Entre sa vie familiale, son travail de représentant commercial et ses conjointes, la vie de Marc-Alexandre Moisan est réglée au quart de tour. Vous avez bien lu, ses conjointes, car il en a deux, voire trois, si on compte sa dernière flamme. Aucune ne se doute de l’existence des autres, jusqu’à ce qu’un accident révèle au grand jour la manigance. Non, ceci n’est pas une histoire vraie, mais celle de L’homme qui aimait trop, nouvelle série télévisée qui débarquera sur les ondes de Noovo en janvier 2022. La Presse a assisté à une journée de tournage.

Ce jour-là, sur la terrasse d’un luxueux hôtel du centre-ville, on tourne une scène clé. Geneviève (Fanny Mallette), conjointe depuis trois ans de Marc-Alexandre, fait la route de Magog à Montréal pour le surprendre. Le hic ? En ville, Marc-Alexandre est le mari de Josée (Hélène Florent).

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La comédienne Fanny Mallette durant le tournage de L’homme qui aimait trop. Elle joue le rôle de Geneviève, une orthopédagogue et mère de famille au grand cœur.

En retrait, Michel d’Astous, coauteur et producteur de la série avec sa fidèle partenaire d’écriture Anne Boyer (L’heure bleue, Mon fils, Yamaska), commente la scène : « Marc-Alexandre est totalement déboussolé par la rencontre de ces deux mondes. Il réussit à s’en sortir, cette fois, mais il sait qu’il vit sur du temps emprunté. »

Et il paiera ses dettes peu de temps après, lorsqu’un accident le clouera à un lit d’hôpital. Entre la vie et la mort, « ses » familles, précipitées à son chevet, découvriront le pot aux roses.

L’homme qui aimait trop est un projet « casse-gueule », assume totalement Michel d’Astous. Réalisée par Yves-Christian Fournier (Demain des hommes, Blue Moon I et II), la série se trouve quelque part entre le drame, le thriller et l’analyse sociologique.

Ce n’est pas tant le thème de l’infidélité — abondamment exploité au petit écran — que l’histoire souhaite aborder, mais celui du polyamour, concept qui intrigue le duo d’auteurs depuis des années.

« Dans mon entourage, on nous a raconté l’histoire d’un homme qui vivait avec deux familles. Lorsqu’il est décédé, les familles se sont rencontrées au salon funéraire, et ont constaté qu’il menait une double vie. Anne et moi, on s’est demandé : "Comment a-t-il pu faire ça techniquement et psychologiquement ?" », se souvient Michel d’Astous.

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Michel d’Astous, coauteur de la série avec sa fidèle partenaire d’écriture, Anne Boyer

Puis, la réflexion a évolué. Une seule personne peut-elle vraiment répondre à toutes nos aspirations ? Et s’il était possible d’aimer plusieurs personnes à la fois ?

« Aujourd’hui, les relations maritales ne traversent pas nécessairement toute une vie. On a plusieurs vies, plusieurs partenaires. La différence de Marc-Alexandre, c’est qu’il les vit en synchronicité. » Et en cachette, pourrait-on ajouter.

Mais ça ne fait pas de lui un coureur de jupons, insiste Michel d’Astous. Marc-Alexandre n’est pas mal intentionné, il aime juste trop. Sa vie bourgeoise et bien rangée avec Josée ; la douceur et la simplicité de la vie familiale avec Geneviève ; la passion d’un nouvel amour avec Nadira…

Est-ce que c’est un désir inconscient, en particulier des hommes, de vouloir tout avoir en même temps ? Peut-être. On n’a pas la réponse. Ce qui est sûr, c’est que Marc-Alexandre aime vraiment ces femmes, mais avec une intensité qui n’est pas normale.

Michel d’Astous, coauteur de la série

Dans la peau d’un antihéros

C’est épuisant, mener une double vie. Patrice Godin, à qui on a offert le rôle, pourrait vous en parler. Ça prend deux cellulaires, deux garde-robes… Pour un comédien, c’est presque comme jouer deux personnages en un.

« Je trouvais l’histoire très intéressante, surtout cet homme qui manigance, qui ment, qui passe d’une famille à l’autre. Après quelques scènes, on pourrait croire qu’il est malade, mais il aime vraiment les femmes ! Il ne pense pas faire du mal. C’est ça qui est étrange, paradoxal. Je trouvais ça fascinant de donner vie à ce personnage sans jugement », témoigne le comédien.

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Dans L’homme qui aimait trop, Patrice Godin se glisse dans la peau d’un polyamoureux.

Sur papier, Marc-Alexandre Moisan est l’archétype de l’antihéros. Mais à l’écran, on le sent souffrant. L’accident le fera se remettre en question. Pour trouver la source du mal, il devra plonger au plus profond de lui-même. Finit-on par développer une certaine sympathie à son égard ? Peut-être pas jusque-là. Est-ce qu’on le comprend ? C’est plus probable.

« Tout le défi d’écriture était là. On ne voulait pas caricaturer l’homme infidèle, mais on ne voulait pas le cautionner non plus. Parfois, Anne [Boyer] intervenait : « Le gars devient trop désagréable. » Et d’autres fois, c’était moi : "Il doit rester dans sa pulsion." C’était tout un jeu d’équilibre », explique Michel d’Astous.

Et les femmes ?

C’était l’autre grand défi d’écriture. Comment les femmes réagiraient-elles à la trahison ? Les auteurs voulaient leurs personnages solides, modernes et crédibles.

Après l’accident, Josée se réfugie dans la colère. Geneviève encaisse le coup émotivement, alors que Nadira, déterminée, souhaite donner une seconde chance à l’homme qui l’a trompée.

« Ce sont trois partitions très différentes pour les trois femmes. Ce n’est pas répétitif. Elles ont chacune leur façon de réagir, de se reconstruire. […] Ce sont des femmes solides, qui existent par elles-mêmes, elles ne dépendent pas de ce gars-là. Elles vont perdre pied parce que trahies, parce que trompées, parce que amoureuses, mais pas parce que toute leur vie dépend de cette personne-là », remarque la comédienne Hélène Florent.

Josée pardonnera-t-elle à Marc-Alexandre ? Disons que les deux personnes chemineront à leur manière. « En fait, tout le monde chemine. Enfants, femmes, lui… Après la vague destructrice, tout le monde se reconstruit et fait un pas vers quelque chose de mieux. »

Correctif : Dans une version précédente de ce texte, nous écrivions que le personnage principal s’appelait Marc-Antoine Moisan. C’est plutôt Marc-Alexandre Moisan. Toutes nos excuses.