Marjo-Amoureuse, l’émission que Télé-Québec consacre à la rockeuse le 8 mars, célèbre une œuvre qui continue, 35 ans après la parution de son premier album solo, d’agir comme un vent qui peut tout changer.

Le contraste a inévitablement quelque chose d’amusant : vêtue d’un pantalon en cuir (ou de ce qui y ressemble beaucoup) et d’une veste en fourrure (ou de ce qui y ressemble beaucoup), Marjo entre dans l’ancienne église (!) du village estrien de Saint-Adrien, aujourd’hui convertie en centre de création par Pilou (Pierre-Philippe Côté) et son équipe.

« Quessé que je suis venue faire icitte moé ? » demande la belle bohémienne de 68 ans. Réponse : ce qu’elle sait faire de mieux. « De la musique », laisse-t-elle tomber en riant pendant un des segments d’entrevue intercalés entre la dizaine de performances – certaines électrifiées, d’autres dépouillées – que regroupe cette émission spéciale, qui n’est pas diffusée à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes pour rien.

« Je suis une autrice-compositeure-interprète. Je l’ai toujours été, mais je n’ai jamais insisté. Maintenant, ça se sait et ça me fait plaisir », confie à la caméra l’ancienne Corbeau avant un segment réunissant Stéphanie Boulay, Lou-Adriane Cassidy et Salomé Leclerc, dans une superbe relecture acoustique de Tant qu’il y aura des enfants, un hymne au courage dont il faut s’armer face à l’adversité.

Au cours de cette heure de rock pur ou adouci, Marjo nous emmène donc là où ça sent l’amour, odeur grisante que finissent par revêtir tous les endroits – bars karaoké ou anciens lieux de culte – où résonnent ses succès. C’est « vraiment une leçon de liberté de l’humain, de la nature, de la musique, de l’amour », observe Guylaine Tanguay au sujet de l’immortelle Chats sauvages, avant d’en entonner une jolie variation country avec son idole.

La chose aura rarement été aussi évidente que dans ces calmes versions conçues comme des écrins pour les textes de l’autrice-compositrice injustement sous-estimée : toutes les chansons de Marjo jasent à leur manière d’amour et de liberté. De l’amour qui étouffe s’il n’est pas libre, et de la liberté qui n’est jamais totale si l’amour – l’amour de la vie, pas forcément l’amour romantique – ne lui insuffle pas sa lumière.

PHOTO PASCAL RATTHE, ARCHIVES LA PRESSE

Marjo, sur scène à Québec, en septembre 2019.

Toutes ces femmes en elle

Amour : le temps de deux chansons, Marjo renoue pour la première fois en plus de 20 ans avec son ancien chum et partenaire de création, Jean Millaire, dont la guitare a toujours su traduire la mélancolie que les mots de sa muse tentent de chasser. Cette émission mérite le détour, ne serait-ce que pour voir Marjo être submergée par l’émotion pendant leur interprétation de Doux.

S’il est touchant d’épier ce bref moment de grâce et d’intimité, c’est pourtant en général parce que Marjo a le pouvoir de s’effacer, et d’incarner en quelque sorte toutes les femmes, que son répertoire demeure aussi fort. Au cœur de son répertoire, Marjo est à la fois la poète et la mannequin, la fashionista et la punk, l’amante volage et l’amoureuse éconduite, celle qui doute et celle qui va, l’indomptable effrontée et la grande sensible. Une somptueuse version de S’il fallait, qu’elle chante dans le jubé de l’église avec violon et violoncelle, lui arrache quelques larmes, et à nous aussi. « Marjo représente la liberté, l’émancipation, la force de caractère », résume Stéphanie Boulay.

« J’vas vivre ma vie comme j’l’ai déjà rêvé », proclame quant à elle Lou-Adriane Cassidy en chœur avec la vétérane dans Amoureuse, un refrain carpe diem qu’il serait aisé de lire comme une ode féministe. Les deux fougueuses femmes ont beau être séparées par près de 45 années, la jeune chanteuse de 24 ans sait pertinemment, comme tous les fans de la provocante icône, qu’il n’est jamais trop tôt, ni trop tard, pour embrasser ce vent qui donne le goût de s’affirmer : le vent que fait souffler Marjo partout où elle passe.

Marjo-Amoureuse, Télé-Québec, mardi à 20 h