Avant le crash est sans doute la révélation télévisuelle de l’automne. À l’occasion de la diffusion du magistral et intense épisode final, ce lundi soir, nous avons réuni le réalisateur Stéphane Lapointe, l’actrice Marie-France Marcotte et la coscénariste Kim Lévesque-Lizotte. Bonne nouvelle : cette dernière et Éric Bruneau sont en train d’écrire une deuxième saison.

« Nous sommes chez Olstrom », lance Kim Lévesque-Lizotte en ouvrant les grandes portes vitrées de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

C’est dans ce lieu de la haute finance que nous avons donné rendez-vous aux artisans d’Avant le crash. Des scènes de la série y ont été tournées. « Disons que c’est très cravate », dit avec raison le réalisateur Stéphane Lapointe.

Notre rencontre s’est déroulée il y a deux semaines alors que la chaîne RONA faisait les manchettes pour avoir une fois de plus été vendue à des investisseurs américains, ce qui n’était pas sans rappeler le fameux « deal des Quincailleries Royale » dont il a été question dans les premiers épisodes. « Éric et moi avons rencontré Robert Dutton. Il a été trahi », estime Kim Lévesque-Lizotte.

Robert Dutton s’est fait montrer la porte après 35 ans de loyaux services chez RONA sans scrupule de la part de certains actionnaires. Il fait partie des nombreuses personnes que les scénaristes d’Avant le crash, Éric Bruneau et Kim Lévesque-Lizotte, ont rencontrées pour parfaire la quête et la psychologie de leurs personnages.

Que ce soit pour sa facture léchée, ses dialogues réalistes, ses intrigues imprévisibles et sa réflexion sur l’ambition et le pouvoir, Avant le crash est la série de l’automne de bien des téléphiles. « Il y a une envergure qui me dépasse. La série a touché les gens au-delà de mes attentes », dit Stéphane Lapointe, attaché au projet depuis qu’il a dirigé Éric Bruneau sur le plateau de la quatrième saison de Faits divers. Dès la première lecture, le réalisateur dit avoir aimé les textes « sexy et punchés ».

« J’ai eu peur que ce soit une série trop dark et trop nichée », confie néanmoins Kim Lévesque-Lizotte.

Heureusement, le public a compris qu’Avant le crash n’est pas une « incursion dans le monde de la finance », bien qu’il soit question d’argent. La série pose plutôt les questions suivantes : qu’est-ce que réussir sa vie ? À quel prix faut-il viser toujours plus haut ? « Courir après la reconnaissance, tout le monde vit ça », lance Kim Lévesque-Lizotte. « C’est un thriller existentiel », renchérit Stéphane Lapointe.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Le réalisateur Stéphane Lapointe

Un casting de catégorie A

Pour ceux qui n’ont pas encore vu Avant le crash, sachez que la série nous tient en haleine afin de savoir pourquoi le personnage de Marc-André (Éric Bruneau) s’est fait casser la gueule après être allé travailler pour la firme Olstrom — et après avoir prôné la simplicité volontaire pendant des années — avec ses amis Patrick (Mani Soleymanlou) et François (Émile Proulx-Cloutier). Ce dernier est en couple avec Évelyne (Karine Vanasse), qui précipitera son retour de congé de maternité.

La distribution de haut calibre a révélé le talent de Benoit Drouin-Germain, qui tient le rôle de Vincent (qui a quitté la finance pour devenir fonctionnaire après une dépression), et celui de la jeune Irlande Côté, qui incarne sa belle-fille.

Après des rôles dans M’entends-tu et Toute la vie, Marie-France Marcotte a été fort heureuse d’apprendre qu’elle avait obtenu celui de Dominique. « J’ai pleuré de joie quand mon agente m’a appelée », raconte-t-elle.

« Je ne te l’ai jamais dit, mais j’ai écrit le rôle en pensant à toi ! lui lance Kim Lévesque-Lizotte.

— Bien voyons, ce n’est pas vrai ! »

Quand elle a accepté de jouer Dominique, Marie-France Marcotte n’avait toutefois lu que les deux scènes de son audition, dont celle « de la cuisse » avec Éric Bruneau.

Par la suite, elle a craint que le public l’associe trop à son personnage d’avocate cassante.

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Marie-France Marcotte

Mais je me suis dit : ‟Marie-France, fais ta job de comédienne.” C’était intéressant d’aller dans les zones d’ombre de l’être humain.

Marie-France Marcotte

Lors de notre entretien, l’actrice n’avait pas vu les deux derniers épisodes, pendant lesquels toute l’humanité et toute la sensibilité de son personnage finissent par percer la façade…

À travers ce que vivra Dominique (on vous garde la surprise), Kim Lévesque-Lizotte expose le fait que les femmes paient souvent leurs erreurs plus cher que les hommes. Quant à la relation de l’avocate avec Marc-André, de 20 ans son cadet, elle démontre les limites du donnant-donnant. « Au départ, leur rapport est transactionnel. Mais les deux se font prendre dans leur propre piège. Lui n’aime pas avoir des comptes à rendre alors qu’elle perd le contrôle. […] Personne n’en sort gagnant. »

Comme Dominique, tous les personnages d’Avant le crash « passent du meilleur au pire », poursuit Kim Lévesque-Lizotte. « Comme dans la vie, les personnages prennent des bonnes et des mauvaises décisions […], ils font des choses légales, mais pas morales. »

Une série de son époque

C’est avec beaucoup de nuances qu’Avant le crash aborde des sujets chauds de notre époque. Citons la scène où un patron (incarné avec brio par Guy Nadon) emploie le mot qui commence par N et où tous les gens autour de la table figent avec impuissance. « C’est tellement juste, cette scène-là : de voir tout le monde mal à l’aise », souligne Marie-France Marcotte.

Dettes, séparations et délits d’initiés : Avant le crash aurait pu donner l’impression sur papier d’aborder trop de problématiques, mais tout s’imbrique avec finesse. Aurait-il toutefois fallu garder quelques intrigues pour la deuxième saison, dont on attend toujours l’aval officiel de Radio-Canada ? « C’est difficile d’ajouter de nouveaux personnages, car il y en a déjà beaucoup », répond Kim Lévesque-Lizotte.

Mais surtout : le délai d’écriture est serré alors qu’Éric Bruneau et elle ont mis cinq ans à attacher chaque ficelle de la première saison pour que le scénario soit le plus crédible qui soit.

Que nous réserve la suite ? « Il y a du beau dans la finance, fait savoir Kim Lévesque-Lizotte. Des gens investissent à la bonne place et il y a des bâtisseurs qui veulent faire avancer la société. »

L’épisode final est diffusé ce lundi, 21h, à ICI Radio-Canada Télé