Les Golden Globes joueront leur avenir ce mardi, lorsqu’ils reviendront en ondes après plusieurs scandales. Tous les yeux seront rivés sur cette faste soirée, non pas pour connaître ses gagnants, mais pour voir comment aboutit son opération réhabilitation.

Avez-vous besoin qu’on vous rafraîchisse la mémoire par rapport au déclin précipité du gala pré-Oscars ? Sa descente aux enfers s’est amorcée en janvier 2021, quand, notamment, une enquête du Los Angeles Times a dévoilé qu’aucun des 87 membres du jury derrière l’évènement n’était noir.

Le quotidien a également accusé la Hollywood Foreign Press Association (HFPA) de corruption, puisqu’une trentaine de jurés avaient, en 2019, accepté une invitation VIP des studios Paramount pour assister en France au tournage d’Emily in Paris, une série qu’ils avaient ensuite nommée dans quelques catégories importantes, malgré des critiques mitigées.

Devant ces révélations, le réseau NBC a débranché la cérémonie. La HFPA s’est ensuite engagée à enrôler des journalistes noirs, ainsi qu’à renforcer ses règles de conduite, pour éviter les conflits d’intérêts.

Choses promises, choses (presque) dues. Deux ans plus tard, des Golden Globes « transformés » retrouvent l’antenne, mais tout n’est pas revenu au beau fixe pour autant. La HFPA a récemment reconnu qu’elle n’avait pas encore atteint ses objectifs en matière de diversité. À l’heure actuelle, 9 % de personnes noires participent au vote.

Malgré tout, la stratège en communication et directrice du bureau montréalais d’Edelman, Martine St-Victor, croit « qu’il faut reconnaître l’effort ». « Les Golden Globes doivent servir d’exemple d’organisation qui peut faire mieux, estime-t-elle. Dénoncer, c’est bien, mais après, il faut qu’on donne aux gens l’espace pour qu’ils puissent se réhabiliter et corriger leurs erreurs. En tant que consommateurs et téléspectateurs, il faut qu’on soit ouverts au fait de donner une chance. »

PHOTO GRAHAM HUGHES, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Martine St-Victor, stratège en communication et directrice du bureau montréalais d’Edelman

Des points d’interrogation

On connaît l’animateur des 80es Golden Globes (l’humoriste Jerrod Carmichael), tout comme on connaît l’identité des finalistes (le drame irlandais The Banshees of Inisherin mène du côté des films ; la comédie américaine Abbott Elementary domine en télévision), mais quelques heures avant l’ouverture du prestigieux (?) rendez-vous, plusieurs questions demeurent sans réponse.

Quelles vedettes y participeront ? Lesquelles le boycotteront ? Le mystère plane. Chose certaine, il serait surprenant d’y voir Tom Cruise, non seulement parce qu’il n’a pas été cité pour Top Gun : Maverick, mais aussi parce qu’il n’a pas hésité à retourner ses trophées, en 2021, quand toute l’affaire a éclaté.

PARAMOUNT PICTURES VIA ASSOCIATED PRESS

Tom Cruise dans Top Gun : Maverick

Brendan Fraser n’y sera pas non plus. En entrevue au magazine GQ en novembre, l’acteur, sélectionné pour The Whale, a rappelé qu’en 2018, lorsqu’il a accusé Philip Berk, président des Golden Globes, de l’avoir agressé sexuellement en 2003, la HFPA l’a gardé en poste.

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Brendan Fraser dans The Whale

Selon un communiqué envoyé par l’organisation la semaine dernière, quelques personnalités ont néanmoins confirmé leur présence, notamment pour présenter des trophées. On parle d’Ana Gasteyer, Colman Domingo, Michaela Jaé Rodriguez, Nicole Byer, Regina Hall, Salma Hayek, Quentin Tarantino et Tracy Morgan, loin des « A » auxquels on avait été habitués. Les finalistes Ana de Armas, qui incarne Marilyn Monroe dans Blonde, Jennifer Coolidge (The White Lotus), Hilary Swank (Alaska Daily), Jamie Lee Curtis (Everything Everywhere All at Once), Jenna Ortega (Wednesday) et Niecy Nash (Monster : The Jeffrey Dahmer Story) font aussi partie du groupe, tout comme Eddie Murphy et Ryan Murphy qui recevront des prix hommage.

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Ana de Armas dans Blonde

« Certaines stars veulent peut-être attendre de voir comment les choses vont aller pour dire : “OK, l’année prochaine, j’irai”, indique Martine St-Victor. Ça peut aussi permettre aux générations plus jeunes de prendre davantage de place. Il faudra voir… »

Martine St-Victor croit qu’au-delà des grosses pointures qui seront assises ou non au parterre du Beverly Hilton de Beverly Hills, il faudra surveiller les publicités qui seront diffusées durant l’émission de trois heures. « Les annonceurs peuvent faire une différence en mettant de l’avant des programmes de diversité, d’inclusion et d’équité », souligne la stratège en communication.

Si j’étais annonceur, ce n’est pas des paillettes que j’essaierais de vendre ; je vendrais un côté beaucoup plus social et communautaire.

Martine St-Victor, stratège en communication et directrice du bureau montréalais d’Edelman

Enfin, le ton du gala sera aussi en observation. Jerrod Carmichael n’essaiera sans doute pas d’imiter Ricky Gervais et d’égratigner toute l’élite hollywoodienne, mais il pourra difficilement ignorer la polémique.

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L’humoriste Jerrod Carmichael animera les 80es Golden Globes.

« Il ne faut pas en faire l’épicentre du gala, parce que ce n’est pas pour ça qu’on regarde, mais on veut quand même savoir les changements que l’organisation a apportés, dit Martine St-Victor. Ils doivent nous montrer qu’ils ont entendu les dénonciations. S’ils veulent qu’on y croie, ils doivent nous expliquer leur démarche, sans toutefois en faire une conférence de style TED Talk. »

Alors qu’on observe une baisse généralisée des cotes d’écoute des cérémonies du genre aux États-Unis, la pression entourant cette nouvelle édition des Golden Globes est plus forte que jamais, d’autant plus que rien n’est assuré pour 2024 puisque leur contrat avec NBC arrive à échéance cette année.

NBC et Citytv diffusent la 80e cérémonie des Golden Globes ce mardi, à 20 h.