En enfilant les patins de la championne olympique Frédérique Lessard dans la série Virage, Charlotte Aubin a relevé le plus grand défi de sa carrière, avec sérieux et intensité. Rencontre avec une comédienne de fond.

Quand on lui demande si elle se sentait prête à porter une série sur ses épaules, Charlotte Aubin sourit. « C’est ça qui se passe, hein ? On dirait que je ne le réalise pas encore… Je suis comme : ben non, ils sont très bons, tous les autres ! »

Mais pour répondre à la question : non seulement elle se sentait prête, mais elle en avait aussi envie. « Je pense que j’étais rendue là. J’avais le goût de prendre soin de l’équipe, des textes, des gens, de ce personnage, de cette histoire. De le porter avec beaucoup de lumière. »

Dans Virage, qui est diffusée sur Noovo depuis la mi-septembre, Charlotte Aubin incarne Frédérique Lessard, une championne olympique de patinage de vitesse sur courte piste qui, à 28 ans, vient de prendre sa retraite et de rompre avec son compagnon des 10 dernières années. Revenir dans la vie réelle sera un processus plein d’obstacles, mais Charlotte Aubin a bien compris le désarroi de son personnage, autant que la réalité des athlètes olympiques.

Moi, à 30 ans, je ne veux plus jamais faire autre chose de ma vie ! Je veux jouer, faire de l’art, écrire, j’ai l’impression que j’ai trouvé mon X. Et eux, à 30 ans, tout s’arrête. Mais comment tu te prépares à l’après quand tu es à 100 % dans quelque chose ? Je n’avais jamais compris ce dévouement total qu’ils ont.

Charlotte Aubin, à propos des athlètes olympiques

Une fois sortie de sa bulle sportive, Frédérique, « submergée par la vie » et sans outils pour « entrer dans le monde », agit pas mal comme une ado, constate la comédienne.

« Pendant que tout le monde vivait ses expériences, elle faisait juste patiner et s’arranger pour être la meilleure. Alors cette période exploratoire de l’adolescence, elle la vit là, à la fin de la vingtaine. Et c’est pas mal moins cute, mettons. »

Son objectif : donner à Frede de la profondeur pour qu’on s’y attache quand même et qu’on ait de l’empathie malgré ses faux pas, ses maladresses, son manque de respect. « Parce que des fois, c’est vraiment pas gentil… », explique la comédienne, qui s’est inspirée de personnages féminins imparfaits comme Frances Ha.

« Je trouvais que s’il n’y avait pas de candeur, ou si elle se rendait compte de ce qu’elle faisait, c’est là qu’elle devenait juste égocentrique et méchante. Mais il y a toujours une volonté de rattraper ses erreurs, qui fait en sorte qu’on a envie de la suivre là-dedans. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

La comédienne Charlotte Aubin, vedette de la série Virage

Se consacrer corps et âme

Télé (Blue Moon, L’échappée), cinéma (Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau), théâtre (Déterrer les os), poésie (un recueil, Paquet de trouble, publié en 2018), Charlotte Aubin aime se promener entre les médiums.

« Pour moi, ce sont des vases communicants », dit la comédienne, qui sera en décembre de la distribution du nouveau film de Ken Scott, Au revoir le bonheur, et qui jouera en janvier à La Licorne dans l’adaptation théâtrale de Deux femmes en or par Catherine Léger. « J’ai l’impression que tout est lié et que ça fait juste élever l’interprète que je veux être. »

Femme de mots et de paroles – « Ouin, je parle beaucoup, hein ? » –, Charlotte Aubin préfère réfléchir et analyser en amont, question d’être « dans l’instinct, libre, disponible et fresh » une fois sur le plateau. Bref, elle aime se préparer plus que moins, et avec Virage, elle a été servie. Entraînement de patinage intensif, long travail sur le texte avec la réalisatrice Catherine Therrien, Charlotte Aubin a consacré plus de six mois à cette série dont l’histoire est librement inspirée de la vie de la patineuse Marianne St-Gelais.

Je pensais juste entraînement, nutrition, texte, je parlais avec des athlètes. J’étais toujours en train de baigner dans ce monde-là.

Charlotte Aubin

C’est certainement le genre de projet immersif auquel rêve toute jeune comédienne. Elle en convient, c’était un gros morceau. « De l’action, du drame, du sport, une transformation physique… Quand tu es acteur, tu as le goût de te transformer jusque dans cette limite », nous dit Charlotte Aubin, qui a interprété elle-même la plupart des scènes de patinage, dont celles des départs. « Je pensais sans doute plus au personnage que je pensais à moi-même pendant le tournage. »

Tiens, de quoi voir une similitude avec ce que vivent les athlètes, justement, qui se consacrent corps et âme à leur sport.

« C’est vrai qu’il y a quelque chose de total. Un tournage, tu penses juste à ça, ça devient comme une bulle. Les gens avec qui tu travailles deviennent ta famille. Ce sont aussi des métiers très prenants, insécurisants par moments, où il y a une grande pression sur le corps, la performance. Je ne suis pas athlète, mais des fois, il y avait des zones émotives où je me disais : ah, je connais ça. »

« Tête d’affiche » ?

Charlotte Aubin est reconnaissante à Noovo d’avoir fait confiance à une actrice qui « n’est pas une tête d’affiche », et fière du résultat.

Le travail acharné qu’on a tous fait, on le voit à l’écran.

Charlotte Aubin

La comédienne espère maintenant que ce rôle pourra la propulser vers d’autres projets d’envergure.

A-t-elle continué à patiner ? « Non. Mais j’attends mon prochain sport, mon prochain défi, tu comprends ? » Disons… comme le saut à la perche ? « Name it, je suis prête ! » Elle rigole.

« Si je jouais encore une sportive, il faudrait que ce soit un autre genre. J’ai toujours rêvé d’incarner une boxeuse, à cause de Million Dollar Baby… J’ai été fascinée par ce film. Mais je veux toutes sortes de défis, jouer des jeunes premières très dignes et douces autant que des petites bums. Ça m’intéresse d’explorer toutes les facettes et à date, j’ai eu bien de la chance. On m’appelle pour des choses différentes. »

Pour l’instant, elle ne sait pas de quoi son année 2022 sera faite, mais elle fait confiance à la vie. « C’est un métier comme ça. On va finir 2021, et après on verra. Je n’ai pas peur et je pense que de belles choses vont arriver. Je le souhaite. » On n’a pas trop d’inquiétudes pour elle.

Virage, tous les mercredis à 20 h sur les ondes de Noovo, ou en rattrapage sur le site de Noovo