Le Salon de l'automobile de New York a choisi sa couleur. La même que toutes les autres manifestations du genre au cours de la dernière année: le vert. Mais un vert électrique, cette fois.

Jusqu'ici, la voiture électrique s'est avérée aussi silencieuse sur la route que discrète sur les moquettes des salons automobiles. Hier encore, la motorisation hybride, la pile à combustible et les carburants verts monopolisaient toute l'attention.

Aujourd'hui, la hausse du prix du carburant et la menace d'une taxation encore plus sévère sur les modèles polluants poussent les constructeurs à revoir leur stratégie.

Et voilà que, sortie de nulle part, la voiture électrique revient sous les projecteurs. N'a-t-elle pas déjà été écartée? Il faut croire que non, à la faveur d'avancées technologiques récentes. On connaissait depuis longtemps l'avantage écologique - aucune émission de CO2 - du tout-électrique.

Ce qui est nouveau, c'est la critique montante des milieux scientifiques autour des carburants «verts», qui pousse les constructeurs à reconsidérer l'électrique. Nissan, pour un, a longtemps hésité. Le constructeur japonais, qui emploie actuellement la technologie hybride de Toyota, devait-il s'engager à fond dans le développement de la pile à combustible ou se jeter dans la bataille de la voiture électrique avec batterie rechargeable? Il a choisi la deuxième solution. Carlos Ghosn est confiant: «Nous pensons pouvoir nous approprier ce domaine où la demande est forte sans offre de masse, malgré les aides gouvernementales.»

La General Motors a été la première à rebrancher le fil à la roue avec la Volt, et ne cesse depuis de réitérer son objectif de la produire en série quelque part entre 2010 et 2012. Mais si l'on prête foi aux annonces faites au Salon automobile de New York, qui se déroule jusqu'au 30 mars, GM ne sera pas le seul constructeur à s'engager dans cette voie. En effet, Nissan, Subaru et Mitsubishi tentent, eux aussi, d'établir le courant avec les consommateurs nord-américains et promettent à leur tour de proposer un véhicule 100% électrique sur le marché américain.

Le Canada «à la remorque»

Et le Canada? «Nous risquons de nous retrouver un peu à la remorque», souligne Ian Forsyth, directeur de la planification des produits pour Nissan, qui présentait à New York la Cube Denki («électrique» en japonais), une sous-compacte qu'elle souhaite engager dans un programme-pilote en 2010 avant de lui de faire fouler le parterre des salles d'exposition en 2012. «Il y a encore beaucoup à faire», de rappeler notre interlocuteur. Nissan doit en effet trouver des propriétaires de parcs de véhicules commerciaux ou institutionnels et des particuliers intéressés par ce projet, qui sera tenu loin du froid. «Nous concentrons nos essais hivernaux à Hokkido, dans le nord du Japon, pour le moment, de préciser l'un des ingénieurs de la Mitsubishi i-EV (Electric Vehicle), avec une batterie lithium-ion, présentée à New York. Nous ne sommes pas encore prêts à mener des essais dans un climat aussi rigoureux que celui de votre pays», ajoute-t-il.

 

Priorité donc aux consommateurs américains qui, d'ici 2020, réaliseront 40% de leurs déplacements au volant d'une voiture électrique, estiment les analystes de General Motors. Un pronostic que plusieurs observateurs ont du mal à cautionner, tant les batteries de ces véhicules électriques ne sont pas au point et ne le seront pas encore avant trois ou cinq ans. La technologie lithium-ion, soutenue par la majorité des constructeurs, s'échauffe au moment de la recharge alors que celle de l'Etlelithium-métal-polymère (LMP) est handicapée par son coût de fabrication élevé et son temps de recharge long (environ cinq heures). Plusieurs questions subsistent aussi sur la volonté réelle des constructeurs à se lancer dans une production à grande échelle de voitures électriques. Est-ce pour mieux contourner les normes antipollution qui se durcissent un peu plus chaque jour, ou tout simplement jeter de la poudre (verte) aux yeux des consommateurs soucieux d'environnement? Faute de certitudes, plusieurs hypothèses sont soulevées.

 

Voilà donc pour les intentions. La réalité est moins verte. À New York, les efforts des constructeurs sont certes visibles. Il y a des prototypes plus très jeunes dont les émissions de gaz à effet de serre sont infimes, zéro émission même pour certains d'entre eux. Ils rouleront peut-être un jour. Plus concrètement, il y a aussi des Challenger (Dodge), des G8 (Pontiac), des Borrego (Kia) et autres éponges exposées sous la toiture trouée du Jacob Javitz Center à New York. Pour nous rappeler sans doute que la voiture électrique, dont l'autonomie actuelle ne dépasse guère les 250 kilomètres, aura un usage essentiellement urbain. Ou tout simplement pour que l'Amérique puisse rêver encore et encore.