«Pourquoi, demandent certains lecteurs, voit-on si peu de voitures japonaises dans cette chronique sur les voitures anciennes?» C'est simple: l'automobile japonaise n'existait pratiquement pas avant la Deuxième Guerre mondiale, et elle n'est arrivée chez nous que dans les années 60. Elle ne fait donc pas partie de notre «patrimoine» automobile. Avec les années qui passent, cependant, quelques modèles commencent à intéresser les collectionneurs.

Parmi ces rares spécimens nippons figure en bonne place la Datsun 240Z. Les plus jeunes ne se souviennent peut-être pas de Datsun, le nom sous lequel Nissan a choisi de se lancer en Amérique du Nord de crainte qu'un échec ne nuise à la réputation de la marque. Le hic, c'est que les Datsun ont fait un véritable tabac sur notre marché, à commencer par la petite 510. Nissan a dû résoudre une question gênante: comment fait-on pour remplacer le nom Datsun par Nissan sans trop nuire à l'acquis en matière d'image de marque? Mais le temps faisant parfois bien les choses, la transition s'est faite sans trop de heurts.

Le deuxième succès de «M. K»

Encouragé par le beau succès de la berline 510, Datsun cherchait à récidiver avec une voiture sport qui saurait remplacer son roadster 2000 et faire ce que les Japonais font à merveille: copier une Européenne de prestige en y ajoutant une bonne dose de fiabilité, le tout à un prix imbattable. La cible de Datsun: rien de moins que la déjà mythique Jaguar E-Type, née en 1961.

Aux commandes du projet, Yutaka Katayama, le président de Nissan États-Unis. Surnommé «M. K», il avait convaincu la maison mère de lui livrer une voiture (la 510) qui saurait soulever les passions des automobilistes américains, une sorte de BMW 1600 bon marché.

Armé du succès de «sa» 510, M. K a persisté et signé avec la 240Z, conçue en collaboration avec Albrecht Goertz, designer allemand à qui l'on doit la splendide BMW 507 (1956-1959). Le nouveau coupé deux places à capot long, à l'arrière court et aux proportions parfaites a fait sensation au Salon de Tokyo de 1969. Et pour veiller à ce que le ramage de la belle soit aussi réussi que son plumage, Datsun (ou Nissan si vous préférez) a décidé d'ajouter deux cylindres à son merveilleux quatre cylindres de 2 litres qui animait le roadster 2000.

Résultat: un six cylindres de 2,4 litres à arbre à cames en tête, aussi moderne que fringant. La voiture a été baptisée Fairlady Z, au Japon, mais c'est l'appellation 240Z qui a prévalu sur les marchés internationaux. Heureusement, d'ailleurs, car «Fairlady» convient peut-être bien à une marque de soutiens-gorge, mais ça ne fait pas très... sport.

Presque une Porsche, et presque à moitié prix

Avec 150 chevaux sous le pied droit, un châssis monocoque rigide, des suspensions entièrement indépendantes, une boîte à cinq vitesses et seulement 1000 kilos à déplacer, le conducteur de celle qu'on a surnommée "la Z" disposait d'une véritable voiture sport qui reléguait aux oubliettes les vétustes roadsters anglais et rivalisait avec la Porsche 911 et... la Jaguar E-Type. Le tout à un prix défiant toute concurrence: près de 3500$, comparativement à 6000$ à 7000$ pour une 911 et une E-Type...

Vous devinez la suite: les chroniqueurs automobiles ont salivé, les concessions Nissan ont été envahies et, en l'espace de quelques années, la belle Japonaise a battu les records de ventes pour une voiture sport.

À la 240Z ont succédé les 260Z et 280Z, ainsi que des variantes 2+2. Plus puissantes, mais aussi plus lourdes et moins agiles, les 260Z et 280Z "embourgeoisées" ont perdu le charme et la pureté de la première Z. C'est pourquoi "l'aînée" (240Z 1970) est la préférée des collectionneurs avertis et qu'elle vaut sur le marché de la collection près du double de ses soeurs plus jeunes.

Classée parmi les 100 voitures les plus marquantes du 20e siècle, la Datsun 240Z compte parmi les classiques encore abordables. Sa robustesse et sa fiabilité mises à l'épreuve en course automobile et en rallye militent aussi en sa faveur. Mais attention, les Z ont parfois été l'objet d'abus et ont souvent été modifiées avec une bonne dose de mauvais goût. Favorisez donc l'originalité: c'est ce qui passe le mieux le test du temps.