Mylène a 39 ans. « Romantique quétaine » avouée, elle cherche l’âme sœur. Pour y arriver, elle recourt aux services de Rencontre adaptée, une agence spécialisée auprès d’une clientèle atteinte d’un handicap. Sa démarche est dépeinte dans Amour sans limite, une nouvelle série documentaire de Canal Vie.

Avant de poursuivre, signalons une chose : Mylène se déplace en fauteuil roulant. Comme les autres célibataires « différents » en vedette dans l’émission, sa quête est complexe, mais parfaitement légitime.

Diffusé la semaine dernière, le premier épisode a exposé les obstacles qui entravent sa route. Mylène habite un établissement qui embauche des préposés pour l’aider à s’habiller, aller aux toilettes, se laver et préparer ses repas. Elle y reçoit des services 24 heures par jour, 7 jours par semaine.

Dans cette première demi-heure, nous avons également croisé Nicolas, un sympathique gaillard de 28 ans, atteint de trisomie 21, qui souhaite rencontrer « une fille qui aime chanter et aller au cinéma ». Le deuxième épisode montrera son premier rendez-vous galant avec Carolanne, une prétendante « intelligente, coquette et ponctuelle », selon ses propres dires. Puis, nous ferons connaissance avec Matthy, un militant homosexuel de 33 ans, très présent sur TikTok, qui n’a « jamais vraiment été en couple » parce qu’il croyait qu’il n’était « pas assez » pour être aimé.

PHOTO FOURNIE PAR BELL MÉDIA

Nicolas dans Amour sans limite

« Pour certains, c’est un rêve depuis toujours de rencontrer l’amour, nous explique la réalisatrice Maude Sabbagh (Face à la rue, Histoires de coming-out). Ils ont tous des défis différents. Mais leur dénominateur commun, c’est qu’ils ont envie — et surtout droit — de rencontrer l’amour. C’est ce qui m’a touchée. Tu peux avoir des limitations physiques ou cognitives, pour l’amour, il n’y a pas de limite. C’est ce qu’on essaie de démontrer avec cette série. »

« En s’inscrivant à l’agence, ils s’octroient le droit d’aimer et d’être aimés, poursuit-elle. Ce sont des gens qui ont souvent cru qu’ils n’en valaient pas la peine. Et personne ne devrait se sentir insuffisant. »

« On a défoncé des portes »

Le projet de série Amour sans limite a pris naissance au printemps dernier lorsque les dirigeants d’Urbania (Dans l’ombre du Star Wars Kid, Quelles familles !) ont rencontré Darlène et Vanessa Lévesque, les cofondatrices de l’agence Rencontre adaptée. Respectivement superviseure chez Groupe AFFI, une entreprise adaptée, et auxiliaire en santé et services sociaux, elles étaient aux premières loges des besoins de socialisation des personnes avec limitation. La proposition d’Urbania était simple : filmer les activités de l’entreprise, la première au Québec à proposer ce genre de services.

« On avait déjà été approchées pour d’autres projets du genre, mais cette fois, c’était différent, nous raconte Darlène Lévesque en entrevue. Ils croyaient beaucoup en notre projet. Ils aimaient notre mission. »

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Le trio de direction de l’agence Rencontre adaptée, Darlène Lévesque, Émilie Gingras et Vanessa Lévesque

Les entrepreneures étaient d’autant plus touchées que quelques années plus tôt, lorsqu’elles tentaient de mettre sur pied l’agence, leur initiative avait suscité bien peu d’intérêt des décideurs. « On a défoncé des portes, affirme Darlène. On a fait des demandes d’aide financière, on a fait toutes sortes d’approches, mais les gens ne voulaient rien savoir. On s’est fait revirer de bord souvent… assez pour nous décourager, mais jamais assez pour qu’on lâche le morceau. »

Besoin de lumière

Amour sans limite n’est pas réservée exclusivement aux personnes handicapées. Mylène l’a d’ailleurs énoncé devant l’objectif de Maude Sabbagh lundi dernier : « Ce n’est pas parce qu’on est en fauteuil roulant qu’on veut se matcher avec quelqu’un comme nous. » La preuve : au troisième épisode, la jeune femme soupera avec Bram, un homme non handicapé, du moins physiquement. Victime d’un choc post-traumatique, il souffre d’un « handicap invisible ».

Maude Sabbagh et son équipe ont suivi Mylène, Nicolas, Matthy et compagnie pendant six mois avant d’accoucher d’Amour sans limite. Les tournages ont pris fin plus tôt en novembre. La première saison montre des couples se former et, parfois, se briser.

En entrevue, la documentariste décrit la série comme son projet coup de cœur.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Maude Sabbagh

Je n’ai jamais eu autant de plaisir, en tournage comme en salle de montage. Ça m’a redonné foi en l’humanité. J’avais besoin de lumière.

Maude Sabbagh, réalisatrice d’Amour sans limite

Fait à signaler, la série passe très peu de temps à brosser le handicap des participants. Par exemple, nous avons dû consulter la chaîne YouTube de Matthy pour apprendre qu’il était atteint d’une forme rare de nanisme. « Le focus, c’est vraiment la quête amoureuse, explique Maude Sabbagh. Je voulais qu’on découvre de manière organique leurs défis. On n’a pas besoin de connaître leur handicap en détail pour suivre leur histoire. »

Une tendance

L’entrée en ondes d’Amour sans limite précède de quelques mois celle d’Et si c’était toi ?, une autre série documentaire québécoise impliquant des personnes aux prises avec différents troubles. Animée par Varda Étienne, cette production de Pixcom (Autiste, bientôt majeur, Indéfendable) devrait atterrir sur AMI-télé en février. À l’international, mentionnons The Undateables (Channel 4 au Royaume-Uni) et Love on the Spectrum, sur l’autisme, sur Netflix. « Il était temps qu’on s’intéresse aux gens qui vivent avec des défis différents des nôtres », souligne Maude Sabbagh.

Canal Vie présente Amour sans limite les lundis à 19 h 30.