L’équipe de tournage de Haute démolition a recréé un comedy club du Plateau Mont-Royal lundi après-midi, pour l’adaptation du plus récent roman de Jean-Philippe Baril Guérard au petit écran. La Presse a rencontré le prolifique auteur et quelques-uns des artisans de cette série attendue l’hiver prochain à Séries+.

À notre époque de scandales et de nouvelles en série, l’actualité rattrape toujours la fiction. « Le matin où l’histoire de Philippe Bond est sortie dans La Presse, je tournais une scène avec le personnage de Sam, un humoriste populaire accusé d’agression sexuelle qui doit se retirer de la vie publique ! », raconte le réalisateur Christian Laurence, sur le plateau de sa prochaine série, Haute démolition.

Est-ce que la production sera obligée de diffuser un avertissement ? « Toute ressemblance avec des personnages existants serait purement fortuite. » « Je l’ai vécu avec Manuel de la vie sauvage, car la réalité de l’intelligence artificielle nous a aussi rattrapés. Jean-Philippe est comme un devin. Il a une capacité de saisir le Zeitgeist, l’air du temps. »

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Christian Laurence, réalisateur de la série Haute démolition

Après Manuel de la vie sauvage et le monde des start-up, Christian Laurence collabore donc pour la deuxième fois avec Baril Guérard en réalisant l’adaptation du quatrième roman du prolifique écrivain et metteur en scène de 33 ans. La télésérie, dont le tournage se terminera à la fin du mois d’août, mettra en vedette Étienne Galloy et Léane Labrèche-Dor dans les rôles principaux du couple formé de Raph et Laurie. Ils seront entourés d’Irdens Exantus, Guillaume Gauthier, Carolanne Foucher et plusieurs autres jeunes interprètes.

Sexe, drogue et stand-up

Haute démolition s’intéresse aux coulisses du milieu de l’humour. Avec ses hauts et ses bas, ses moments de gloire et ses excès, sa collégialité et ses trahisons. En particulier, on aborde la montée rapide de jeunes humoristes propulsés vers le succès populaire, à leur sortie de l’École de l’humour. Avec en toile de fond une histoire d’amour qui finit dans la vengeance.

Raph, un humoriste de la relève dont la carrière ne décolle pas suffisamment à son goût, tombe amoureux de Laurie, de 10 ans son aînée, qui travaille dans une agence, mais rêve de devenir autrice en humour. L’une manque de courage, l’autre de contenu. Le mariage professionnel et personnel parfait. Trop pour être durable ?

L’auteur s’est inspiré du film Marriage Story pour exposer la dynamique d’un couple d’artistes qui travaillent ensemble, mais dont les rôles ne sont pas équitables. Dans Haute démolition, la femme a beaucoup plus d’instinct comique que son chum. Or, l’humour reste un bastion masculin : « Faire rire est une arme de séduction. C’est très lié à l’identité masculine. Il y a encore aujourd’hui un tabou avec les femmes très drôles : c’est intimidant pour un homme », estime Baril Guérard, qui a assuré la mise en scène d’un spectacle à Juste pour rire, en 2018.

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L’auteur Jean-Philippe Baril Guérard et le réalisateur Christian Laurence

Si la parité en humour est loin d’être comparable à celle du théâtre contemporain, par exemple, le dramaturge ne juge pas pour autant ce milieu. « L’humour ne s’impose à personne au Québec. Sa popularité est réelle et naturelle. Les humoristes ne pilent pas sur la nouvelle danse ou le théâtre de création », dit celui dont la prochaine pièce, Vous êtes animal, sera créée au Quat’Sous en janvier prochain.

D’ailleurs, Baril Guérard collabore avec la scénariste et humoriste Suzie Bouchard aux dialogues des numéros de stand-up dans la série. Le jour du passage de La Presse, la production se trouvait dans un bar transformé en comedy club, comme Le Bordel ou Le Terminal.

Dans la peau de Raph, Étienne Galloy est ravi de pouvoir explorer toute sa « palette d’acteur comique et dramatique ». Pour se préparer, l’acteur de 25 ans a consommé beaucoup d’humour et a peaufiné quelques gags devant le public du Bordel. « Je sors totalement de ma zone de confort avec ce personnage très pervers et narcissique, un rôle, bien sûr, très loin de moi », dit le comédien qui a commencé à jouer à 12 ans.

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Étienne Galloy et Léane Labrèche-Dor sont les vedettes de la série Haute démolition.

Pour sa part, Léane Labrèche-Dor, qui joue Laurie, connaît bien « l’univers de Baril Guérard » au théâtre et en littérature. Elle apprécie l’humanité de son écriture.

Avec lui [Jean-Philippe Baril Guérard], ce n’est jamais ni tout à fait noir ni tout à fait blanc. On est dans les nuances. Les personnages ne sont pas juste bons ou juste mauvais. Ils ont des failles énormes et de grandes qualités.

Léane Labrèche-Dor, interprète de Laurie

D’une œuvre à l’autre, peu importe leur milieu (le droit, l’informatique, la culture), les personnages de Jean-Philippe Baril Guérard ont des ego hypertrophiés. Comme Laurie le dit dans le roman : « Les ego, c’est comme des ballons gonflés à l’hélium : plus ils sont gros, plus ils sont fragiles. »

« C’est très shakespearien, l’univers de Jean-Philippe, explique Christian Laurence. Les personnages vivent de grandes tragédies. Ils sont tous un peu esclaves de leurs ambitions, de leurs pulsions. Et finissent par tout écraser sur leur passage pour arriver à leurs fins. »

« Quand j’écris un roman ou une pièce, je ne suis pas préoccupé par l’originalité, ajoute l’auteur. Je veux juste que ça soit efficace. Et il n’y a pas mille et une façons d’écrire une bonne histoire. C’est plus intéressant dramatiquement un personnage avec des défauts, des travers, de graves carences. Le lecteur peut se réconforter en se disant que sa vie n’est pas si terrible, finalement. »

Produite par KOTV, Haute démolition comprendra six épisodes et sera diffusée l’hiver prochain à Séries+.