La série This Is Pop se questionne sur le phénomène musical

T-Pain a-t-il « tué » la musique pop en abusant du logiciel Auto-Tune ? Comment la Suède est-elle devenue le principal atelier des tubes occidentaux depuis 50 ans ? Comment la contre-culture américaine a-t-elle donné naissance à l’industrie des festivals ? La sérieThis Is Pop, diffusée sur Netflix, pose ces questions et bien d’autres encore dans huit épisodes fouillés.

On ne s’étonne pas d’apprendre que Paul McCartney et John Lennon occupent la première et la deuxième position des auteurs-compositeurs possédant le plus grand nombre de numéros 1 au palmarès Billboard. Qui les talonne ? Un artisan de l’ombre, qui a écrit, composé et réalisé des dizaines de chansons pour les plus grandes vedettes pop des deux dernières décennies.

Il s’appelle Max Martin et, seul ou avec d’autres, il est derrière… Baby One More Time, de Britney Spears, I Kissed a Girl et plusieurs autres tubes de Katy Perry, Blinding Lights, de The Weeknd, Can’t Stop the Feeling, de Justin Timberlake, et la récente My Universe, de Coldplay et BTS. Il n’est pas seul dans sa catégorie, depuis I Want It That Way, des Backstreet Boys, une quantité phénoménale de succès des 25 dernières années ont été écrits par des Suédois comme Denniz Pop, Andreas Carlsson, Rami Yacoub, Per Magnusson ou Kristian Lundin.

Ce phénomène est creusé dans le troisième épisode This Is Pop, série documentaire de huit épisodes produite par Banger Films (Metal : A Headbanger’s Journey, Hip-Hop Evolution, etc.), une boîte torontoise qui se distingue par son approche anthropologique. Ses films et ses émissions cherchent à mettre en contexte les phénomènes musicaux, qu’il s’agisse de K-Pop ou de country, pour en raconter les conditions d’émergence et les impacts sociaux.

Des phénomènes à décortiquer

This Is Pop, qui est offert en anglais avec des sous-titres en français, adopte une fois de plus ce regard terre à terre, peu porté sur l’hagiographie. Dans le premier épisode, la série s’intéresse à l’usage d’Auto-Tune, un logiciel de correction vocale qui a été détourné pour devenir une signature sonore controversée. T-Pain, qui l’a abondamment utilisé au début des années 2000, a été ni plus ni moins accusé d’avoir « tué » la musique pop en abusant d’effets qui, selon ses critiques, dépouilleraient la voix de son humanité. L’épisode consacré à Auto-Tune va à la rencontre du créateur du logiciel et montre l’influence gigantesque qu’il a eue sur la musique des 20 dernières années.

Alors que la boîte de production a l’habitude de se concentrer sur un genre ou un artiste à la fois, This Is Pop ratisse large : il est question d’ABBA, de Boys II Men, de musique country, des fabricants de tubes du Brill Building (dont Neil Sedaka, qui se décrit comme le « Justin Bieber des années 1950 ») et de l’émergence des festivals musicaux.

La réalisation n’est pas toujours heureuse (l’épisode sur la musique country est inutilement kitsch), mais le regard est toujours intelligent.

This Is Pop se démarque par son approche dénuée de préjugés – un peu comme la série Music Box de HBO, qui s’intéressait notamment à Kenny G. Il n’y a visiblement pas de bonne ou de mauvaise musique aux yeux de ses artisans. Que des phénomènes culturels à décortiquer et à inscrire dans la grande histoire de la musique. Une préoccupation qu’on sentait déjà dans les premiers films de Sam Dunn (Metal : A Headbanger’s Journey et Global Metal), l’un des fondateurs de la boîte de production canadienne.

PHOTO FOURNIE PAR SÉVILLE

Sam Dunn (à droite) est l’un des fondateurs de la boîte de production Banger Films.

L’épisode 6 s’intéresse notamment à l’industrie des festivals, née dans la foulée du Monterrey Pop Festival de 1967, symbole de la contre-culture (l’idée de l’évènement est venue du revendeur de drogue du groupe The Mamas and the Papas, dit Michelle Philipps), et qui est aujourd’hui dominée par le plus symbolique d’entre tous : le Glastonbury Festival, lancé en 1970 par un agriculteur anglais qui, à sa première édition, offrait une bouteille de lait à chaque spectateur. On est loin de Coachella et d’Osheaga…

En guise de finale, This Is Pop pose une question particulièrement intéressante : la musique peut-elle changer le monde ? Alors que Julian Lennon vient de faire paraître sa version d’Imagine, message de paix écrit pas son père il y a 50 ans, Chuck D, Public Enemy, Hozier et le militant folk-punk Billy Bragg sont appelés à la barre pour réfléchir sur la musique engagée.

This Is Pop, dès maintenant sur Netflix