On l’a sentie en parfait contrôle durant toute la journée. Relaxe, même. Sauf 60 secondes avant d’entrer en ondes, le temps de l’entendre confesser une certaine agitation : « Moman est sur les nerfs ! »

Cadrée en gros plan en attendant l’enclenchement du décompte qui lancera la deuxième saison de Zénith, Véronique Cloutier paraît soudainement soucieuse et – étonnamment – faillible. Son regard s’est transformé. Son visage montre des signes de nervosité, chose qu’elle nous confirmera après l’émission. Seule au milieu d’un studio bondé, elle répète son texte d’ouverture en silence. « Let’s go Véro ! », carillonne un spectateur.

L’animatrice lance ensuite une blague qu’elle répète lorsqu’elle sent son niveau de stress grimper en flèche : « Je ferais une brassée de blanc ! »

Mais aussitôt que l’enregistrement démarre, on sait qu’elle n’a envie d’être nulle part ailleurs, surtout pas devant sa laveuse, à surveiller un cycle délicat.

Il est 20 h et Véronique Cloutier retrouve son assurance habituelle… qu’elle conservera jusqu’au générique de clôture, et plus encore. Croisée après l’émission, l’animatrice paraît galvanisée et « pleine de reconnaissance », une expression qu’elle emploie régulièrement depuis quelque temps. Admirative du travail de l’équipe derrière Zénith, elle s’avoue émue.

J’avais souvent les yeux dans l’eau pendant les numéros. Il n’y a pas beaucoup de métiers qui peuvent te faire vivre des choses comme ça.

Véronique Cloutier

Rigueur et plaisir

Véronique Cloutier n’a pas quitté Grandé Studios depuis ce matin. À notre arrivée, aux alentours de 10 h, elle était déjà en répétition technique. Vêtue d’un jean noir et d’un coton ouaté gris arborant le logo de Zénith, elle nous aperçoit et s’approche pour deux raisons : nous saluer… et surtout, nous expliquer qu’elle porte sa casquette à l’envers pour permettre aux techniciens d’ajuster certains jeux de lumière, et non parce qu’elle traverse sa phase « rappeuse ».

PHOTO BENOIT ROUSSEAU, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Véronique Cloutier recueille les impressions de Rafaëlle Roy après son numéro à Zénith.

L’étape est fastidieuse et s’étire jusqu’à 12 h 30. Elle permet notamment de corriger plusieurs transitions et mouvements de caméra. Les chanteurs qui s’exécuteront en soirée n’y participent pas. En attendant leur arrivée, des étudiants en communications les remplacent. En télé, ces figurants sont communément appelés des « crabes ».

Malgré la lourdeur de l’exercice, Véronique Cloutier y trouve son plaisir. Elle invente des chorégraphies avec Mariève Proulx et Franck Julien (les choristes), elle potine (Claude Bégin aurait demandé Lysandre Nadeau en mariage en Jamaïque), elle imite Marie-Mai à Big Brother Célébrités (« J’adore Marie-Mai », précise-t-elle), elle envoie des courriels (son cellulaire à portée de main, dans sa poche arrière)… Lorsqu’une « crabe » chante You Oughta Know d’Alanis Morissette pour permettre à l’équipe de retrouver ses repères au segment karaoké, l’animatrice démontre tellement d’enthousiasme qu’on jurerait que l’enregistrement bat son plein. Même entrain durant Trois petits coups de Johnny Farago.

« Je veux qu’on prenne le temps de bien faire les choses, mais on doit garder l’esprit du show », explique-t-elle en entrevue.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Véronique Cloutier, en entrevue durant une pause de répétitions

Pour moi, c’est important qu’on travaille dans la bonne humeur, qu’on soit dans la gratitude, la bienveillance, la solidarité. On est chanceux de faire ce qu’on fait.

Véronique Cloutier

« Une machine de guerre »

Véronique Cloutier travaille sans télésouffleur, sauf lorsqu’elle présente les artistes en début d’émission, quand ils apparaissent derrière les colonnes pivotantes, alors qu’on entend la musique d’introduction. Tout doit être parfaitement synchronisé. Une phrase de trop, et tout fout le camp, comme on l’a remarqué durant notre passage. L’animatrice porte également une oreillette, mais les instructions sont claires : on doit seulement l’utiliser en cas de pépin technique, comme un bogue de pointage, par exemple.

« C’est une machine de guerre », affirme Sophie Morasse, nouvelle directrice générale, télévision, par intérim, de Radio-Canada.

Durant toute la journée, Véronique Cloutier instaure une ambiance décontractée devant et derrière la caméra. Qu’elle soit en train de rire aux éclats au CCM (coiffure, costume, maquillage) avec Marcus Villeneuve, son coiffeur officiel, d’encourager les candidats entre deux blocs de répétitions ou d’enregistrer des messages pour alimenter les réseaux sociaux, son énergie circule à travers les coulisses, nous confirme le producteur au contenu et coconcepteur de l’émission, Dominic Anctil, qui travaille avec l’animatrice depuis une dizaine d’années.

« Tout le monde essaie d’amener la machine plus loin. Les gens sont généreux. Ça part de Véro. C’est une trooper. Elle met toujours son équipe de l’avant. Ça percole. Ça crée un effet d’entraînement. »

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Véronique Cloutier aux bons soins de Marcus Villeneuve, son coiffeur

Juste une animatrice

D’ordinaire, Véronique Cloutier s’éclipserait en après-midi pour animer son émission de radio à Rouge FM, à partir d’un local spécialement aménagé à moins d’une centaine de mètres, « gracieusement prêté par Grandé et l’équipe de France Beaudoin », où cette dernière enregistre En direct de l’univers chaque samedi. Elle réapparaîtrait vers 18 h, juste à temps pour achever les préparatifs. Mais cette semaine, l’animatrice a pris congé des Fantastiques pour concentrer ses efforts sur Zénith.

En cette froide journée d’hiver, sent-elle qu’elle prend une dernière bouffée d’air avant d’entamer une plongée en apnée de laquelle elle n’émergera qu’au printemps ? Pas du tout, répond-elle.

Moi, je fais juste animer. Il faudrait demander aux autres départements. C’est eux qui suspendent une batterie au plafond, qui confectionnent les costumes, qui conçoivent les numéros. C’est eux qui doivent prendre un grand respire.

Véronique Cloutier

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Véronique Cloutier, en conversation avec notre journaliste

Débreffage Tiki

Il est maintenant 21 h 45. L’enregistrement est terminé depuis bientôt une heure. L’émission s’est bien déroulée. Pour une première après neuf mois d’arrêt, on peut parler d’un sans-faute.

Véronique Cloutier est entourée de l’équipe de Zénith dans l’espace cafétéria des studios Grandé, pour une séance festive de débreffage autour d’un verre, servi par Élyse Marquis, bien postée au comptoir de style Tiki. Le président de KOTV et conjoint de l’animatrice, Louis Morissette, s’est joint au groupe. Le véritable bilan aura lieu demain.

Encore sur l’adrénaline, Véro prévoit poursuivre ses conversations, laisser la poussière retomber et ensuite rentrer au bercail, pour s’endormir vers 1 h du matin.

« Quand j’avais 22 ans et que j’animais La fureur, c’était plus 4 h du matin », précise-t-elle.

À 49 ans, Moman a besoin de sommeil pour rester au zénith.