Birgitte Nyborg est de retour ! La série danoise Borgen : le pouvoir et la gloire arrive le 2 juin sur Netflix pour une quatrième saison. Près de 10 ans après les derniers épisodes, l’ancienne chef de gouvernement du Danemark et mère de deux enfants est maintenant ministre des Affaires étrangères prise dans une crise internationale. Comment arrive-t-on à concilier la vie de famille et la carrière politique ? Des politiciennes répondent.

La série Borgen, une femme au pouvoir a eu un succès international de 2010 à 2013 ; elle a été diffusée dans près de 190 pays. Le personnage de première ministre danoise Birgitte Nyborg a marqué les esprits, car la série montrait avec justesse les conflits, tiraillements et sacrifices qui existent quand on est une mère et qu’on mène une vie politique intense.

Il s’agit d’un portait juste de la réalité, croit l’ex-députée Liza Frulla. « Dans toutes les grandes carrières, il y a des sacrifices, lance celle qui a été ministre sur la scène provinciale et fédérale. On travaille le soir, le week-end, il faut s’organiser. En politique, la différence, c’est que tu gères l’éloignement à long terme, car systématiquement, tu n’es pas là. »

Et même quand les enfants sont adolescents ou jeunes adultes, comme dans la quatrième saison de Borgen, les sacrifices demeurent. « J’ai manqué le bal de graduation de mon fils, la peine de ma vie, en 1990 au moment du lac Meech, confie celle qui est désormais directrice générale de l’ITHQ. On a tous été assignés au parlement. Ce sont des moments que tu ne peux pas reprendre. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Liza Frulla

C’est perdu à vie. Quand tu es en politique, il y a une passion qui t’habite, mais tu ne penses pas à ces choses-là, tu penses à l’organisation du quotidien, mais ce sont les exceptions qui font mal, tous ces moments que tu perds et qui ne reviennent plus.

Liza Frulla, ex-députée

Véronique Hivon est devenue députée de Joliette le 8 décembre 2008 et quelques jours plus tard, elle s’envolait pour le Viêtman pour y adopter sa fille. « Ce n’était pas prévu comme ça, les débuts ont été difficiles », confie-t-elle. Mais même après 14 ans de vie politique, elle ne regrette aucun moment, malgré les sacrifices et la culpabilité. « On arrive à trouver un équilibre. J’ai fait tout mon possible pour être présente dans les moments importants de la vie de ma fille, quitte à faire 5 heures de route pour assister à 20 minutes de spectacle de Noël ! », se rappelle-t-elle.

Une organisation constante

« Je ne voulais pas avoir le sentiment d’être passée à côté de ma vie de mère parce que j’ai fait le choix de la politique, alors on fait des folies pour pouvoir concilier les deux », souligne Véronique Hivon.

Photo Mike Kollöffel, fournie par netflix

Birgitte Nyborg a toujours la passion pour la politique dans la prochaine saison de Borgen.

Celle qui a été ministre de 2012 à 2014 pense que la politique n’est pas simplement un travail, mais une vie. « Il faut que ce soit un projet familial. On a tous vécu à la fois à Québec et à Joliette, et l’organisation familiale est un défi de tous les instants. J’ai organisé ma vie de manière très serrée pour que ma fille ne me considère pas comme une étrangère et qu’on ait une relation complice. Il faut y mettre l’énergie pour que tout ne vole pas en éclats. »

Un avis que partage la présidente du Conseil du trésor et ministre, Sonia LeBel. « Il faut mettre de l’énergie pour tout concilier, et la famille doit être en accord avec ce qu’on fait, car c’est difficile de ne pas être à la maison », dit celle qui partage sa vie entre Québec, Belœil et Champlain, sa circonscription. « Je fais des devoirs de mathématiques par FaceTime, ça demande de l’adaptation », ajoute-t-elle.

Sonia LeBel confie avoir réfléchi pendant huit mois avant de se lancer en politique, car elle avait déjà connu un mandat très prenant, celui de procureure en chef de la commission Charbonneau. « J’ai vécu une séparation pendant la commission, mes enfants étaient jeunes et aujourd’hui, c’est mon conjoint, le beau-père de mes enfants, qui assume les tâches quand j’ai les enfants une semaine sur deux (ils ont 16 et 19 ans), car je suis à Québec à plusieurs moments. Ça fait partie de ma culpabilité, c’est un tiraillement constant, mais on trouve des solutions », explique la ministre.

PHOTO PASCAL RATTHÉ, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Sonia LeBel

Quand je suis au travail, j’ai l’impression de manquer des choses de ma vie de famille, et quand je prends du temps avec ma famille, j’ai l’impression que je devrais être en train de travailler, je suis constamment tiraillée entre mes deux univers et je n’arrive jamais à être à 100 % dans l’un et dans l’autre.

Sonia LeBel, présidente du Conseil du trésor et ministre

La professeure de sociologie de l’UQAM Francine Descarries rappelle que le monde politique a été pensé pour des hommes qui avaient des femmes à la maison qui s’occupaient des enfants. « La présence des femmes a bouleversé tout ça. C’est possible d’y arriver, mais c’est la course contre la montre. Je dis toujours que les femmes ont réussi leur entrée dans la vie politique et publique, mais les hommes n’ont pas encore réussi leur entrée dans la vie domestique. »

La sociologue ajoute que les études montrent que les femmes font leur choix de carrière en pensant aux conséquences pour la famille, alors que la proportion d’hommes qui réfléchit de cette façon est minoritaire. Pourquoi ? « Parce qu’il est considéré comme naturel pour une mère de s’occuper des enfants, pense-t-elle. La société nous envoie encore le message qu’on est assignées à la maternité. C’est tellement ancré dans nos mentalités. »

Humaines avant tout

La série Borgen a-t-elle changé le regard que nous avons sur les femmes en politique ? « Oui. Il y a 10 ans, la présence de ce modèle de femme forte à la télévision était importante, et ça aurait même eu une certaine influence sur la nomination d’une première femme première ministre au Danemark [Helle Thorning-Schmidt, élue de 2011 à 2015] », estime Francine Descarries.

  • La comédienne Sidse Babett Knudsen incarne Birgitte Nyborg.

    PHOTO MIKE KOLLÖFFEL, FOURNIE PAR NETFLIX

    La comédienne Sidse Babett Knudsen incarne Birgitte Nyborg.

  • Après avoir été première ministre, Birgitte Nyborg est ministre des Affaires étrangères.

    PHOTO MIKE KOLLÖFFEL, FOURNIE PAR NETFLIX

    Après avoir été première ministre, Birgitte Nyborg est ministre des Affaires étrangères.

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Véronique Hivon et Sonia LeBel pensent que la série a humanisé la perception qu’on a des femmes qui font de la politique. « On vit des déchirements, mais il y a aussi le bonheur de faire de la politique et de se sentir utile, ce qui est très bien évoqué dans la série », indique Véronique Hivon.

« Cette série a fait du bien parce qu’elle montre que nous sommes des humaines avant tout. Avant d’être ministre ou députée, je suis une femme, une mère, une conjointe, une amie », rappelle Sonia LeBel.

Borgen montre aussi à quel point la politique peut être envahissante. « Si tu ne mets pas de limites, tu peux travailler sept jours sur sept, car il y a toujours des dossiers, des rencontres. Mais on souhaite avoir des députés qui ont une vie équilibrée », pense Véronique Hivon.

« Il faut décider de prendre du temps pour soi, car l’organisation autour de nous va nous envahir en tout temps. C’est normal, il y a tant à faire, mais on doit mettre l’équilibre à l’agenda ! », conclut Sonia LeBel.

Borgen, une femme au pouvoir, sur Netflix dès le 2 juin