Dans la série française Dérapages, en ligne sur Netflix dès vendredi, Suzanne Clément incarne la femme d’un cadre supérieur (Éric Cantona) qui, après des années de chômage, tentera de retrouver sa dignité auprès du système qui l’a broyé. À la fois drame familial et thriller social, cette série, adaptée du roman Cadre noir, de Pierre Lemaitre, a valu bien des éloges à l’actrice québécoise en France.

Déclinée en six épisodes, la série Dérapages a été vue et appréciée par plus de 2 millions de spectateurs lors de sa récente présentation en France. Du coup, elle a valu à la chaîne spécialisée franco-allemande Arte l’une des meilleures cotes d’écoute de son histoire.

« Le confinement y est peut-être pour quelque chose, commente Suzanne Clément, covedette de Dérapages. Cela dit, cette série est fort bien faite. Je crois aussi que la présence d’Éric [Cantona] y est pour beaucoup, car l’image qu’on a de lui trouve son pendant dans un rôle où il est à la fois fort, touchant, sensible et fragile. Le thème est intéressant aussi, car il évoque le parcours d’un homme à qui l’on demande d’être tout-puissant, pourvoyeur, qui perd complètement ses repères et son estime personnelle. »

Réalisé par Ziad Doueiri, un cinéaste libanais dont le long métrage L’insulte fut finaliste aux Oscars en 2018 dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère, Dérapages relate l’histoire d’un cadre supérieur mis sur la touche depuis six ans, qui, à 57 ans, n’arrive toujours pas à se trouver un emploi. Les « dérapages » de toutes natures qu’évoque le titre de la série surviennent le jour où Alain Delambre, que campe Éric Cantona, est recruté — à sa grande surprise — parmi les candidats pressentis par une grande entreprise pour assumer la direction des ressources humaines.

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Éric Cantona et Suzanne Clément dans Dérapages

En guise d’essai, on l’invite à diriger une fausse prise d’otages lors d’une réunion des cadres, qui n’en savent rien, histoire d’évaluer la résistance au stress de chacun d’entre eux quand un commando lourdement armé fait irruption dans la salle…

Une histoire incroyable… et vraie !

Aussi incroyable et insensée qu’elle puisse paraître, cette histoire est inspirée d’une affaire véritablement survenue en 2005, à l’initiative du directeur général de la régie publicitaire de France Télévisions, avec la complicité de quelques agents du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale, une unité d’élite spécialisée dans la lutte contre le terrorisme et la libération d’otages. Des plaintes ont évidemment été portées à l’époque.

« C’est un peu plus étonnant que ce soit arrivé en France. On serait plus porté à croire qu’une affaire comme celle-là puisse arriver aux États-Unis !, souligne l’actrice, dont le rôle lui fut offert par Ziad Doueiri. J’ai aimé que cette histoire très haletante soit aussi bien ancrée dans un contexte familial, que la valeur de ce couple, qui vit ensemble depuis des années, soit bien évoquée. »

Présente dans tous les épisodes, Suzanne Clément se glisse ainsi dans la peau d’une femme un peu plus mûre, mère de deux femmes adultes, dont l’une défendra son père à titre d’avocate. « Je n’y avais pas pensé, mais il est vrai que je n’avais encore jamais joué une femme dont les enfants ont cet âge ! »

Je me sens vraiment choyée parce que je reçois des propositions très variées, avec des rôles très différents les uns des autres.

Suzanne Clément

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Suzanne Clément dans Dérapages

Dérapages met aussi en valeur la présence d’Éric Cantona, une légende du soccer, star du Manchester United dans les années 90, qui s’est construit une belle carrière d’acteur après avoir quitté le terrain.

« Je savais qui il était et ce qu’il représente aux yeux de bien des gens, mais, même si j’ai moi-même beaucoup joué au soccer dans ma jeunesse, je ne peux pas dire que je suivais la carrière d’Éric de près quand il était footballeur, indique celle dont la carrière en France a démarré en trombe grâce au succès de Mommy, de Xavier Dolan. Nous nous sommes tout de suite bien entendus. Tous les gens sur le plateau l’aimaient, et je trouve qu’Éric était à un bel endroit, qu’il donnait beaucoup d’humanité à son personnage. Et puis, nous avons beaucoup ri ! »

L’actrice souligne aussi la bonne atmosphère de travail qu’a su instaurer Ziad Doueiri, qui s’harmonisait bien avec la personnalité de celui qu’on a surnommé Éric the King lors de ses grandes années avec les Red Devils.

« Ayant aussi été cadreur pour les films de Quentin Tarantino pendant un moment, Ziad a un peu le même genre d’énergie fulgurante sur un plateau, fait-elle en outre remarquer. C’est aussi un gars très consciencieux, très besogneux. Je me rappelle comment, dans L’insulte, il partait d’un évènement en apparences anodin pour en explorer toutes les implications sur le plan social et politique. On retrouve cela dans son approche pour Dérapages, alors que ça ne relevait pas de l’évidence au départ. »

D’une icône à l’autre

Dans une autre série dramatique qu’elle a tournée en Europe, produite pour la télévision suisse, Suzanne Clément a par ailleurs eu l’occasion de donner la réplique à Claudia Cardinale. Intitulée Bulle, cette série de six épisodes décrit la transformation d’une dynamique familiale quand une jeune femme est atteinte d’une maladie incurable. La réalisatrice Anne Deluz, emportée elle-même par un cancer l’an dernier, a eu à peine le temps de terminer le montage de cette série qui n’a pas encore été diffusée à l’extérieur des frontières helvètes. Bulle n’apparaît pas sur notre écran radar pour l’instant.

« C’est vraiment une belle série, très bien écrite, indique Suzanne Clément. Je joue la mère d’une fille qu’elle a eue très jeune, aujourd’hui atteinte d’un cancer. Claudia incarne la grand-mère et ce fut vraiment touchant de travailler avec elle. Elle incarne tout ce qu’était le glamour à une autre époque, d’une façon qui n’existe plus de nos jours. Les actrices qui ont mené ce genre de carrière sont des icônes. Elles ont eu des vies extraordinaires et ont travaillé avec des cinéastes légendaires. Claudia a tellement le sens de son métier qu’il suffit pour elle d’un regard, et tout est là ! »

Par ailleurs, Suzanne Clément était déjà en pause au moment où le monde s’est arrêté à cause de la COVID-19.

« Je passe mon confinement là où je peux marcher et courir dans la nature !, confie celle qui a célébré son anniversaire de naissance mardi. La course fait vraiment une grande différence dans ma vie. Je profite aussi de l’occasion pour regarder plein de séries. Je tripe sur Kidding [avec Jim Carrey], une série dont le ton est très particulier, avec un personnage vedette d’une émission pour enfants dont la vie personnelle ne correspond pas du tout à son image publique. J’adore ça ! »

Dérapages sera offert sur Netflix dès le 15 mai.