Artiste polyvalent, Olivier Arteau brille sur tous les plateaux depuis sa sortie du Conservatoire de Québec, en 2016. Dans la foulée des changements de garde au sein de plusieurs compagnies de théâtre, le nouveau directeur artistique du Trident – la plus grosse compagnie de théâtre à Québec – veut changer les institutions… et les mentalités du public.

(Québec) « Par un ciel dégagé, on peut voir l’éternité. » Ce message est inscrit sous la bretelle d’une autoroute du quartier Saint-Roch. Non loin de là, dans une salle de répétitions, huit jeunes interprètes sont accroupis en cercle dans l’obscurité. Ils rêvent aussi à de nouveaux horizons. En compagnie de l’auteur et metteur en scène Olivier Arteau.

À 30 ans, Arteau a déjà accompli ce que bien des artistes mettent des décennies à faire. Du festival Fringe à la direction artistique du Trident, en passant par une résidence de création au Théâtre d’Aujourd’hui, son ascension a été rapide. Très rapide. Il faut remonter à Robert Lepage, Wajdi Mouawad ou André Brassard pour assister à un tel décollage d’une carrière en théâtre.

Toutefois, Arteau ne « tient rien pour acquis ». « J’aime naviguer dans plusieurs zones à la fois. Je ne veux pas me limiter à une mise en scène par année au Trident. Je vais continuer à faire de la création en marge, avec ma famille d’acteurs et zéro moyen. À mes yeux, c’est très honorable qu’un artiste établi se produise au Fringe ! »

Faire cohabiter Hubert Lenoir et Michel Tremblay

Cet hiver, Olivier Arteau travaille sur trois spectacles de front. Il vient de boucler la production de L’éveil du printemps, à l’affiche au Grand Théâtre de Québec, et qui viendra au Théâtre Denise-Pelletier la saison prochaine. Il termine sa nouvelle pièce, Pisser debout sans lever sa jupe, qui sera créée au Théâtre d’Aujourd’hui, en mars. En même temps, le comédien va jouer dans l’adaptation du roman N’essuie jamais de larmes sans gants de Jonas Gardell, grande fresque sur le sida. Sans oublier le dévoilement de sa première saison à la barre du Trident, le 3 avril prochain.

  • L’interprète et chorégraphe Fabien Piché lors d’une répétition pour la pièce Pisser debout sans lever sa jupe, d’Olivier Arteau

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

    L’interprète et chorégraphe Fabien Piché lors d’une répétition pour la pièce Pisser debout sans lever sa jupe, d’Olivier Arteau

  • Une partie de la distribution de la pièce Pisser debout sans lever sa jupe, d’Olivier Arteau, en répétitions à La Charpente des fauves, à Québec. De gauche à droite : Lucie M. Constantineau, Sarah Villeneuve-Desjardins, Ariel Charest, Laurence Gagné-Frégeau et Vincent Roy.

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

    Une partie de la distribution de la pièce Pisser debout sans lever sa jupe, d’Olivier Arteau, en répétitions à La Charpente des fauves, à Québec. De gauche à droite : Lucie M. Constantineau, Sarah Villeneuve-Desjardins, Ariel Charest, Laurence Gagné-Frégeau et Vincent Roy.

  • Ariel Charest en répétition pour la pièce Pisser debout sans lever sa jupe

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

    Ariel Charest en répétition pour la pièce Pisser debout sans lever sa jupe

  • Vincent Roy en répétition pour la pièce Pisser debout sans lever sa jupe

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

    Vincent Roy en répétition pour la pièce Pisser debout sans lever sa jupe

  • Ariel Charest et Vincent Roy en répétition pour la pièce Pisser debout sans lever sa jupe

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

    Ariel Charest et Vincent Roy en répétition pour la pièce Pisser debout sans lever sa jupe

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Pas mal pour un petit gars timide de Joliette qui a attrapé, adolescent, le virus du théâtre en jouant dans un spectacle au camp de vacances.

Sans donner de primeur, Olivier Arteau nous parle de la couleur de sa programmation. « J’essaie d’élargir la notion de répertoire théâtral. Ne pas le limiter uniquement aux pièces classiques. Le répertoire peut se nourrir d’œuvres phares en littérature, en danse, en cinéma…

PHOTO YAN DOUBLET, LE SOLEIL

Olivier Arteau

Je veux proposer des rencontres et des confrontations entre des créateurs de diverses disciplines. Et provoquer des jumelages improbables entre deux artistes. Par exemple, faire cohabiter dans un spectacle la musique d’Hubert Lenoir et l’œuvre de Michel Tremblay !

Olivier Arteau

Cette cohabitation – entre les styles, les disciplines, les univers – est visible dans L’éveil du printemps. Sur la scène du Trident, les acteurs sautent à la corde à danser, escaladent le décor et font des pirouettes comme au cirque. Arteau mélange l’acrobatie, le burlesque et le tragique. Il y a du sucré, du salé et du cru dans sa mise en scène. Comme cette mère de famille, cachée sous le tribunal, qui fait une fellation à un juge durant un procès pour agression sexuelle !

PHOTO STÉPHANE BOURGEOIS, FOURNIE PAR LE TRIDENT

La production de L’éveil du printemps, dirigée par Olivier Arteau

Veut-il bousculer le sage public de l’institution culturelle de la Capitale-Nationale ? « Je n’aime pas le mot ‟bousculer”. Je ne veux ni déranger ni provoquer personne. Par contre, j’aime étonner les gens à tout moment durant la représentation, attiser sans cesse leur curiosité. Pour cela, j’emprunte divers moyens pour raconter mes histoires, repousser mes limites. Je ne crois pas qu’il y ait de sujets tabous. Tout est dans la manière de les présenter. »

« Olivier est un génie de l’écriture scénique. Il est un peu le Xavier Dolan du théâtre québécois », illustre Ariel Charest. La comédienne, aussi connue pour ses imitations désopilantes sur Instagram, fait partie de sa famille artistique, au sein du Théâtre Kata, à Québec. Elle l’a connu au Conservatoire, il y a environ 10 ans. Depuis, Charest a joué dans (presque) tous ses spectacles.

Comme [Xavier] Dolan, Olivier a insufflé un vent de fraîcheur et de nouveauté formelles dans sa discipline, dit-elle. Il est à l’écoute de ses collaborateurs, tout en ayant une signature unique, singulière et très personnelle. On a envie de se surpasser quand on joue pour lui !

Ariel Charest, comédienne

L’autrice et actrice Anne-Marie Olivier se réjouit de voir Arteau lui succéder à la direction du Trident. « C’est un artiste surdoué », dit celle qui lui a confié la mise en scène d’Antigone, en 2019. Son premier grand plateau. Durant un mois, le metteur en scène s’est enfermé entre les murs du Grand Théâtre, sans sortir une minute. Un isolement qui évoque l’emmurement du personnage de Sophocle.

PHOTO VALÉRIE REMISE, FOURNIE PAR LE CENTRE DU THÉÂTRE D’AUJOURD’HUI

Fabien Piché et Olivier Arteau en performance dans La pudeur des urinoirs, dans la vitrine du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui

En mars 2021, Arteau a exécuté une expérience physique assez radicale avec son conjoint, Fabien Piché, dans la vitrine du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. Les deux artistes ont marché en talons hauts sur un tapis roulant… pendant 72 heures d’affilée ! Pour se mettre en danger, mais aussi pour faire un acte artistique et public, au milieu du confinement et de la fermeture des théâtres.

Voyez les coulisses de La pudeur des urinoirs

Olivier Arteau veut que le théâtre soit un lieu de rassemblement et de dialogue entre TOUTES les générations.

J’ai écrit Made in beautiful parce que je n’avais jamais entendu parler du référendum de 1995. Comme plusieurs personnes de ma génération, j’ai réalisé avec regret que je m’intéressais peu ou pas à l’histoire. Or, ma génération ne profiterait pas de ses libertés, tant collectives qu’individuelles, sans le combat des générations précédentes. C’est triste, une jeunesse qui oublie le devoir de mémoire.

Olivier Arteau

Comment explique-t-il le désintérêt des moins de 30 ans pour le passé ? « La crise climatique crée beaucoup d’anxiété. On se demande ce qui va advenir de la planète. Les jeunes ont de grandes craintes par rapport à la précarité du futur. Cela nous empêche de regarder en arrière. Si tout fout le camp dans le présent, tu ne penses pas à regarder vers le passé. »

Olivier Arteau est assez anxieux et aussi très hypocondriaque. « Je ne sais pas si c’est parce que mes deux parents sont médecins, mais j’ai grandi avec l’obsession de la mort. La mort me hante chaque jour. Une phobie que je peux compenser dans le travail. Et dans la vitalité que je veux transmettre dans mes spectacles. Car pour moi, le théâtre, c’est d’abord un élan vital, un acte de vie. »

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