Il y a 25 ans, le Viagra a causé une petite révolution dans le lit des hommes et des couples. Vincent Graton en discute à l’écran avec d’autres hommes dans La vie en bleu, documentaire qui montre les bons et les moins bons côtés de la fameuse pilule bleue.

Parler d’érection — ou plutôt de problème d’érection — à la télé ? Vincent Graton assure n’avoir pas hésité une seconde lorsqu’on lui a proposé de jouer les animateurs-intervieweurs du documentaire La vie en bleue. Il s’intéresse à la sexualité au sens large, de la mécanique physique à ses ramifications psychologiques et affectives, et trouve que c’est un sujet important.

En revanche, dit-il, trouver des hommes et des couples prêts à parler de dysfonction érectile devant une caméra n’a pas été une mince affaire. « On va se le dire : l’érection et l’éjaculation précoce, ce sont deux sujets tabous chez les gars, dit-il. Ce sont de gros dossiers… »

Le défi de trouver des témoignages touche au cœur même de La vie en bleu : l’image des hommes, l’importance de l’érection dans la construction de la masculinité et donc de cette impression d’être « finis » s’ils vivent des problèmes d’érection.

Plus que de la mécanique

La vie en bleu revient bien sûr sur le lancement de la « pilule bleue », il y a 25 ans, qui fut inventée par hasard. Les chercheurs qui l’ont mise au point cherchaient un médicament pour le cœur et ont découvert qu’il était plus efficace pour irriguer le pénis que les artères coronaires. Ils en ont conclu qu’il serait plus efficace pour traiter les problèmes de dysfonction érectile.

Les discussions que Vincent Graton a avec des hommes, un couple et des sexologues sont toutefois loin de se limiter aux questions de mécanique. Il est beaucoup question d’image de soi, de construction des rôles sexuels et d’anxiété de performance.

« Pascal, le camionneur [qu’on rencontre dans le film], aborde vraiment bien l’anxiété de performance, juge Vincent Graton. La première fois qu’il a voulu faire l’amour, ça n’a pas marché et il a été très marqué par ça. Cette anxiété-là a fini par prendre toute la place et il dit clairement que même si c’est un placebo, il a besoin de ça. »

La vie en bleu explique le rôle que peuvent jouer les médicaments pour favoriser l’érection, mais les hommes interviewés précisent aussi que cette pilule n’est pas magique : sans désir ni stimulation érotique, l’érection ne viendra pas. Preuve que la sexualité des hommes est plus complexe qu’on le pense, estime Vincent Graton.

Un enjeu de couple

Et c’est en explorant ce qu’il y a autour de l’érection que le documentaire enrichit sa réflexion sur l’intimité et la sexualité. « L’idée était d’inviter à réévaluer ce que c’est que d’être un gars, d’interroger les modèles », dit Vincent Graton. De voir aussi comment la dysfonction érectile ne concerne pas seulement celui qui en souffre, mais aussi son ou sa partenaire qui, souvent, craint que cette difficulté ne signifie qu’il ou elle n’est plus désirable.

IMAGE TIRÉE DE LA SÉRIE LA VIE EN BLEU

Les problèmes d’érection ne sont pas rares : 13 % des hommes de 20 ans en souffrent, souligne le documentaire. À 40 ans, c’est 40 %, et à 50 ans, 50 %. « Ça existe et c’est nécessaire d’en parler, juge l’animateur. La santé sexuelle, c’est un enjeu de santé publique. »

Il y a quelques mois, la série Loto-Méno, pilotée par Véronique Cloutier, a fait beaucoup pour démystifier la ménopause et a même fait changer les choses puisque l’accès aux coûteuses hormones dites « bio-identiques » utilisées pour soulager les symptômes de la ménopause a été élargi. L’un des hommes interviewés dans La vie en bleu, Claude Boivin, mène depuis plusieurs années une lutte similaire : il souhaite que les médicaments pouvant traiter la dysfonction érectile, coûteux eux aussi, soient remboursés par le régime public.

Vincent Graton précise que La vie en bleu n’est pas un documentaire militant et n’a pas pour objectif de faire changer une chose en particulier. « Si ça entraîne une discussion sur le sujet, que les gars parlent de leur sexualité, de la sexualité, en sortant des malaises, des silences, des clichés, des préjugés ou blagues plates, ce serait un avancement bienfaisant », croit-il.

Mardi, 21 h, sur ICI Télé