Plus du tiers des Québécois ont avoué candidement à la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) ne pas respecter les limites de vitesse en ville, en bonne partie parce qu'ils jugent que le risque de se faire intercepter par la police est faible, a appris La Presse.

Dans un sondage réalisé par la société d'État après la diffusion d'une campagne publicitaire nationale contre la vitesse au volant, obtenu par La Presse, 33% des répondants ont avoué ne pas respecter la limite de 40 km/h, alors que 38% ne respectent pas celle de 50 km/h dans d'autres zones.

Pour plus des trois quarts des répondants (80%), le risque de se faire intercepter par la police pour avoir dépassé les limites de vitesse est assez faible ou très faible.

«Il est paradoxal que la population dise ne pas respecter les limites de vitesse en raison d'un contrôle policier insuffisant, puisque le nombre d'infractions n'a jamais été aussi élevé qu'aujourd'hui. Depuis 2007, nous avons bon an mal an près d'un million d'infractions remises au Québec. Une bonne partie de ces contraventions est due à un contrôle sur la vitesse», explique Lyne Vézina, directrice des études et stratégies en sécurité routière à la SAAQ.

Pris dans un cul-de-sac

Pour la société d'État, qui consacre 5 millions annuellement à quatre campagnes de sensibilisation sur des sujets liés aux mauvaises habitudes de conduite, la vitesse au volant est une problématique difficile à résoudre.

Selon Jean-Marie De Koninck, qui préside la Table québécoise de la sécurité routière, les habitudes de conduite des gens ne changeront pas si le contrôle policier n'est pas plus serré.

«Si on veut changer les comportements, il faut augmenter la perception de risque de se faire prendre. Si les gens croient qu'il n'y a pas de surveillance policière, ils trouveront toutes sortes de bonnes raisons pour rouler vite», dit-il.

Selon lui, la vitesse élevée en milieu urbain peut rapidement devenir aussi dangereuse que l'alcool au volant. Or, s'il est socialement accepté que boire et conduire ne font pas la paire, rouler plus vite que la limite permise est une habitude bien ancrée pour de nombreux Québécois.

«En milieu urbain, le risque d'accident double à chaque tranche de 5 km/h. C'est beaucoup. Si quelqu'un roule à 90 km/h dans une zone de 50 km/h, c'est 256 fois plus dangereux que de respecter la limite permise. Si vous roulez 110 km/h dans une zone de 50 km/h, vous avez des chiffres comparables à l'alcool au volant. Au niveau purement statistique, en termes de dangerosité, les deux comportements se comparent», explique M. De Koninck.

Plus de répression, la solution?

Si Québec veut améliorer son bilan routier, est-il alors nécessaire d'adopter des lois plus strictes et d'augmenter les contrôles policiers? Pas nécessairement, nuance Christian Désîlets, professeur agrégé au département d'information et de communication de l'Université Laval.

«Les gens qui travaillent en sécurité routière ont toujours favorisé l'approche dissuasive, mais on n'a jamais prouvé son efficacité. Il y a certes beaucoup d'éléments qui nous permettent de croire que réduire les comportements dangereux passe par davantage de répression, mais ça n'a jamais été scientifiquement prouvé», avance le professeur Désilet.

Selon lui, il serait possible d'émettre l'hypothèse selon laquelle les gens dépassent les limites de vitesse d'abord parce que leurs voitures peuvent rouler vite. Ainsi, le problème serait technologique, et la solution devrait aussi l'être, avance-t-il.

«Mais si, tout comme la SAAQ et la Table québécoise de la sécurité routière, on accepte l'hypothèse selon laquelle la répression fait changer les comportements, les campagnes publicitaires menées par la société d'État sont nécessaires pour que cette stratégie connaisse du succès», explique M. Désilet.

«La publicité sert à justifier la répression à l'avance. La répression ne peut fonctionner si la population n'est pas d'accord», ajoute-t-il.

Si la province espère réduire le nombre d'automobilistes qui conduisent trop vite, Québec pourrait utiliser la même stratégie que ce qui a été fait pour contrer l'alcool au volant: rendre l'acte criminel, croit le professeur Désilet.

«On a commencé à réduire significativement les accidents reliés à l'alcool au volant le jour où on en a fait un acte criminel. On ne l'a jamais fait pour la vitesse», explique-t-il.

 - Avec William Leclerc