Comment les attentats terroristes de 2001 ont-ils inspiré l’humoriste Mehdi Bousaidan ? Pourquoi Safia Nolin a-t-elle sorti son premier album un 11 septembre ? L’art est-il la réponse au racisme ? Le 11 septembre et moi, mini websérie présentée par Télé-Québec, donne la parole à six artistes québécois d’origine arabe qui réfléchissent, ensemble, sur leur vie avant et après le 11 septembre 2001.

Mehdi Bousaidan, Safia Nolin, le musicien Chafiik de Loco Locass, les sœurs de scène Elkahna et Ines Talbi, et le danseur Rahmane Belkebiche ne se connaissent pas tous, mais ils ont un bagage commun. Leur vie après 2001.

« Personne ne m’a déjà demandé comment ça m’avait affecté, le 11 septembre. C’est la première fois que j’en parle ouvertement », confie à la caméra Mehdi Bousaidan. C’est lui qui brise la glace de la websérie, dont chacun des six épisodes se consacre à un artiste et sa prestation inspirée du tragique évènement.

Pour Safia Nolin, d’origine algérienne, c’est une interprétation de Heaven de Bryan Adams ; pour la Tunisienne Elkahna Talbi, un slam sur les immigrants de deuxième génération ; pour Rahmane Belkebiche, d’origines algérienne et espagnole, une chorégraphie improvisée sur la chanson thème de la série…

Lui aussi d’origine algérienne, Mehdi Bousaidan présente son numéro L’arrestation, dans lequel il raconte la fois où le SWAT l’a mis à terre et menotté, en classe, à l’École nationale de l’humour. Pourquoi ? Parce qu’une femme a vu « un Maghrébin rentrer dans le [bâtiment] avec un gros sac » et qu’elle a cru « qu’il allait faire une tuerie », raconte Mehdi, qui se réjouit, à tout le moins, de ne pas avoir été « descendu » par la police. « Je suis arabe, pas afro-américain ! »

À mi-chemin entre le documentaire et l’émission de variétés, Le 11 septembre et moi veut susciter à la fois le rire et l’émotion, les confidences et les réflexions. La tâche de piloter ces discussions délicates a été confiée à l’animateur culturel Nicolas Ouellet.

Les six épisodes d’une dizaine de minutes seront offerts dès le 1er septembre sur le site de Télé-Québec. Un épisode spécial d’une heure, qui inclut des extraits inédits en plus des prestations des artistes et de leurs discussions en studio, sera également offert le 9 septembre.

PHOTO FOURNIE PAR PICBOIS PRODUCTIONS

Ines Talbi a interprété sa chanson Sous le silence.

Cadre intimiste

On entend rarement les artistes parler sans retenue de sujets aussi sensibles que le racisme, fait remarquer la productrice Karine Dubois (Briser le code). « Quand ils parlent de leur réalité, c’est rare qu’ils vont très loin dans la discussion parce qu’ils sont avec des gens qui n’ont pas vécu ce qu’ils ont vécu », explique-t-elle.

C’est ce qui lui a donné l’idée du 11 septembre et moi. Un plateau intimiste et sans public, avec pour seuls invités des personnes qui partagent des vécus semblables. « Dans ce contexte, la discussion peut aller à un autre niveau », constate Karine Dubois.

Les artistes échangent sur leur représentation dans les médias, leurs crises identitaires, leur exclusion sociale… Le jeune Rahmane Belkebiche, que l’on a découvert dans le concours télévisé Révolution, compare l’expérience à « vomir des mots qui voulaient sortir depuis longtemps ».

PHOTO FOURNIE PAR PICBOIS PRODUCTIONS

Pour sa prestation, Rahmane Belkebiche a improvisé une chorégraphie sur la chanson Wide Awake de Foxtrott.

« Le tournage a été un gros tournant dans ma vie. C’est comme si tu te rendais compte que t’es vraiment pas seul. Sur le plateau, il y avait des personnes de toutes les tranches d’âge qui ont vécu la même chose que moi et qui ont répondu à mes questions du passé, d’aujourd’hui et du futur. Je me suis senti compris à 100 % », a dit le danseur à La Presse.

Et si le 11 septembre 2001 n’avait pas eu lieu ?

Dans le dernier épisode, Safia Nolin confie que l’intimidation dont elle a été victime a débuté le 11 septembre 2001, bien exactement. Pendant toutes ces années, ces expériences difficiles l’ont forgée non seulement en tant qu’individu, mais aussi comme artiste.

Je ne sais pas qui je serais s’il n’y avait pas eu le 11 septembre. Ça a tellement modifié ma vie. C’est tellement intense que j’ai sorti mon premier album le 11 septembre 2015, et j’ai choisi la date parce que je voulais que ce soit significatif.

Safia Nolin

C’est la question centrale que pose Le 11 septembre et moi. Est-ce que ces artistes seraient là où ils sont aujourd’hui sans ce jour tragique ? Pour Mehdi Bousaidan, l’humour est une façon de « tourner la page noire, d’exorciser le mal coincé à l’intérieur » ; pour Rahmane Belkebiche, la danse est « l’arme » avec laquelle il se bat au nom d’un monde meilleur.

Et ce qui est étonnant, c’est qu’aucun de ces artistes n’avait vraiment pris le temps d’y réfléchir avant le tournage. « Ils étaient surpris qu’on s’intéresse à ça, qu’on leur pose cette question-là », conclut Karine Dubois.

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