Des années 1960 aux années 1990, le Gang de l’ouest a mené le trafic de cocaïne à Montréal et en a fait un relais incontournable pour l’approvisionnement du marché américain. Les rois de la coke de Julian Sher raconte comment des voleurs de banque irlandais sont devenus des caïds qui avaient même infiltré la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

On ne pense pas spontanément à la pègre irlandaise lorsqu’on évoque le crime organisé à Montréal, plutôt à la mafia italienne et aux motards criminels. L’organisation aurait en effet perdu des plumes depuis les arrestations menées dans la foulée de l’opération Loquace, il y a 10 ans. Or, il fut un temps où le Gang de l’ouest en menait très large en ville.

Les rois de la coke, réalisé par Julian Sher, un ancien producteur de The Fifth Estate à CBC, rappelle les années de gloire de ce clan criminel étroitement associé à la communauté irlandaise du sud-ouest de Montréal. Des années marquées par des vols audacieux, des meurtres brutaux et un culot qui a même étonné des policiers américains affectés à la lutte antidrogue.

Le documentaire d’un peu moins de 90 minutes, coproduit par Urbania et présenté sur Crave à compter du 7 novembre, débute par le meurtre de l’avocat criminaliste Sidney Leithman, en mai 1991. Il était bien connu des policiers, pour reprendre l’expression consacrée : il représentait la mafia, les cartels colombiens et était si proche de la pègre irlandaise que Frank « Dunie » Ryan lui avait offert une bague de Claddagh en gage d’amitié.

PHOTO TIRÉE DU DOCUMENTAIRE LES ROIS DE LA COKE

Frank « Dunie » Ryan, sur les petites photos, a été la tête dirigeante du Gang de l’ouest.

Ce meurtre est le prétexte d’un retour vers des années fort mouvementées, celles où certains qualifiaient Montréal de ville « la plus criminelle d’Amérique du Nord ».

Dans les années 1960 et 1970, la métropole est en effet aux prises avec de sérieux problèmes de vols de banque, qui en ont fait la « capitale du hold-up » en Amérique.

La pègre irlandaise est très active sur ce terrain-là. « On pouvait voler trois banques par semaine », résume un ancien membre du Gang de l’ouest dans Les rois de la coke. C’est aussi l’époque des policiers durs à cuire comme Robert « Shotgun » Ménard et André Savard, qui est interviewé dans le documentaire et qui avait mené la charge contre les auteurs du spectaculaire « vol de la Brink’s » pendant lequel, en 1976, près de 3 millions ont été dérobés dans un fourgon blindé.

De grandes ambitions

Le Gang de l’ouest, mené à l’époque par Frank « Dunie » Ryan, ne se limite pas aux braquages. L’organisation est ambitieuse et, notamment grâce au contrôle qu’elle exerce sur le port de Montréal, deviendra un acteur majeur dans l’importation et la redistribution de cocaïne au Canada et aux États-Unis, rappelle le documentaire.

L’envie de s’imposer dans un rôle majeur se manifeste d’autant plus sous la direction d’Alan Ross, qui, dans les années 1980, se met à faire affaire directement avec des cartels colombiens. Du jamais-vu pour une organisation criminelle montréalaise à l’époque, souligne un policier américain alors affecté à la lutte antidrogue.

Les faits d’armes du Gang de l’ouest sont impressionnants. Or, Les rois de la coke se garde bien de glorifier ces criminels.

Cette distance critique se manifeste entre autres par l’exposition directe de la brutalité de ces gangsters. Les archives visuelles utilisées par le documentariste sont souvent crues et sanglantes : c’était l’époque des journaux comme Allô Police et Photo Police, qui se consacraient aux affaires criminelles, mais les images des chaînes de télévision sont aussi très percutantes.

Le documentaire s’achève sur l’enquête journalistique et policière qui a mené à la découverte du policier corrompu de la GRC qui facilitait les affaires des gangsters et semblait s’assurer que les policiers piétinent. L’appât du gain et la soif de pouvoir, comme on l’a aussi vu lors de la commission Charbonneau, peuvent faire sombrer n’importe qui.

Les rois de la coke, sur Crave, dès le 7 novembre