Ce véhicule force le respect. Il fait peur aussi, surtout si les rideaux qui ceinturent la partie arrière sont tirés, laissant deviner que vous n'êtes pas seul à bord. Et ils ont été tirés souvent. Ce corbillard conçu sur la base d'une Cadillac fait la tournée des églises et des cimetières depuis 15 ans déjà. Aussi bien dire une éternité. Pourtant, même sous le soleil blafard de l'automne, ses chromes reluisent comme au premier jour et l'immense toit de vinyle a conservé tout son moelleux original.

De modestes pneus de 15 pouces à flanc blanc se chargent d'élever ce corbillard entre ciel et terre. À l'arrière, les jupes d'ailes alourdissent encore davantage le sinistre de sa silhouette bossue.

Le poste de conduite, conforme aux Cadillac Brougham de l'époque, comporte une banquette pleine largeur habillée de velours côtelé. Le bloc d'instrumentation entièrement digital n'affiche que le strict nécessaire.

Pour seul luxe, on retrouve la climatisation automatique, quelques commandes électriques (glaces et rétroviseurs extérieurs) et le lecteur cassettes.

La plateau, élément essentiel

Une cloison vitrée dans sa partie supérieure - et coulissante de surcroit - sépare les occupants des places avant à ce qui ressemble, au premier coup d'oeil, à une allée de quilles, mais sans les dalots. Sur cet immense plateau de bois véritable émerge une série de rouleaux sur lesquels glisse le cercueil. Pour maintenir ce dernier solidement en position, deux crans d'arrêt, ajustables, nous prêtent main-forte. En dessous, on retrouve deux espaces de rangement. L'un pour accueillir la roue de secours et - ne riez pas - une trousse de premiers soins, l'autre chariot extensible, parfois indispensable dans certaines églises.

Depuis 1996, année de la création de «notre» corbillard, les innovations apportées touchent presque essentiellement le plateau. Fixe, celui-ci est maintenant mobile. Cela permet un meilleur accès aux porteurs et une levée du cercueil plus élégante encore. On retrouve aussi une plus grande quantité de rouleaux pour minimiser l'effort.

Comme l'industrie automobile, les - rares - fabricants de véhicules funéraires maîtrisent parfaitement l'art de la personnalisation. Aujourd'hui, il en coûte entre 78 000$ et 90 000$ pour s'offrir un corbillard de l'année courante. On estime à cinq ans sa carrière sur les artères des villes où il parcourt en moyenne 10 000 kilomètres par année. Il est ensuite revendu à des établissements en région où il écoulera ses vieux jours.

Pas trop vite s.v.p.

Astiqué à chacune de ses sorties, le corbillard porte beau sur la route. Y compris le jour de cette sortie non officielle. Contact, le gros «350 pouces cube» se met en branle derrière l'immense calandre, large comme la grille d'un pénitencier. Le V8 respire lentement, sans la moindre arythmie. Jamais il ne s'emballe, même si l'on accélère à fond. L'épouvante le paralyse? Peut-être, mais alors, comment expliquer cette soif d'hydrocarbures? Un vampire, rien de moins, capable de sucer 26 litres d'essence aux 100 km en un rien de temps. Plus encore, si vous le prenez à froid.

Et vous vous demandiez pourquoi plus personne ne roule privément un corbillard? Qu'à cela ne tienne, le moteur à la technique obsolète remplit correctement sa fonction. Tout comme la boîte automatique à quatre rapports, tout aussi archaïque, qui l'accompagne.





Photo André Pichette, La Presse

Une cloison vitrée dans sa partie supérieure - et coulissante de surcroit - sépare les occupants des places avant à ce qui ressemble, au premier coup d'oeil, à une allée de quilles, mais sans les dalots.

Comme un bateau qui tangue

Premier constat, son gabarit et son poids (plus de 2,5 tonnes) le réservent plus aux grands espaces qu'aux labyrinthes que dessinent certains cimetières. Son rayon de braquage est décourageant.

La visibilité environnante est pratiquement nulle en raison de la largeur des montants latéraux et la petitesse de la lunette arrière. Une caméra de recul et des capteurs d'angles morts apparaissent ici indispensables.

Sur la route, ce corbillard se dandine en cadence et flagorne plus sur l'autoroute que sur les boulevards. C'est sûr, les multiples transformations à son châssis l'ont fragilisé. Les craquements sont nombreux et le rétroviseur central vacille dangereusement dès que la chaussée présente certaines aspérités.

Pas d'antipatinage, pas de correcteur de stabilité électronique, les roues arrière motrices sont laissées seules à elles-mêmes. En d'autres mots, plus le coefficient d'adhérence baisse, plus la prudence est de mise. Sans quoi, le corbillard se met aisément à l'équerre et la forte démultiplication de sa crémaillère n'aide en rien à la pratique d'un contre-braquage efficace.

Pas de tout repos

À bon rythme, les mouvements de caisse effraient plus qu'ils ne bercent, la douceur excessive de la direction, la virulence passagère de son freinage, bref le comportement de ce corbillard n'est pas de tout repos.

Par bonheur, le passager n'en saura rien. Sauf peut-être en cette nuit de l'Halloween.

L'Auto tient à remercier les complexes funéraires Yves Légaré et son représentant Philippe Olivier Bellini de leur inestimable collaboration à ce banc d'essai.

Photo André Pichette, La Presse

Sur la route, ce corbillard se dandine en cadence et flagorne plus sur l'autoroute que sur les boulevards.

ON AIME

Le respect qu'il impose et l'effet qu'il crée

Le kitsch de certains accessoires (pneus à flanc blanc, jupes d'ailes)

Le coffre, mais seulement quand il est vide

ON AIME MOINS

La consommation vampirique

Les nombreux bruits de caisse. Est-ce bien la caisse?

La visibilité arrière nulle

CE QU'IL FAUT RETENIR

Fourchette de prix (neuf): 78 000$ à 90 000$

Frais de transport et préparation: variables

Garantie de base: 36 mois/60 000 kilomètres

Consommation obtenue dans le cadre de l'essai: 24,7 L/100 km

SURVOL TECHNIQUE

Moteur: V8 ACC 5,7 litres

Puissance: 260 ch à 5000 tr/mn

Couple: 330 lb-pi à 3200 tr/mn

Poids: 2573 kg

Rapport poids-puissance: 9,8 kg/ch

Mode: Propulsion (roues arrière motrices)

Transmission de série: Automatique 4 rapports

Transmission optionnelle: Aucune

Direction/Diamètre de braquage: Crémaillère/nd

Freins avant/arrière: Disque/disque

Pneus: 235/75R15

Capacité du réservoir/essence recommandée: 87 litres/ordinaire

Photo André Pichette, La Presse

Comme l'industrie automobile, les - rares - fabricants de véhicules funéraires maîtrisent parfaitement l'art de la personnalisation. Aujourd'hui, il en coûte entre 78 000$ et 90 000$ pour s'offrir un corbillard de l'année courante.