Posséder une expertise en téléréalités d’aventures, ça rapporte en 2023. Le réalisateur Guillaume St-Arnaud en sait quelque chose. Dimanche, ses émissions ont coup sur coup accaparé les ondes des réseaux TVA et Noovo à heure de grande écoute : Sortez-moi d’ici et Survivor Québec.

En entrevue, on dénote chez Guillaume St-Arnaud une certaine réticence à commenter cet exploit. Et pourtant, on devrait seulement déceler un sentiment de fierté. Après tout, ce n’est pas tous les jours qu’on réalise deux émissions phares issues d’empires médiatiques concurrents, logées la même soirée.

« Je suis super content, déclare l’homme de 42 ans. Je suis surtout heureux qu’on ait l’occasion de produire ce genre de shows au Québec. Les diffuseurs y croient. Et les gens s’y intéressent. »

Pas besoin d’aller fouiller bien loin pour comprendre pourquoi les services de Guillaume St-Arnaud sont aussi prisés.

Entre les mains d’un autre réalisateur, le défi chronométré combinant serpents, lianes électriques et boîtes en carton relevé par Rahmane, le DMarquis, Jean-Michel et Nathalie Simard n’aurait probablement pas happé autant notre attention, dimanche soir, à Sortez-moi d’ici.

PHOTO FOURNIE PAR TVA

Scène de Sortez-moi d’ici

De son côté, la première de Survivor Québec en jetait avec ses énormes structures de jeu, son rythme endiablé et, surtout, ses prises de vue imparables des îles philippines.

« À cause des budgets québécois, au début, ma grande crainte, c’était qu’on souffre des comparaisons avec l’adaptation américaine », explique Guillaume St-Arnaud.

Survivor, c’est un format connu. La pression de qualité de production et d’éclat était forte. Mais j’ai été épaté du niveau qu’on a été capable d’atteindre. En tournage, j’avais pratiquement l’impression de travailler sur Survivor US. Ça m’a rendu très heureux.

Guillaume St-Arnaud

L’expérience d’une vie

L’animateur Patrice Bélanger l’a affirmé durant l’émission de dimanche : pour chaque participant, Survivor, c’est l’expérience d’une vie. Pour son réalisateur aussi, précise Guillaume St-Arnaud, qui connaît la série depuis qu’elle a pris l’antenne de CBS, au printemps 2000. À cette époque, il étudiait en communications à l’Université Concordia à Montréal. « Mes amis anglophones m’avaient fait découvrir ça. J’étais curieux, mais je n’avais pas suivi. »

Ce n’est qu’en 2014, alors qu’il s’apprêtait à tourner la première saison de Vol 920 pour TVA, qu’il s’y est plongé davantage. Pilotée par Yan England, cette défunte téléréalité mariait voyages autour du monde et rencontres entre célibataires.

« Il fallait inventer des défis, et pour m’inspirer, j’avais écouté au-dessus de 200 clips de Survivor sur YouTube. Ça m’avait permis de voir l’ampleur du phénomène, la communauté de fans, le culte… J’ai fait beaucoup de téléréalités de compétition, mais pour moi, Survivor, c’est l’ultime. »

PHOTO FOURNIE PAR NOOVO

Survivor Québec

Mettre au monde Survivor Québec a exigé plus d’une année et demie de dur labeur. Pour Guillaume St-Arnaud, le travail a commencé en janvier 2022 avec Productions J, l’entreprise de Julie Snyder. Après une vaste préparation en amont, qui comprenait notamment le recrutement de concurrents de qualité capables de jouer « dans les règles de l’art » sans dépasser les bornes, la petite armée s’est transportée aux Philippines en février pour 45 jours de tournage.

« C’est allé rondement tout le long. Les équipes locales étaient bonnes, les lieux fonctionnaient, les défis marchaient… Je n’ai jamais senti qu’on n’allait pas pouvoir livrer quelque chose à la hauteur. »

L’amour de l’image

Guillaume St-Arnaud n’a pas toujours voulu occuper la chaise de réalisateur. Au départ, il souhaitait plutôt devenir directeur photo. Il s’était découvert un « amour de l’image » en prenant des clichés en noir et blanc lors d’un voyage en Russie. Après ses études, des offres alléchantes dans différentes téléréalités comme Loft Story et Occupation double sont venues brouiller ses cartes.

Quand la téléréalité a commencé, beaucoup de gens disaient que c’était un feu de paille, un phénomène qui allait disparaître. Quand on regarde ça aujourd’hui, on voit à quel point le genre a évolué. Ça englobe plein de choses maintenant : des Kardashian aux gros shows de compétition. Ça survit aux époques.

Guillaume St-Arnaud

Guillaume St-Arnaud ignore pourquoi les formats Survivor et I’m a Celebrity… Get Me Out of Here (Sortez-moi d’ici), qui existent respectivement depuis 26 ans et 21 ans à l’international, ont mis autant de temps avant d’atterrir au Québec. Il croit toutefois qu’on s’y serait cassé les dents s’il avait fallu qu’on s’y attaque plus tôt.

« On commence à développer une expertise au Québec en matière de téléréalités. Ça nous permet d’avoir ce genre de shows avec nos budgets. C’était moins le cas il y a 10 ou 15 ans. »

Le contexte semble également favorable en 2023. Si l’on se fie aux cotes d’écoute de Sortez-moi d’ici, les Québécois ont, plus que jamais, soif de téléréalités d’aventures. Depuis son entrée en ondes en février, l’émission pilotée par Jean-Philippe Dion et Alexandre Barrette rallie en moyenne 1 709 000 mordus chaque dimanche, d’après les données confirmées de Numéris.

À certains égards, ces résultats surprennent Guillaume St-Arnaud. « Pour moi, c’était un pari, avoue le réalisateur. Mais aujourd’hui, je vois à quel point ça ratisse large. Avant Sortez-moi d’ici, je n’avais jamais écouté la télé avec mon enfant de 5 ans. Il adore l’émission ! Il faut dire qu’elle a une touche d’humour, une touche cartoonesque. On voit aussi des gens qui vivent quelque chose de dur, mais qui restent unis. Ça doit résonner chez plusieurs familles. La bonne humeur, la peur des bibittes, l’aspect positif… C’est grand public. »

TVA ayant récemment annoncé le retour de Sortez-moi d’ici, Guillaume St-Arnaud s’y replongera à temps plein en juin, aussitôt le montage des épisodes de Survivor Québec achevé, quotidiennes de 30 minutes et émissions hebdomadaires du dimanche incluses.

Le repos du guerrier devra attendre.

« J’adore ce que je fais, d’autant plus que j’ai toujours aimé voyager. J’ai commencé très jeune, en allant au Nicaragua à 16 ans. L’enjeu maintenant, c’est qu’avec deux jeunes enfants, c’est plus difficile. Mais je suis chanceux ; j’ai une blonde très compréhensive. »

Noovo présente Survivor Québec du lundi au jeudi à 19 h, et dimanche à 20 h. TVA présente Sortez-moi d’ici le dimanche à 18 h 30.