Lewis Hamilton et Sebastian Vettel sont encore les favoris du Grand Prix du Canada ce week-end sur le circuit Gilles-Villeneuve, mais leurs coéquipiers Valtteri Bottas et Charles Leclerc pourraient bien leur voler la vedette.

Le premier a été le seul à battre Hamilton depuis le début de cette saison dominée par Mercedes, alors que le second a souvent montré qu’il pouvait être plus rapide que Vettel au volant de sa Ferrari.

Avec déjà deux victoires, trois deuxièmes places et une troisième, le Finlandais Valtteri Bottas connaît une saison remarquable jusqu’ici. Profitant de la supériorité de la Mercedes W10, Lewis Hamilton et lui sont déjà détachés en tête du Championnat du monde et on peut déjà parier que le titre va se jouer entre eux.

Les performances des deux pilotes ont été très similaires jusqu’ici cette saison et Bottas estime que ce sera encore le cas à Montréal. « C’est un circuit où je suis très à l’aise et j’ai toujours été sur le podium ici depuis quatre ans, a rappelé le pilote de 29 ans, hier, en rencontre de presse. Lewis a aussi connu beaucoup de succès ici [six victoires] et ce sera sûrement encore très serré entre nous. »

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Le Finlandais Valtteri Bottas connaît un très bon début de saison avec Mercedes.

« J’ai l’impression que l’écart sera infime, quelques centièmes, quelques millièmes peut-être… Et j’espère que ce sera en ma faveur ! » — Valtteri Bottas

Les Mercedes disposeront d’un nouveau moteur cette semaine, le deuxième des trois prévus pour l’ensemble de la saison. « Nous arrivons au tiers de la saison et nous étions mûrs pour un remplacement, mais le moment est bien choisi sur ce circuit qui met en valeur la puissance du moteur, a expliqué Bottas. Ferrari a encore un avantage de vitesse en ligne droite, mais les autres qualités de notre voiture ont fait la différence jusqu’ici. »

Au point que Mercedes est « imbattable » ? « Aucune voiture n’est parfaite, a répondu Bottas. Il va falloir continuer de travailler pour la développer. Nous avons beaucoup amélioré le train avant par rapport aux deux saisons précédentes et la voiture est vraiment remarquable dans les virages plus lents, mais il y a d’autres parties de la voiture que nous pouvons améliorer. »

Placide comme les gens des pays nordiques le sont souvent, Bottas n’est pas de ceux qui font des déclarations spectaculaires. Son prédécesseur chez Mercedes, Nico Rosberg, entretenait une relation difficile avec Hamilton quand les deux pilotes se disputaient le titre mondial. Bottas assure que ce n’est pas le cas : 

« Rien n’a changé entre nous. Nous sommes des rivaux, certes, mais surtout des coéquipiers et nous avons le même respect entre nous qu’au cours des saisons précédentes. Nous travaillons de façon très cordiale avec nos ingénieurs et avec toute l’équipe pour partager toutes les nformations et tirer le meilleur de nos voitures.

« Désolé pour vous, les journalistes, mais ce n’est pas moi qui vais vous donner matière à controverse ! »

« Pas question de dire adieu au titre »

À 21 ans, Charles Leclerc est l’un des espoirs les plus solides de la F1. Après une première saison prometteuse en 2018 chez Sauber Alfa-Romeo, il est entré cette saison chez Ferrari avec de grandes ambitions.

La Scuderia n’est toutefois pas une équipe comme les autres et Leclerc a vite réalisé que la pression y serait plus difficile à supporter.

« J’ai commis quelques erreurs, l’équipe aussi, nous avons bien analysé chacune des situations et je pense que nous en avons tiré les leçons, a-t-il expliqué, hier, en point de presse. Mes objectifs n’ont pas vraiment changé : je veux simplement maximiser le potentiel de la voiture et nous donner les meilleures chances d’obtenir de bons résultats. »

Le pilote monégasque a gâché quelques chances, à Bakou notamment, quand il a envoyé sa Ferrari dans le mur alors qu’il avait de bonnes chances d’enlever la position de tête. À Monaco, c’est son équipe qui l’a privé d’une chance de briller en qualifications.

Résultat : Leclerc n’est que cinquième au classement du championnat, à déjà 80 points du meneur Lewis Hamilton. Et Mercedes a pratiquement le double des points de Ferrari (257-139) au championnat des constructeurs.

« Il n’est pas question de dire adieu au titre, a toutefois assuré Leclerc. Je ne le fais que lorsqu’il n’y a plus aucune chance. »

« Nous avons connu un début de saison difficile, c’est vrai, nous nous attendions à de meilleurs résultats, mais ce n’est pas une raison pour lancer la serviette. » — Charles Leclerc

« On est conscients que, pour l’instant, Mercedes est au-dessus et qu’il va falloir beaucoup bosser pour essayer de les rattraper, mais tout le monde est prêt à lutter jusqu’au bout. Nous allons tout donner à chaque course, jusqu’au terme de la saison, et on verra bien ce qui arrivera.

« Nous sommes presque au tiers de la saison et c’est vrai qu’il faut améliorer nos performances, mais nous ne voulons pas nous imposer une pression supplémentaire en pensant que chaque course est celle de la dernière chance. Il faut se concentrer à améliorer la voiture, éviter les erreurs et maximiser chaque occasion de marquer des points. »

Le Grand Prix du Canada pourrait être l’une de ces occasions. « Le circuit est beaucoup plus rapide qu’à Monaco et notre vitesse de pointe est habituellement un élément positif pour nous, a souligné Leclerc. J’espère donc que nous pourrons en tirer avantage pour connaître un bon week-end et obtenir un meilleur résultat. »

Chez Haas, on dit ce qu’on pense !

On a parfois l’impression que la F1 est un univers aseptisé où tout est contrôlé et où les pilotes sont un peu des robots. Les grandes équipes font effectivement de gros efforts pour donner d’elles-mêmes une image bien lisse, mais d’autres formations sont beaucoup plus ouvertes.

C’est le cas de l’équipe Haas.

Depuis le début de la saison, les pilotes Romain Grosjean et Kevin Magnussen se livrent une petite « guerre », pas toujours amicale, qui a dégénéré au Grand Prix d’Espagne quand ils se sont accrochés. Ailleurs, ils auraient été grondés avec un ordre bien ferme de rentrer dans les rangs. Pas chez Haas.

« Je préfère avoir ce genre de problèmes plutôt que de me retrouver avec des pilotes qui ne seraient pas compétitifs, a expliqué à Monaco le directeur de l’équipe, Guenther Steiner. En Espagne, après la course, [Magnussen et Grosjean] se sont serré la main. Je n’en attendais pas davantage.

« Ils savaient très bien ce qu’ils faisaient, je n’avais pas à le leur rappeler. Quand nos pilotes sont en lutte pour une position en piste, ils savent ce qu’ils peuvent faire et ce qu’ils ne peuvent pas faire. La ligne est toutefois mince entre ce qui est correct et ce qui ne l’est pas. Kevin et Romain ont convenu après le Grand Prix [d’Espagne] qu’ils avaient peut-être un peu dépassé la limite, mais c’est la course et je ne veux pas les empêcher de se battre pour obtenir de bons résultats. »

L’incident a toutefois coûté quelques précieux points à une équipe qui est engagée dans une lutte très serrée avec les autres formations du milieu de peloton. « C’est vrai, chaque point est important et nous n’étions pas heureux de cette situation, mais comme je l’ai dit, je préfère voir mes pilotes se battre pour des points. »

Romain Grosjean, qui a perdu quelques places après la touchette avec son coéquipier en Espagne, n’a encore que 2 points au classement (17e), alors que Magnussen en a 14, au 8e rang du classement.

« Nous avons toujours été très compétitifs entre nous et cela a souvent été chaud entre nous, a convenu Grosjean, il y a quelques jours à Monaco. C’était toutefois la première fois qu’on se faisait des bisous en piste ! »

Magnussen a ajouté : « Il y a eu un contact entre nous, mais ce n’était pas intentionnel. Je sais que ce n’est pas ce qu’on veut voir entre coéquipiers, mais c’était vraiment un incident de course, sans aucune mauvaise intention de la part de Romain ou de moi. »

Une sorte de bromance, donc, dont on attend la suite dimanche.

Gérer les pneus… et l’avenir

L’équipe Haas occupe actuellement le 6e rang du classement des constructeurs avec 16 points, un de moins que Racing Point au 5e rang. Steiner estime que la voiture est compétitive et que les pilotes font leur boulot. Le problème ? La gestion des pneus.

« Personne n’est content des pneus cette saison, a-t-il estimé, hier midi, en rencontre de presse. Ils ne fonctionnent bien que dans une toute petite fenêtre de températures et nous avons de la difficulté à la trouver. Ce sera encore difficile ici, car il faudra faire un compromis entre une bonne vitesse de pointe et un appui suffisant pour bien chauffer les pneus.

« Les gens de Pirelli travaillent à élargir cette fenêtre, a poursuivi Steiner, mais ils ne peuvent rien faire cette saison en raison des règlements. Ce sera à nous de nous ajuster aux pneus qu’ils nous fournissent. J’espère que nous serons de plus en plus à l’aise à mesure que la saison va avancer et que nous comprendrons mieux l’interaction entre notre voiture et les différents types de gomme. »

Haas et les autres équipes doivent aussi composer avec l’incertitude qui règne toujours quant aux règles sportives, techniques et commerciales qui entreront en vigueur en 2021. Les équipes recevront bientôt les propositions complètes du Groupe F1 (Liberty Media) et le directeur de Haas ne se fait guère d’illusions : « Je n’ai pas vu le document définitif, mais je sais qu’il n’y aura pas de grands changements… »

Selon Steiner, dont l’équipe travaille en étroite collaboration avec Ferrari, les formations comme la sienne souhaitent une plus grande égalité des chances, et l’introduction d’un plafond budgétaire constitue un pas dans la bonne direction, même s’il ne sera pas aussi « sévère » que certains l’auraient voulu.

« Il faut comprendre que l’écart actuel entre les grandes équipes et les autres a pris plusieurs années à se creuser, a rappelé Steiner. C’est illusoire de penser qu’il puisse être effacé d’un seul coup. »

Un Montréalais chez Haas

Avec un patron américain, un directeur italien, des pilotes français et danois, l’équipe Haas est très cosmopolite, et ce n’est pas étonnant que son directeur des communications soit… montréalais. Pendant plusieurs années, Stuart Morrison a travaillé auprès de pilotes réputés en Europe et en Amérique du Nord. Il a notamment côtoyé David Coulthard, Emerson Fittipaldi, Dario Franchitti ou les Canadiens James Hinchcliffe et Robert Wickens. Marié à une Montréalaise, il se considère aujourd’hui comme un des nôtres et ses deux enfants sont parfaitement bilingues. « Je ne suis malheureusement pas doué pour les langues, a-t-il avoué, il y a quelques jours, dans les paddocks à Monaco. Ce serait bien utile de parler français avec Romain [Grosjean], mais tout le monde se débrouille en anglais. » Morrison regrette davantage de devoir s’absenter pendant de longues périodes et il avoue que les horaires d’une équipe de F1 sont très chargés. Mais il est bien conscient d’avoir la chance de vivre sa passion du sport automobile au plus haut niveau et apprécie d’avoir au moins l’occasion de le faire une semaine par année chez lui à Montréal.