Ceux qui fréquentent les théâtres le savent : Benoit McGinnis est un acteur capable d’embraser les planches par sa seule présence. Il en fait la preuve une fois encore en enfilant bas résille et talons hauts pour offrir une performance survoltée et carrément étourdissante dans l’adaptation québécoise de la comédie musicale américaine Hedwig et le pouce en furie.

Depuis qu’il a assisté à une représentation du spectacle à Broadway en 2014, l’acteur rêvait d’incarner sur scène Hedwig, chanteuse punk rock est-allemande à la langue bien pendue. Il a tenu le projet à bout de bras, y compris pendant la longue pandémie, en compagnie de son comparse René Richard Cyr qui signe la mise en scène et la traduction.

Le soir de la première, jeudi au Studio TD, Benoit McGinnis irradiait de bonheur lorsqu’il a foulé les planches sous la perruque peroxydée de Hedwig. Accompagné par quatre (excellents) musiciens et par la très talentueuse Elisabeth Gauthier Pelletier qui tient le rôle de son mari Yitzhak, l’acteur alterne chansons (en français) et monologues, racontant des pans de la vie de son personnage ou se déhanchant avec une énergie et un aplomb qui forcent l’admiration.

  • Voix puissante, performance athlétique : Benoit McGinnis met le feu aux planches avec son interprétation de Hedwig.

    PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

    Voix puissante, performance athlétique : Benoit McGinnis met le feu aux planches avec son interprétation de Hedwig.

  • Elisabeth Gauthier Pelletier (à droite) est très solide dans le rôle d’Yitzhak.

    PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

    Elisabeth Gauthier Pelletier (à droite) est très solide dans le rôle d’Yitzhak.

  • Le spectacle Hedwig et le pouce en furie est porté par quatre musiciens de renom, dont Andre Papanicolaou à la direction musicale.

    PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

    Le spectacle Hedwig et le pouce en furie est porté par quatre musiciens de renom, dont Andre Papanicolaou à la direction musicale.

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Un spectacle qui fait du bien

La performance très athlétique de Benoit McGinnis et l’ambiance rock-qui-déménage très réussie arrivent presque à nous faire oublier le côté un peu poussiéreux du texte, écrit à la fin des années 1990 par John Cameron Mitchell. À l’époque, l’humour salace façon drag-queen choquait (ou surprenait) peut-être encore, mais en 2023, le Québec en a entendu d’autres.

Si bien qu’on a craint le pire quand, au début du spectacle, Hedwig enfile les blagues au goût douteux, chacune ponctuée d’un tchik-a-boom de batterie bien senti.

Heureusement, l’émotion finit par l’emporter sur la superficialité à mesure que la pièce avance. Sous les paillettes, on arrive à entendre un cœur palpiter.

L’histoire de la chanteuse au genre indéfini reste aussi un brin alambiquée. Née homme à Berlin-Est, Hedwig subit une opération chirurgicale de changement de sexe qui tourne mal et la laisse avec un bout de chair entre les jambes qu’elle surnommera son pouce en furie.

Toute sa vie, elle enfile les déceptions amoureuses, notamment avec une vedette du rock qui la dépouillera de toutes ses chansons. Et son mari Yitzhak qui la suit comme un chien en quête d’une caresse ? Il lui sert de punching bag, cible parfaite pour recevoir le trop-plein de fiel de la chanteuse en dérive. L’amour véritable qui n’arrive pas à éclore, éclipsé par les souffrances du passé. L’histoire a été maintes fois racontée…

N’empêche, sous ses airs connus, Hedwig et le pouce en furie reste un spectacle qui fait du bien à l’âme et qui passe en un claquement de doigts. Parce que malgré le passage des années et les nombreux combats menés pour une plus grande ouverture à la différence, la partie n’est pas gagnée. Parce que s’aimer tel qu’on est reste un défi pour tous. Et parce que le rock, lorsqu’il est aussi bien interprété, fait grimper la température de quelques degrés.

Hedwig et le pouce en furie

Hedwig et le pouce en furie

Texte de John Cameron Mitchell, paroles et musique de Stephen Trask. Mise en scène et traduction de René Richard Cyr. Avec Benoit McGinnis, Elisabeth Gauthier Pelletier, Andre Papanicolau, Amélie Mandeville, Marc Chartrain et Guillaume Lecompte

Au Studio TD jusqu’au 4 février, puis en tournée au Québec

6,5/10

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