On entend souvent que l’industrie de la télé ne traite pas bien les femmes, qu’après 40 ans, leurs contrats s’évaporent et que les animatrices d’expérience disparaissent des écrans au profit de collègues plus jeunes et branchées, qui ont plus d’abonnés sur TikTok, genre.

Véronique Cloutier et Julie Snyder, qui fêtent respectivement leurs 30 et 40 ans de carrière en télévision, prouvent le contraire avec éclat. Ces deux têtes d’affiche, chacune reine de son réseau, survivent aux modes télévisuelles et aux humeurs des patrons. Et elles durent à l’antenne, cimentant leur statut de pilier (ou de pilière ?) du showbiz québécois.

Cet hiver, Véro et Julie ont repris le contrôle d’émissions populaires et rassembleuses. Au gouvernail de Chaque seconde compte sur Noovo, les lundis à 20 h, ça paraît que Julie Snyder a piloté Le banquier pendant 10 ans à TVA. Elle interagit de façon plus souple et naturelle avec les concurrents de son jeu de connaissances générales, qui offre une heure de télé instructive et divertissante.

Le deuxième épisode, relayé lundi soir, a été meilleur que le premier, je trouve. La cagnotte (44 563 $, avant le partage inégal des parts) y était plus juteuse et les candidats, plus rigolos. Contrairement à La semaine des 4 Julie, où ça dérapait joyeusement, l’animatrice garde un contrôle serré sur son plateau. Pas le choix, direz-vous, quand il y a autant de règles à expliquer et autant d’argent à distribuer. C’est vrai.

J’aime bien Chaque seconde compte, qui mise sur la culture générale des participants, de tous âges, qui jouent ensemble et aussi les uns contre les autres.

Efficaces, les deux premières rondes à 2500 $ et à 5000 $ filent à la vitesse de l’éclair. Même qu’on prendrait quelques questions supplémentaires tellement c’est rapide.

Le spectre des sujets abordés ratisse large : calcul mental, maisons de Harry Potter, films oscarisés, athlétisme ou rap québécois. Le niveau – ni expert ni débutant – permet à un public très vaste de s’amuser. Et le gros lot qui ratatine avec le temps de réflexion augmente le niveau de stress de façon cruelle.

Par contre, il subsiste une pause inconfortable entre la réponse fournie par les concurrents et la validation par Julie Snyder, qui pointe vers le tableau indicateur, dans le vide, pendant quelques secondes. On pourrait raccourcir ce suspense étiré, qui rappelle les longs dévoilements du Banquier.

Les 10 dernières minutes de Chaque seconde compte manquent également de substance. Une fois l’argent alloué en portions de 60, 30 et 10 %, l’intérêt tombe. Comment les gagnants dépenseront leur pécule, parfois minuscule, ne donne pas de la télé extra palpitante.

Cela dit, comme capitaine d’équipe, Julie Snyder est curieuse et investie. Oui, elle en beurre une bonne couche en se roulant sur le plancher du studio, mais tant qu’elle n’abîme pas ses beaux vêtements, on devrait s’en sortir.

PHOTO BENOIT ROUSSEAU, TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE L’ÉMISSION

Véronique Cloutier à la barre du Zénith

Du côté de Zénith, de retour à Radio-Canada pour une deuxième saison, Véronique Cloutier démontre à quel point elle excelle en direct. Sa gestion du public VIP et des artistes (parfois en état de choc ou de stress intense) est épatante. Tout a l’air facile et frais, comme dans une pub de Covergirl.

Et contrairement à la saison dernière, Véro n’a plus à expliquer puis à réexpliquer les règlements de son concours de chant télévisé. Les fans savent à quoi s’attendre et le premier épisode, qui a été diffusé jeudi à 20 h, a été fluide, sans gros pépin technique.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE L’ÉMISSION

Gilles Girard

Il n’y a qu’à Zénith que l’on peut voir Gilles Girard, le chanteur des Classels, reprendre Saskatchewan des Trois Accords vêtu d’un costume de cowboy blanc.

Ça s’est gâché pendant le volet karaoké, où Gilles Girard s’est enfargé dans la chanson Tomber à l’eau d’Annie Villeneuve, qu’il ne maîtrisait pas. Les choristes ont volé à son secours et Véro a bien rattrapé le moment, qui aurait pu être malaisant.

Julie Ringuette, la ballerine de glace de Chanteurs masqués, et Rafaëlle Roy, finaliste de La voix 7 en 2019, ont volé la vedette avec leurs flamboyants numéros concoctés autour de Vivante de France D’Amour et Crazy in Love de Beyoncé. Opinion impopulaire : non, contrairement à ce qu’a déclaré Éléonore Lagacé, la capitaine des Z, Rafaëlle Roy n’est pas « la plus grande chanteuse de notre ère, globalement, dans le monde ». On enlève une bûche du poêle, merci.

Le passage de Lulu Hughes, membre de la génération X, a été plus raboteux. Elle a opté pour Music de Madonna, façon Bollywood, qui ne rendait pas justice à sa voix soul. Mauvais choix. Puis, au karaoké, elle s’est attaquée à la chanson Fou d’Andréanne A. Malette, qu’elle disait connaître, mais qu’elle a massacrée. Les deux choristes ont de nouveau facturé des heures supplémentaires.

C’est justement parce qu’il n’est pas lisse et encadré que le segment karaoké de Zénith est fascinant. On y voit des chanteurs se mettre en danger et essayer des trucs casse-gueule, quitte à se planter, peu importe, il se passe quelque chose dans nos téléviseurs. On ne se plaindra certainement pas que cette portion déborde du cadre et que des interprètes y exposent leur vulnérabilité, même si quelques classiques doivent être écorchés.