associés et commence à produire des vélos. Il se lance ensuite dans la construction automobile avec la Pierce Motorette, animée par un moteur monocylindre construit sous licence de Dion. Ce véhicule de 15 chevaux, construit à 50 exemplaires, est ensuite baptisé Arrow.

Avec l'Arrow et ses descendantes, la Great Arrow à quatre cylindres et la Great Arrow Sixty-Five à six cylindres, les affaires sont florissantes, et la marque adopte en 1907 le nom Pierce-Arrow. Les produits de la marque se distinguent par leur construction soignée et une finition exemplaire qui en font rapidement les «meilleures voitures américaines», une réputation appuyée sur plusieurs victoires en sport automobile, notamment le Gilden Tour, une épreuve d'endurance de 1400 km.

Clientèle dorée

En 1909, George Pierce sépare la division vélos et celle des autos, et crée la Arrow Motorcar Company. De son usine de Buffalo sortent des voitures d'une qualité exceptionnelle, habillées de carrosseries partiellement en aluminium, métal qui entre aussi dans la fabrication des carters de moteurs, des boîtes de vitesses et des différentiels.

La qualité technique et la robustesse enviable des Pierce-Arrow attirent des clients prestigieux, notamment le président américain William Howard Taft, qui en commande deux en 1909. Ce seront les deux premières voitures officielles de la Maison-Blanche. D'autres clients de cet acabit s'ajouteront au fil des ans : l'empereur du Japon, Hirohito; le shah d'Iran (dont la Pierce-Arrow 1930 était garnie d'or, de soie et de fourrure de loup de Sibérie); le roi Ibn Saoud d'Arabie Saoudite, et Albert, le roi des Belges.

Design breveté

Parmi les autres caractéristiques marquantes des Pierce-Arrow à compter de 1913 : les phares intégrés aux ailes, un design qui a fait l'objet d'un brevet déposé par l'ingénieur Herbert Dawley. Grâce à ce brevet, aucune autre voiture américaine n'a pu reprendre cette solution esthétique avant la disparition de Pierce-Arrow en 1938. À l'instar de la redoutable Stutz et de la légendaire Duesenberg, Pierce-Arrow produit un moteur à quatre soupapes par cylindre, le Dual Valve Six.

Dans les folles années 20, sous la pression de ses rivaux Cadillac et Packard, Pierce-Arrow cherche à élargir sa clientèle en dévoilant un modèle «bon marché», la série 80. Cette voiture, qui coûte quand même 3000 $, est vendue à plus de 30 000 unités. En 1928, la série 81 prend la relève, mais son style ne fait pas l'unanimité et les ventes chutent.

Conscient des difficultés des constructeurs indépendants face aux géants GM et Ford, qui commencent à prendre forme, Pierce-Arrow cherche un acheteur nanti et c'est Studebaker, de South Bend, en Indiana, qui devient son actionnaire majoritaire.

Alfred R. Erskine, président de Studebaker, espère que le prestige de la marque permettra à Studebaker de concurrencer Packard et Cadillac sur le marché de l'automobile de luxe. C'est pourquoi Erskine accorde à Pierce une véritable autonomie. Mais l'ouragan de la Grande Dépression balaye les espoirs de Studebaker et de Pierce et en 1933, Pierce-Arrow est revendue à un groupe d'hommes d'affaires de Buffalo avant d'être mise en liquidation.

Un vendredi 13

À présent séparée de Studebaker, Pierce-Arrow dévoile au Salon de l'auto de New York de 1933 la Twelve Silver Arrow, dans l'ultime espoir de séduire ce qu'il reste d'acheteurs fortunés. Cette grande voiture aux lignes profilées et propulsée par un magistral V12 présente tous les raffinements techniques de l'époque et préfigure, par sa ligne arrière et ses roues arrière carénées, la «divine» Citroën DS de 1955. Mais aussi exceptionnelle soit-elle, cette voiture ne parvient pas à sauver la marque, qui est vendue aux enchères le 13 mai 1938. Un vendredi!

Pierce-Arrow, Packard, Stutz, Duesenberg, Peerless, Auburn, Cord, DuPont, Franklin, Hudson, LaSalle, Reo et quelques autres marques autrefois prestigieuses ne sont plus aujourd'hui que des souvenirs. Certes, la catastrophe économique et humaine que fut la Grande Dépression a scellé le sort de plusieurs constructeurs indépendants. Mais d'autres causes pourraient-elles expliquer le déclin de l'automobile américaine d'exception? Après tout, de grandes maisons européennes comme Rolls-Royce, Bentley et Mercedes-Benz sont encore là, sans compter les Porsche, Aston Martin et Ferrari.

Saviez-vous que parmi les 100 voitures choisies par un jury international comme les plus marquantes du 20e siècle, on compte 15 américaines entre 1900 et 1950, et seulement cinq entre 1951 et 2000? Pourquoi ce déclin? Où sont passées les belles américaines de nos grands-parents? À suivre...

Pour joindre notre chroniqueur : alain.raymond@lapresse.ca