Depuis 2003, la bataille des calandres fait rage en Europe. Les spécialistes de la sécurité routière croisent le fer avec l'industrie automobile pour imposer des normes pour les proues des voitures, afin de les rendre moins meurtrières en cas de collision avec un piéton.

Depuis 2003, la bataille des calandres fait rage en Europe. Les spécialistes de la sécurité routière croisent le fer avec l'industrie automobile pour imposer des normes pour les proues des voitures, afin de les rendre moins meurtrières en cas de collision avec un piéton.

Ces normes pourraient changer 700 à 2000 vies par année dans l'Union européenne, ce qui correspond à une diminution du bilan routier piétonnier de 10 à 30 %. Si elles étaient appliquées au Québec, les normes de «calandres et capots sécuritaires» pourraient sauver chaque année entre 10 à 30 vies de piétons.

«C'est l'une des prochaines étapes de la sécurité routière», affirme Rob Methorst, ingénieur civil au Centre néerlandais de recherche sur les transports, en entrevue dans ses bureaux surplombant le Rhin, à Rotterdam. «Quand nous avons introduit l'apaisement du trafic et les zones à 30 km/h à Amsterdam, voilà une quinzaine d'années, tout le monde disait que c'était immoral. Maintenant tout le monde comprend que c'est nécessaire et que ça ne pose pas problème. Ça sera la même chose avec les calandres sécuritaires et avec la limitation électronique de la vitesse.»

Sur la glace

M. Methorst a participé aux rencontres sur la directive européenne sur les calandres sécuritaires, qui est sur la glace depuis 2003. «Avec les fusions dans l'industrie automobile, beaucoup de voitures partagent la même plateforme mécanique, dit-il. La seule manière pour chaque marque de se distinguer est la calandre. C'est pour cette raison que l'industrie automobile ne veut pas entendre parler de la norme. Certains constructeurs allemands ont même menacé de déménager en Europe de l'Est.»

Selon les partisans des calandres sécuritaires, les coûts impliqués sont minimes. Le Conseil européen pour la sécurité dans les transports estimait que des petites voitures comme la Honda Civic répondaient déjà à 80 % des exigences de la norme, et que les changements nécessaires pour s'y conformer totalement ne dépasseraient pas 50 euros (70 CAN) par véhicule.

Selon une étude britannique, les deux tiers des piétons qui meurent dans des accidents routiers sont tués par les calandres et le capot des voitures. Environ 10 % sont tués par d'autres sections de voitures, 20 % par des autobus ou des camions, et 4 % par des cyclistes.

Rendre le métal plus malléable

La plupart des décès impliquant la proue des voitures survenaient quand la tête cognait contre le capot ou le rebord du pare-brise. C'est cette région qui est surtout visée par la norme. Le métal du capot serait modifié afin de le rendre plus malléable, ce qui réduirait la violence de l'impact avec les têtes de piétons. Et la calandre serait relevée de manière à ce qu'il y ait moins d'impacts avec le rebord du pare-brise.

Trois voitures sont de bons exemples des changements nécessaires, selon M. Methorst : la Honda Civic, à cause de son design en général, et les Jaguar et la Citroën C6 parce que leur capot se relève légèrement au moment d'un impact avec le pare-choc.

Un dilemme divise par contre la communauté de sécurité routière : les calandres sécuritaires seraient plus dangereuses pour les cyclistes. «Pour bien protéger les piétons, il faut relever le capot, comme sur la Jaguar ou la C6, dit M. Methorst. Or, en faisant ça, on les rend plus dangereux pour les cyclistes. Pour aider ces dernier, il faudrait travailler à rendre le toit de la voiture moins rigide.»

Pour joindre notre journaliste: mathieu.perreault@lapresse.ca