Avec le taux de change, c'était une opération lucrative leur permettant d'empocher plus d'argent que s'ils les avaient revendus chez nous.

Avec le taux de change, c'était une opération lucrative leur permettant d'empocher plus d'argent que s'ils les avaient revendus chez nous.

Aujourd'hui, c'est un peu le contraire qui se produit: avec un huard à 94 cents US, on peut passer la frontière, acheter un véhicule neuf et épargner jusqu'au tiers du prix. Déjà l'an dernier, plus de 120 000 véhicules de tout genre ont été importés au Canada, et ça ne fait qu'augmenter, selon Transports Canada.

Dave Birmingham croit que cette tendance va continuer. M. Birmingham est le directeur général d'un groupe de concessionnaires de la région de Burlington, au Vermont. «Les Québécois magasinent en ligne, trouvent un bon prix de ce côté-ci de la frontière et nous lâchent un coup de fil», dit-il. «Nous, on leur facilite la tâche: s'ils achètent un véhicule, on se charge de le mener aux douanes afin de régler toute la paperasse.»

Dave Birmingham vend des véhicules neufs de marque Subaru, Hyundai et Mitsubishi. Il dit vendre deux ou trois véhicules neufs par mois à des résidents du Québec. «Nous sommes à une heure de route de Montréal», explique-t-il. «Ce n'est pas loin pour économiser cinq mille dollars...»

C'est le montant moyen que les acheteurs épargnent en achetant chez lui, assure l'Américain. Sur un montant de 20 000 à 30 000$, ce n'est pas négligeable... Surtout que les frais d'importation ne sont pas si élevés. Alors, devant une telle situation, on s'attendrait à ce que le prix des véhicules neufs vendus au Canada soient revus à la baisse, non?

«L'erreur, c'est de comparer les prix sur Internet», plaide Marc Bourassa, président sortant de la Corporation des concessionnaires automobiles du Grand Montréal. «Il y a parfois un monde de différence entre le prix suggéré et le prix de la transaction finale.» M. Bourassa estime qu'avec tous les programmes, les rabais et les taux de financement peu élevés, le prix de détail au Canada est souvent beaucoup plus bas qu'il n'y paraît.

Réaction lente

Chez Subaru Canada, on ajoute que le taux de change n'est qu'un facteur parmi tant d'autres dans la fixation des prix de vente, les fameux PDSF. «C'est un élément parmi neuf ou dix», résume Richard Fabien, directeur des ventes au Québec pour Subaru Canada. D'autres facteurs spécifiques au marché canadien entrent aussi en compte. Le fait qu'au pays, il se loue davantage de véhicules neufs qu'aux États-Unis, par exemple, modifie la structure des coûts.

Ce qui n'empêche pas les fabricants d'essayer d'en offrir plus pour le même prix. «On ajoute plus d'équipement dans les versions de base ou on offre des incitatifs à l'achat qui sont plus importants qu'aux États-Unis», explique Denis Bellemare, directeur régional pour Mercedes-Benz. De son côté, Subaru Canada inclut une partie de l'entretien normal du véhicule pour les premiers 36 mois.

La différence entre le prix américain et canadien touche particulièrement les modèles de la marque Mercedes-Benz. Le R500, un utilitaire métis de grand format, coûte 28% plus cher au Canada. En fait, quand on y regarde de plus près, on réalise que plus le véhicule est gros, plus la différence de prix est énorme. Du côté du groupe Chrysler, le nouvel utilitaire Aspen coûte 31,8% plus cher au nord du poste de Lacolle. Le Ford Expedition, un autre mastodonte, coûte 32,8% plus cher. C'est beaucoup.

C'est un problème que reconnaît d'emblée Mercedes-Benz. «On négocie les prix de détail avec la maison mère en Allemagne», explique M. Bellemare. «On négocie aussi le taux de change, et c'est sûr que là, on veut le renégocier le plus rapidement possible pour s'ajuster à la situation.»

Mercedes-Benz Canada a profité du Grand Prix de Formule 1 à Montréal pour dévoiler la prochaine génération de sa berline d'entrée de gamme, la Classe C. Plus moderne et plus stylisée, la berline coûtera moins cher que le modèle qu'elle remplace. «Vous allez le voir avec la nouvelle Classe C, nos prix vont s'ajuster avec l'arrivée des modèles 2008», assure son directeur pour le Québec.

Un achat risqué?

Quand un consommateur canadien achète un véhicule à l'extérieur, il doit naturellement se conformer à une procédure stricte, qui peut prendre plusieurs jours, s'il désire le ramener au pays. Il y a aussi des frais supplémentaires à payer, surtout si le véhicule a été assemblé à l'extérieur de l'Amérique du Nord. Ils sont généralement moindres que les économies qui peuvent être réalisées, par contre.

Les quelques centaines de dollars exigés, par rapport à une économie pouvant atteindre des dizaines de milliers de dollars, c'est une goutte d'essence dans le réservoir. «Il doit y avoir des problèmes ou des attrapes, notamment au plan de la garantie du fabricant, mais il y a certainement une bonne raison si autant de gens vont magasiner aux États-Unis», conclut Claude Roy, analyste pour Transports Canada.

Justement, une de ces attrapes est la conformité aux normes de sécurité de Transports Canada. Pour démêler ce dossier, le Registraire des véhicules importés dresse la liste des véhicules qui peuvent être importés sans modification mécanique. La liste est assez longue: les modèles d'à peu près toutes les grandes marques, depuis 2002, sont admissibles tels quels. Néanmoins, le processus d'importation en découragera plus d'un. Pour d'autres, c'est un moindre mal.

Des marchands de véhicules usagés sont récemment allés acheter des Mercedes-Benz aux États-Unis. Plusieurs n'ont pas obtenu le montant espéré au moment de revendre ces voitures. Les commerçants sont réticents à accepter un tel véhicule en échange, au moment d'acheter un nouveau véhicule neuf, puisque la garantie prolongée ne s'applique pas dans ces cas-là. Bref, la voiture perd une partie de sa valeur, ce qui importe peu si, au bout du compte, on prévoit la conserver le plus longtemps possible.