Plus que jamais, la pandémie perturbe les plateaux de télé. Au cours des dernières semaines, des cas de COVID-19 ont forcé l’arrêt des tournages de nombreuses séries, comme Alertes, Ma mère, L’empereur et Indéfendable.

En juin, le producteur Michel d’Astous a été contraint de suspendre les tournages du drame psychologique Ma mère lorsqu’un acteur a obtenu un test positif au coronavirus. Attendue à l’automne sur TVA, la série mettant en vedette Chantal Fontaine brosse le portrait d’une femme qui reçoit un diagnostic de bipolarité à 58 ans, alors qu’elle termine un séjour en prison.

Compte tenu des règles en place voulant qu’un comédien qui contracte la COVID-19 s’isole pendant 10 jours suivant l’apparition des premiers symptômes, la production s’est arrêtée pendant près d’une semaine. Même le réalisateur François Bouvier (Ruptures, 30 vies) serait tombé malade.

Cette interruption a causé des maux de tête à Duo Productions, la boîte derrière Ma mère. Notamment pour une question d’argent.

« Quatre jours à reprendre, ça monte une facture », indique Michel d’Astous, qui signe également les textes du feuilleton avec Anne Boyer. « Des fictions d’une heure en bas de 40 000 $ par jour, je n’en connais pas beaucoup. »

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

Tournage de Ma mère, nouvelle série des auteurs Anne Boyer et Michel d’Astous

Heureusement, le fonds gouvernemental qui permet de couvrir les frais d’arrêt de tournage d’une série télévisée ou d’un film en raison d’infections coronavirales existe toujours.

La gestion des horaires a également compliqué l’opération report de Duo Productions, surtout en période de pénurie de main-d’œuvre. « Je veux bien repousser les tournages, mais nos comédiens sont engagés ailleurs après. Les techniciens aussi… La semaine dernière, on a fait venir un perchiste de Québec pour deux jours parce que notre perchiste avait testé positif et qu’il n’y avait personne de disponible à Montréal. Ce n’est pas simple », témoigne Michel d’Astous.

« Ça tombe comme des mouches ! »

Outre Ma mère, L’empereur fait également partie des séries ayant connu une pause forcée récemment. Nouvelle offrande de Michelle Allen (Fugueuse, L’Échappée) que Noovo diffusera l’hiver prochain, elle retrace l’ascension d’un agresseur et montre comment ses victimes triment pour qu’éclate la vérité.

« J’ai vraiment dû arrêter mon tournage pendant plusieurs jours », nous confirme la productrice Sophie Deschênes (Sovimage) au téléphone.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

Tournage de la série Ma mère

La septième vague de COVID-19 qui frappe le Québec touche grandement la production audiovisuelle, commente Mme Deschênes.

« Aucune production n’y échappe. Il y a tellement de cas partout. Sur mes productions, ça tombe comme des mouches ! », révèle celle qui vient aussi de gérer les tournages d’Avant le crash pour Radio-Canada et d’Hôtel pour TVA.

Anna et Arnaud, Alertes, Contre-offre et Indéfendable, la nouvelle quotidienne de TVA, sont également tombées momentanément au combat, affirme Nicola Merola, président de Pixcom.

Le retour du masque

Pour freiner cette hécatombe, la plupart des producteurs ont rendu le port du masque obligatoire au travail. Fabienne Larouche, Michel Trudeau et Guillaume Lespérance, qui viennent d’entamer le tournage de Stat, la fiction médicale qui succédera à District 31 en septembre sur ICI Télé, ont notamment adopté cette stratégie.

Il s’agit de normes plus restrictives qu’ailleurs puisqu’au printemps, le gouvernement du Québec a laissé tomber l’ensemble des mesures sanitaires.

La Santé publique n’exige plus le port du masque, mais ce n’est pas réaliste de penser qu’on peut demander à 30-40 personnes d’être ensemble pendant 32 jours sans qu’il y ait d’éclosion.

Michel d’Astous, producteur

« La vie à l’extérieur a repris, et les variants sont clairement très contagieux », note Nicola Merola.

« S’il n’y avait pas de masques, honnêtement, les éclosions augmenteraient de manière assez exponentielle, estime Sophie Deschênes. Parce qu’en 2020 et en 2021, les gens rentraient directement chez eux après leur journée au travail. Personne n’avait de party la fin de semaine. Personne ne voulait attraper la COVID parce que tout le monde en avait une peur bleue. Aujourd’hui, l’esprit a changé. »

Le pire à venir ?

La crise que traversent actuellement les productions en tournage fait craindre le pire pour l’automne, notamment en raison du retour en classe.

Directrice principale des productions originales chez Urbania, Annie Bourdeau a récemment bouclé le tournage d’une nouvelle fiction intitulée L’air d’aller, que Télé-Québec compte présenter dès janvier 2023. Bien qu’aucune interruption de tournage n’ait touché sa série, la productrice appréhende la suite.

« J’en parle, et je n’ai pas hâte d’y être. C’est un enjeu majeur présentement. »

Même son de cloche chez Myriam Verreault. La réalisatrice de 5e Rang, qui reprendra le collier dans près d’un mois, a récemment contracté la COVID-19 alors qu’elle tournait, en tandem avec Brigitte Poupart, le court métrage Until We Die, produit par Voyelles Films.

« J’ai fait 120 jours de tournage en pandémie sans l’attraper une seule fois », précise Myriam Verreault en entrevue.

C’était mon premier tournage sans masque en deux ans. J’étais super contente de tourner sans. J’avais un sentiment de liberté. Mais deux jours plus tard, boum ! J’étais positive.

Myriam Verreault, réalisatrice

« Ce n’est pas l’été facile auquel on s’attendait », poursuit-elle.

L’incertitude n’a pas fini de planer sur l’industrie télévisuelle.

« Chaque matin, à 8 h 15, je pense : ‟Oh, my God… Est-ce qu’on fait notre journée ?” résume Michel d’Astous. Tourner une série actuellement, c’est un peu jouer à la roulette russe. »