Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, l'Amérique automobile était une île bien isolée où régnaient en maîtres absolus les constructeurs d'ici voués à une philosophie dictée par un territoire aussi vide qu'immense. L'automobile américaine était forgée à l'image d'une Amérique que l'on pouvait résumer par une seule caractéristique: l'abondance.

L'incursion de la voiture européenne en terre d'Amérique s'est donc faite au retour des G.I., qui rapportaient un concept automobile taillé à la mesure de l'Europe, de ses villes et de ses routes centenaires, un concept qui reniait l'abondance et favorisait l'économie d'espace et d'énergie.

 

Si les petits roadsters anglais ont incité General Motors à donner naissance à la Corvette, c'est la minimaliste Volkswagen qui a fini par forcer les constructeurs américains à revoir leurs plans d'affaires.

 

C'est ainsi qu'en 1960, General Motors a dévoilé la Chevrolet Corvair, copiée sur le principe de la Volkswagen; que Ford a lancé sa première «compacte», la Falcon, et Chrysler la Valiant. Ces nouveautés ne présentaient pas des dimensions aussi réduites que leurs homologues européennes mais, dans le contexte de la voiture américaine de l'époque, la transformation était presque révolutionnaire.

 

La Valiant a été conçue par Virgil Exner, styliste en chef de Chrysler. Il s'agissait de la première voiture à structure monocoque depuis la révolutionnaire Chrysler Airflow des années 30. À ses débuts, la Valiant constituait une marque à part entière, comme DeSoto et Imperial. La nouvelle venue était assemblée dans les usines Dodge et vendue par les concessionnaires Plymouth. Le succès a été immédiat malgré (ou à cause) des lignes pour le moins différentes, surtout à l'arrière où le coffre épousait la forme d'un pneu de secours. Cette année-là, 194 292 Valiant sont sorties des chaînes de montage.

Plymouth, la famille d'accueil

Dès l'année suivante, la Valiant a été intégrée à la famille Plymouth. Elle a même gagné une soeur chez Dodge, la Lancer. En 1962, une nouvelle livrée plus luxueuse a fait son apparition aux côtés des Valiant V-100 et V-200. Il s'agissait de la Signet, un nom qui, malheureusement, a été souillé une vingtaine d'années plus tard par Lada.

 

Une toute nouvelle Valiant est arrivée en 1963, habillée d'une robe plus conventionnelle et très élégante, mais Chrysler n'a pas résisté à la tentation d'ajouter quelques centimètres aux dimensions de sa compacte. En outre, la Valiant pouvait être commandée pour la première fois avec toit rétractable. La grande nouveauté de 1964 consistait en un nouveau modèle, un coupé sport monté sur les dessous d'une Valiant et baptisé Barracuda.

En 1965, la Valiant se déclinait en modèles V-100, V-200, Signet et Barracuda. Avec les années, la gamme Plymouth Valiant s'est bonifiée et comptait des berlines, des coupés, des familiales et une décapotable. Le moteur de base pour les V-100 et V-200 était un six cylindres en ligne de 170 pouces cubes (2,8 L) de 101 chevaux. Surnommée le Slant Six, le moteur était incliné à 30 degrés pour baisser le centre de gravité et autoriser un capot plus bas. Robuste à souhait, le Slant Six a connu une carrière remarquable tant dans le domaine de l'automobile que dans les applications industrielles.

La Barracuda a aussi eu droit à un Slant Six mais de 225 pouces cubes (3,7 L). Quant à la Signet, elle était propulsée par un tout nouveau V8 de 273 pouces cubes (4,5 L) à carburateur double corps de 180 chevaux. Lorsqu'il a été coiffé d'un quatre corps et doté d'un taux de compression plus viril, ce même moteur a pris le nom de Commando 273 et générait pas moins de 235 chevaux.

Une rare Valiant

C'est ce moteur que l'on retrouve dans la Valiant Signet décapotable 1965 qui appartient depuis près de 10 ans à Robert Boucher, de Montréal. Achetée à l'origine à Montréal, la Signet a déménagé par la suite en Abitibi où elle a été entreposée durant 14 ans, ce qui explique en grande partie son bel état de conservation.

La Valiant Signet décapotable 1965 n'ayant été produite qu'à 2578 exemplaires, il est facile d'imaginer l'intérêt qu'elle suscite aujourd'hui lors des expositions.

 

D'ailleurs, cette voiture s'est déjà retrouvée dans le garage de Germain, le sympathique mécanicien de l'émission Km/h, en septembre 2004, alors que les personnages de Gildor Roy et de Sonia Vachon faisaient du necking sur la banquette arrière. De plus, elle a déjà fait l'objet d'un reportage dans la revue V8 Passion. Et, consécration suprême, on la retrouve ce matin dans La Presse! Et il sera sans aucun doute possible de la voir à la prochaine réunion de voitures anciennes organisée par nul autre que son propriétaire au parc de la Rousselière, à Pointe-aux-Trembles, le 18 mai 2008.

La Valiant a poursuivi sa carrière et bénéficié en 1967 d'un nouveau look. Elle s'est éclipsée en 1976 pour céder la place à ses descendantes, les Plymouth Duster et Scamp. La même année sont arrivées les Plymouth Volare et Dodge Aspen, de facture beaucoup plus moderne. Mais ces voitures n'ont jamais réussi à faire oublier les vaillantes Valiant.