Profitant de la faiblesse du huard, les commerçants américains viennent faire leurs emplettes de ce côté-ci de la frontière. Au grand dam de leurs homologues canadiens et québécois. Au grand bonheur des consommateurs que nous sommes. Le marché de l'automobile d'occasion est actuellement sous pression.

« C'est un problème pour nous, on ne peut plus vendre les voitures ici. » Les temps sont durs pour Michel Noël et ses membres. Depuis que le dollar canadien est descendu sous la barre des 85 cents américains, en janvier 2015, la concurrence vient des États-Unis.

Le président de l'Association des marchands de véhicules d'occasion du Québec (AMVOQ) a souvent vu des commerçants américains traverser la frontière pour se constituer des stocks de véhicules d'occasion qui seront revendus dans le Midwest ou ailleurs plus au sud. Mais depuis un an, le flot est incessant : 200 000 véhicules canadiens auraient passé la frontière, rien que l'an dernier, selon les données du cabinet d'analyse DesRosiers Automotive.

« Les Américains paient les voitures d'occasion pas mal plus cher que nous, surtout aux enchères, là où est le gros du marché. [...] Nous, si on veut en avoir, il faut les payer plus cher, ça ne se revend pas bien et il n'y a plus de profit au bout derrière », explique M. Noël.

La raison de cette inflation est toute simple, comme le rappelle Brad Rome, président du Canadian Black Book, référence en matière d'évaluation des véhicules : « C'est grandement dû au dollar canadien qui a chuté significativement au cours de l'année dernière. Ce qui se passe maintenant, c'est que la valeur des voitures d'occasion au Canada est moins élevée qu'aux États-Unis, où il y a actuellement une demande significative, particulièrement pour des camions légers et VUS. Les marchands américains viennent donc ici et voient qu'il y a de bonnes affaires à réaliser. »

Les commerçants américains ne sont pas les seuls grands gagnants de cette conjoncture. Les consommateurs canadiens, et donc québécois, font eux aussi de très bonnes affaires. « Les gens vendent de beaux pick-up 2012 au même prix qu'il y a trois ans », illustre Michel Noël.

« On a vu des prix parfois supérieurs aux prix de détail initiaux », soutient son directeur général à l'AMVOQ, Steve De Marchi.

DÉPRÉCIATION À LA BAISSE

Lors de la publication récente de son palmarès des véhicules qui se revendent le mieux, le Canadian Black Book a souligné que la dépréciation moyenne avait faibli de 6,3 % en un an pour 11 modèles de VUS, camions légers et fourgonnettes. Le meilleur exemple est le Jeep Wrangler 2012 qui, après quatre ans, a conservé 79 % de son prix de vente initial, soit 10 points de pourcentage de plus que l'an dernier à pareille époque.

Sur le marché de la revente, les propriétaires ont donc « le gros bout du bâton », comme on dit. Et le commerçant local n'a que très peu de marge de manoeuvre.

« Quand tu demandes trop cher pour un véhicule d'occasion, le client va chercher un véhicule neuf, dit Michel Noël. [...] Dans les catégories des petites voitures et du bas de gamme, cela ne nous affecte pas. C'est dans le luxe et les gros camions légers qu'il y a problème. »

PRIX DE L'ESSENCE

Rassuré par un prix de l'essence incroyablement bas et une conjoncture économique plutôt favorable, le consommateur américain est très friand de VUS et de camions légers.

Étant donné que c'est un marché de vendeurs, il est bienvenu de prendre le temps de consulter les prix moyens à la revente, estime Brad Rome. N'oublions pas que la dépréciation est la plus grande dépense sur un véhicule.

« Il est dur de prédire l'avenir et la tendance des deux ou trois prochaines années, il y a plusieurs facteurs qui entrent en ligne de compte. Mais si ces conditions actuelles perdurent, la demande sera encore là », juge le président du Canadian Black Book.

« Ça va prendre deux ou trois ans pour s'en remettre, avant que le marché redevienne stable et que les prix reviennent à une certaine logique. Ça fait partie du jeu », concède Michel Noël.