Dans la mer télévisuelle qui s’offre au public cet automne, je suis allé pêcher une petite perle. Il s’agit d’une série web offerte, pour le moment, sur le site d’Unis TV. Claire et les vieux est apparue il y a plusieurs semaines, mais je vous invite fortement à regarder les six épisodes de 10 minutes qui sont offerts gratuitement.

Il faut voir cette série, car elle permet d’abord de découvrir deux talents fort prometteurs : la scénariste Sarah Pellerin et le réalisateur Charles Grenier. Couple dans la vie comme au travail, ce tandem débarque avec une signature achevée. Il est à souhaiter que des producteurs confient à ces deux trentenaires des projets de plus grande envergure dans un avenir très rapproché.

Claire et les vieux, c’est l’histoire d’une fillette de 9 ans dont la mère, toxicomane, est confiée temporairement à sa grand-mère. Cette dernière vit dans une résidence pour personnes âgées où l’on a perdu l’habitude du bruit et de la turbulence. Si Claire devient un rayon de soleil pour certains personnages, elle est une source de frustration pour d’autres.

PHOTO FOURNIE PAR UNIS TV

Irlande Côté et Muriel Dutil dans Claire et les vieux

L’autre raison pour laquelle il faut regarder cette série est la grande qualité de sa distribution. La petite Irlande Côté est absolument renversante. Elle a su construire une Claire attachante qui marche constamment sur un fil entre la fragilité et la résilience. Dans chacune des scènes, elle est d’une crédibilité saisissante.

« On l’avait vue dans le film Une colonie, dit Sarah Pellerin. Irlande a l’intelligence d’une actrice adulte. Elle écoute beaucoup. C’est un don. »

Lors des répétitions, Charles Grenier l’a fait travailler non seulement sur son personnage, mais également sur tous les autres en lui soumettant toutes sortes de questions. « Durant le tournage, les émotions venaient facilement, car elle comprenait tout ce qui se passait autour d’elle, dit le réalisateur. C’était fascinant. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Claire et les vieux a été écrite par Sarah Pellerin et réalisée par Charles Grenier.

C’est à Muriel Dutil qu’on a confié le rôle de Pauline, la grand-mère. Véritable trésor national, cette comédienne fait mouche chaque fois qu’on lui confie un rôle. « J’ai eu un réel coup de foudre pour elle, dit Charles Grenier. On avait de beaux échanges. Elle observe tout ce qui se passe, y compris le travail des techniciens. Elle propose parfois de se placer d’une telle façon pour permettre certains plans. Elle veut que les choses aillent bien. Elle est d’une force incroyable. J’ai beaucoup appris avec elle. »

Les autres personnages principaux sont interprétés par Bénédicte Décary (la mère à la dérive) et Reda Guerinik (le travailleur social). Dominique Quesnel, Raymond Cloutier, Marie Eykel, Réjean Lefrançois, Robert Lalonde, Béatrice Picard et plusieurs autres complètent cette solide distribution.

Il est fascinant de regarder cette série après avoir connu la réflexion sur la place et le regard qu’on accorde aux personnes âgées dans la société québécoise lors de la terrible crise dans les CHSLD. Pourtant, l’idée de Claire et les vieux avait germé bien avant la pandémie dans la tête des concepteurs.

« On a voulu montrer les histoires d’amour qu’il y a dans les résidences, l’affection qu’ont les grands-parents pour leurs petits-enfants, les difficultés psychologiques et financières que les personnes âgées connaissent, dit Charles Grenier. Ce sont des choses dont on parle moins à la télé et au cinéma. »

Charles et Sarah aiment rappeler la chance qu’ils ont d’avoir eu de bons grands-parents. « Ils sont des piliers importants dans nos vies, dit Sarah. On le réalise aujourd’hui. »

Le tournage de Claire et les vieux a pris fin le 16 mars. « Le lendemain, François Legault annonçait qu’on ne pouvait plus aller dans les résidences [la série a été tournée dans une résidence] et que les personnes de 70 ans et plus devaient être isolées [la plupart des comédiens ont plus de 70 ans], raconte Sarah. On a été flush. Et très chanceux. »

La série fait également ressurgir la réalité de ceux qui ont décidé d’avoir un enfant alors qu’ils n’avaient pas les outils nécessaires pour le faire. « Le personnage de la mère est intéressant, car c’est une femme qui aime profondément sa fille, ajoute Charles Grenier. Mais malheureusement, elle a des problèmes mentaux et de consommation. Elle a fait un enfant même si elle avait plein de choses à régler. »

Malgré le format de 10 minutes, Sarah Pellerin et Charles Grenier n’ont pas imposé un rythme effréné à leur contenu. Ils se sont offert le luxe de la lenteur. Ils ont donné aux acteurs le temps de jouer, au silence de faire son œuvre et à la superbe musique de Pierre-Philippe Côté de jouer avec nos émotions.

« Ça, c’est grâce à l’écriture de Sarah, dit Charles Grenier. Elle est économe de mots. Ça m’a permis de donner ce rythme aux épisodes. » Sarah renchérit : « Le rythme est en effet important parce que tout aurait pu devenir cucul avec cette histoire. On aurait pu facilement tomber dans le sirop. L’équilibre était fragile. »

Sarah Pellerin et Charles Grenier souhaitent donner une suite à cette histoire. Mais ils aimeraient vivre cette étape à la télé traditionnelle. « La webtélé se fait avec des budgets dérisoires, dit Sarah. Et les attentes du public sont les mêmes. En revanche, on jouit d’une belle liberté, les producteurs et les diffuseurs nous accompagnent bien. »

Produite par Patrick Bilodeau, d’Ugo Média, avec l’aide de TV5-Unis TV et Tou.tv, cette série (basée sur une idée d’Édith Morin) est offerte sur le site d’Unis TV. Elle sera également offerte à l’hiver 2021 sur Tou.tv.

> Voyez la série sur Unis TV