Depuis près de 20 ans, la diversification des produits Porsche déconcerte beaucoup de gens, à commencer par leur clientèle traditionnelle. Au tour du Taycan, avec son propulseur entièrement électrique, de lever un autre tabou.

Vert et mûr

Hambourg, Allemagne

Méfiez-vous des idées préconçues ! Le vert pomme colore ici un véhicule parfaitement mûr. La clientèle l’est-elle tout autant ? Dans ses déclinaisons Turbo et Turbo S, le Taycan est coûteux, élitiste, mais c’est une Porsche. Une vraie.

Quelques jours avant que n’éclate le scandale des moteurs diesels truqués (le dieselgate), Martin Winterkorn, alors chef de la direction du groupe Volkswagen, avait procédé au dévoilement de la Mission E (nom de code autrefois donné au Taycan).

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Au-delà du type d’énergie qu’il utilise pour se mouvoir, le Taycan se doit d’abord et avant tout d’être une Porsche.

Au cours de son allocution, M. Winterkorn avait indiqué que « ce véhicule aurait une autonomie équivalente ou supérieure à 500 kilomètres en conduite sportive, c’est-à-dire en le pilotant comme une Porsche ».

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Pour rouler 500 km en conduite sportive, comme l'espérait le PDG de Porsche, il faut recharger.

Une promesse dont tous les responsables du Taycan ne souhaitent plus se souvenir aujourd’hui. Et pour cause. Selon la norme européenne WLTP, le dernier-né de Porsche n’atteint pas le minimum fixé par Winterkorn sans doute, mais la promesse de retrouver l’ADN Porsche, elle, a été soigneusement respectée. 

D’ailleurs à ce sujet, contrairement aux affirmations d’une certaine presse spécialisée, le Taycan ne vise pas directement Tesla et se garde bien, publiquement à tout le moins, de tacler son « rival » américain. 

« Le Taycan se mesure d’abord et avant tout aux autres produits de notre gamme », a rappelé Marc Ouayoun, président et chef de la direction de Porsche Canada, lors du dévoilement de ce modèle le mois dernier.

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Porsche ne cherche pas à mettre la Taycan en compétition avec le Modèle S de Tesla, même si ce sont des rivales naturelles.

Dès lors, on s’explique alors mieux pourquoi la marque allemande ne chasse pas à tout crin le record d’autonomie ou encore l’efficacité maximale dans toutes les phases de la conduite.

Au-delà du type d’énergie qu’il utilise pour se mouvoir, le Taycan se doit d’abord et avant tout d’être une Porsche.

Sortir des sentiers battus

Dans ce contexte, on comprend mieux l’approche adoptée dans la conception de ce véhicule électrique qui s’éloigne parfois de certaines « pratiques courantes » de l’industrie.

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La Porsche Taycan.

Prenons le cas, par exemple, du freinage régénératif qui, à la manière de la Nissan Leaf, permet d’immobiliser le véhicule sans avoir recours à la pédale de frein. Sur le Taycan, la récupération d’énergie au freinage se module à l’aide de la bonne vieille pédale de gauche. Pour justifier cette approche « traditionnelle », les concepteurs du Taycan estiment notamment qu’il est plus efficace de maintenir la fluidité du mouvement que de tenter de récupérer du courant.

Un autre exemple ? La présence d’une boîte de vitesse comptant deux rapports, une exclusivité pour l’heure, pour abaisser la consommation dès que le Taycan franchit le cap des 70 km/h.

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Les interfaces sont faciles à consulter et plutôt intuitives.

La puissance réelle du moteur électrique qui anime le Taycan demeure à ce jour nébuleuse. Les valeurs inscrites dans la fiche technique (nombre de chevaux) sont valables pour 10 secondes… En activant le contrôle de lancement, le Taycan peut cependant produire pendant 2,5 secondes jusqu’à 761 chevaux (Turbo S). Voilà qui explique – en tenant compte du couple, bien entendu – la vigueur des accélérations de ce modèle qui, contrairement à tous les autres véhicules électriques essayés à ce jour, peut rééditer cette performance à répétition. Et pour vérifier cette assertion, mieux vaut avoir l’estomac solidement accroché. Cet exercice peut causer la nausée tant la force d’accélération est violente et brutale.

Bas comme une 911

Large et étonnamment bas, le Taycan offre une praticité décevante à plusieurs égards. La visibilité vers l’arrière est pratiquement nulle et les rangements à bord, clairsemés. Aussi, malgré les cavités pratiquées dans la batterie pour assurer une posture confortable aux passagers arrière, l’espace est compté. Tout comme l’espace utilitaire dont le volume équivaut à peine à celui d’une Toyota Corolla berline. À noter cependant, les dossiers arrière peuvent se rabattre pour faciliter le transport de longs objets.

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Le volume de l’espace utilitaire du Taycan équivaut à peine à celui d’une Toyota Corolla berline.

À l’avant, c’est beaucoup mieux. La planche de bord est placardée de quatre écrans numériques et paramétrables. On en retrouve même un à l’usage exclusif du passager avant. Faciles à consulter, plutôt intuitives, ces interfaces n’étaient pas à l’abri de certains dysfonctionnements à bord des véhicules essayés dans le cadre de cette avant-première. À la défense de Porsche, il s’agissait de modèles de préproduction et selon les responsables consultés, ces problèmes ont déjà été trouvés et résolus.

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La planche de bord est placardée de quatre écrans numériques et paramétrables.

En revanche, la qualité de fabrication était impeccable et la qualité des matériaux, au-dessus tout reproche.

Sensations très présentes

La position de conduite rappelle étrangement celle d’une 911 : siège parfaitement galbé et position du volant très verticale. Le fait d’appuyer sur le bouton contact ne vient aucunement briser le silence qui règne à bord, à moins d’amplifier la sonorité naturelle du moteur électrique en activant la touche « Electric Sport » dans l’un des sous-menus de l’écran central.

On l’a écrit, l’accélération est prodigieuse, phénoménale, mais ce sont surtout les qualités dynamiques de ce véhicule qui étonnent.

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L’accélération du Taycan est prodigieuse, phénoménale, mais ce sont surtout les qualités dynamiques de ce véhicule qui étonnent.

Aidé, il va sans dire, par une suspension pneumatique qui lui assure un toucher de route étonnant et un confort tout aussi remarquable (à condition d’éviter le mode Sport +), le Taycan est agréable à conduire. Solidement campé sur ses roues, stable comme un TGV, le Taycan sait aussi se montrer remarquablement agile grâce à son dispositif à quatre roues directrices (elles sont toutes motrices aussi). Ce dernier permet d’atténuer également l’impression de lourdeur de ce modèle dont le poids excède tout de même les deux tonnes.

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La Porsche Taycan, en plus du reste, donne accès aux stationnements réservés aux électriques. Mais il faut être en recharge.

Curieusement, des deux déclinaisons essayées, nous préférons de loin la Turbo à la Turbo S. La première offre une meilleure autonomie, une accélération presque aussi spectaculaire et surtout un comportement moins empesé. En outre, le confort y est plus ouaté en raison de pneumatiques plus confortables (hauteur des flancs plus élevés) et la direction est apparue plus communicative aussi. Et enfin, elle est moins chère, même si, pour la clientèle visée, cela n’a sans doute aucune importance.

L’ÉTUDE QUI N'EN EST PAS UNE

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L’E-Cross Turismo sera bel et bien commercialisé.

Chez Porsche, une étude conceptuelle est loin de représenter un exercice gratuit. En fait, elle préfigure toujours ouvertement un modèle appelé à connaître les joies de la production. Dès lors, l’E-Cross Turismo présentée il y a bientôt deux ans au Salon automobile de Genève va donc descendre dans la rue. Sa commercialisation débutera vraisemblablement au cours de la prochaine année. Sans surprise, ce nouveau modèle à hayon ouvrant enveloppera sous sa carrosserie surélevée les composants du Taycan.

UNE GAMME EN CUIR OU VÉGANE

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Le Porsche Taycan 4S sera un peu moins chère.

À l’instar de tous les produits qui cohabiteront dans les salles d’exposition avec lui, le Taycan n’entend pas être un simple modèle, mais bien une gamme. À la Turbo et la Turbo S, Porsche confirme déjà l’arrivée d’une déclinaison « 4S », financièrement plus accessible, mais moins puissante (0-100 km/h en 4 secondes). Comme tous les modèles Taycan, on pourra l'acheter avec un intérieur comprenant du cuir ou pas : on peut commander des sièges recouverts d'un tissu en microfibres comprenant du polyester recyclé. La 4S sera proposée, au choix de l’acheteur, avec une batterie d’une capacité de 79,2 kWh (Performance) ou de 93,4 kWh (Performance Plus). L’autonomie respective de ces deux modèles serait toujours selon la norme WLTP-de 407 et 463 kilomètres.

Les frais de voyage liés à ce reportage ont été payés par Porsche Canada.

La Presse publiera prochainement l’essai des véhicules suivants : Audi Q7, Ford Escape (2020), Lincoln Aviator (2020), Mitsubishi RVR (2020). Si vous possédez l’un de ces véhicules ou si vous envisagez d’en faire l’acquisition, nous aimerions bien vous entendre.

Fiche technique

Moteur

Électrique synchrone à aimants permanents

Turbo : 616 chevaux/626 lb-pi de couple*

Turbo S : 616 chevaux/774 lb-pi de couple*

* couple maximal avec contrôle de lancement activé (Launch control)

Performances

Poids : 2295 kg (Turbo S), 2305 kg (Turbo)

Accélération 0-100 km : 2,8 s (Turbo S), 3 s (Turbo)

Vitesse maximale : 260 km/h

Boîte de vitesse

De série : Automatique 2 rapports

Optionnelle : Aucune

Mode d’entraînement : Intégral (4 roues motrices)

Pneus

245/45R20 – 285/40R20 (Turbo)

265/35ZR21 – 305/30ZR21 (Turbo S)

Autonomie

Capacité de la batterie : 93,4 kWh

412 km (Turbo S)*

450 km (Turbo)*

* Norme WLTP (Worlwide Harmonised Light Vehicle Test Procedure)

Dimensions

Empattement : 2900 mm

Longueur : 4963 mm

Hauteur : 1378 mm

Largeur : 1966 mm