L'animateur de La soirée est (encore) jeune, Jean-Philippe Wauthier, pilotera à compter de ce soir le talk-show Bonsoir bonsoir ! du lundi au jeudi à 21 h sur ICI Radio-Canada Télé. Une émission que l'ex-animateur du Beau dimanche et des Dieux de la danse souhaite à son image.

Marc Cassivi: Tes premiers invités ont été annoncés: Véronique Cloutier, Guylaine Tremblay, Maripier Morin, Phil Roy, Magalie Lépine-Blondeau, Jay Du Temple. C'est original...

Jean-Philippe Wauthier: Non, ce ne l'est pas!

Marc Cassivi: C'est assumé?

Jean-Philippe Wauthier: C'est bizarre. Quand tu fais un show comme celui-là, tu es pris entre deux eaux. Tu veux rallier les gens et tu veux faire quelque chose de nouveau. Je pense qu'il y a toujours une manière de faire. C'est sur le long terme que tu gagnes tes batailles. Dans cette première semaine, le gros numéro que vous allez voir, le nouveau visage, c'est Christine Morency, que personne ne connaît. Elle va la sortir du stade, c'est sûr! Marcel Sabourin, je ne suis pas sûr qu'en 2019, c'est un top A. Eddy de Pretto, en France peut-être, mais pas ici. Mehdi Bousaidan, ça n'est pas un «A-list»...

Marc Cassivi: Mais tu as beaucoup de «A». Tu savais que les gens diraient que ça manque d'originalité...

Jean-Philippe Wauthier: Absolument. Je suis le premier à vouloir faire autre chose, et c'est ce qu'on a réussi à faire avec La soirée [est (encore) jeune]. On va y arriver. On veut rallier une majorité de personnes et ensuite les convaincre de rester. Je veux mettre les régions de l'avant. J'ai une grosse envie de faire un «Découvrez vos régions» avec des personnages chauvins qui viennent vendre leur région. C'est un mélange de tout ça.

Marc Cassivi: Je me demande à combien d'émissions Véronique Cloutier a été invitée pour la première semaine en ondes...

Jean-Philippe Wauthier: Ça doit être tout le temps! J'ai l'impression que c'est un réflexe dans la tête des gens, mais dans leur subconscient. Le réseau aussi veut de gros noms. Il y a un compromis à faire. Mais je le sais que je vais y arriver.

Marc Cassivi: Hugo Dumas l'écrivait récemment: il y a un trop-plein d'émissions qui mettent de l'avant des vedettes, à toutes les sauces...

Jean-Philippe Wauthier: Il y a une autre réalité, c'est que ce show-là a un mandat culturel. On n'a pas le choix: il faut parler de culture. En première semaine, je voulais avoir Jean-François Lisée et parler de politique. Mais il faut établir ça comme un show culturel. Une fois que ce sera établi, on va pouvoir jouer dans d'autres zones.

Marc Cassivi: Tu parles de mandat. J'imagine la chronique de Guy Fournier dans Le Journal de Montréal la semaine prochaine. Il va écrire: où est passé le Radio-Canada des Beaux dimanches? Est-ce que c'est vraiment ça, une émission culturelle? On a mis plus d'efforts dans le contenant que dans le contenu...

Jean-Philippe Wauthier: Je trouve ça bizarre de devoir répondre à Guy Fournier, pour être bien honnête! S'il faut faire des émissions pour que lui ou un autre nous aime, on n'est pas sortis du bois. Est-ce que c'était mieux dans le temps? Peut-être. Mais je ne m'excuserai pas d'exister!

Marc Cassivi: Mais tu n'as pas peur de te retrouver dans une formule très légère?

Jean-Philippe Wauthier: Non. Ça me stresse zéro. Parce que ce n'est pas ça.

Marc Cassivi: OK. Moi, j'ai vu le deuxième pilote. Et j'ai trouvé ça léger. Ce que j'en ai retenu, c'est qu'un acteur n'aime pas l'épilation intégrale et qu'un autre comédien s'est fait lécher la raie par un bichon maltais. C'est toi en mode léger. Je te connais. Tu as une culture générale intéressante, tu es politisé. Là, tu t'amuses dans ton tiki bar.

Jean-Philippe Wauthier: Si vraiment tu avais fouillé le contenu, tu ne m'aurais pas dit que tu as appris que cet acteur s'aime mieux épilé ou non, mais que visiblement, il a de la difficulté à s'aimer, à se trouver beau, à vieillir. Ça, c'est du contenu! Dans un show où on doit s'amuser et où tout peut arriver.

Marc Cassivi: Je suis un peu baveux parce que je sais que tu m'aimes mieux comme ça...

Jean-Philippe Wauthier: Je sais ben! Je me suis inspiré de Christiane [Charette]. De cette spontanéité. Rien n'est scripté. Il n'y a pas de scénario. En établissant ce que ce show va être, on va comprendre où on veut aller. Mais c'est un chemin. Tu ne peux pas faire ça dès le jour 1. On m'a demandé de faire un show qui me ressemble, dans les paramètres possibles du show culturel. Le show qui me ressemble le plus, c'est La soirée. Il faut que j'amène cette liberté de créer, de réfléchir, de réagir, de la radio à la télé. J'en ai 90 à faire. Faut que j'aie du fun!

Marc Cassivi: J'ai senti cette volonté, cette parenté et cette communauté d'esprit avec La soirée. Cette volonté de spontanéité. Sauf qu'à La soirée, tu as des collaborateurs qui sont hyper préparés. Là, je te sens plus à nu. C'est toi sans filet de sécurité.

Jean-Philippe Wauthier: On essaie de créer une ambiance. La différence, c'est que La soirée dure 1 heure 55 et qu'un show de télé dure 44 minutes. Si tu enlèves les chroniques de La soirée, il reste les entrevues et le fun qu'on a. C'est ce que je veux garder. Ça reste un show de divertissement. Il faut allier divertissement et contenu. Mais on veut qu'il se passe quelque chose! J'en parlais cette semaine à mon cousin et je lui disais: «C'est sûr que je ne me la suis pas donnée facile.»

Marc Cassivi: C'est aussi ce que je me suis dit...

Jean-Philippe Wauthier: On m'a demandé un show qui me ressemble. C'est ça. Ça ne va pas être facile. Quand ça va être un show extraordinaire, les invités vont l'avoir sortie du stade. Et quand ce ne sera pas bon, j'aurai échoué.

Marc Cassivi: Tu seras entouré de plusieurs «amis» de La soirée: Jean-Sébastien Girard, Louise Deschâtelets, Serge Denoncourt...

Jean-Philippe Wauthier: Il y a des gens qui viennent «mettre la marde» sur le plateau: Denise Bombardier, Maude Landry, Jean-Seb. Christine Morency, c'est tout un personnage. Et c'est une nouvelle face! Je me souviens du Club Labrèche et de La fin du monde. On a découvert des gens là, comme Martin Matte. Personne n'accusait Marc [Labrèche] de ne pas avoir de contenu. Il n'avait pas l'air de triper à faire des entrevues, mais il s'en sortait assez bien. Il posait des questions qu'il avait envie de poser, qui n'étaient pas de la plogue. C'est exactement ce que je veux faire. Il y a moyen d'être diverti et d'avoir un peu de contenu. On n'est pas là pour faire Point de mire. J'aimerais ça un jour, mais ce n'est pas mon mandat!

Marc Cassivi: Comment ton émission va-t-elle se distinguer le plus du Beau dimanche?

Jean-Philippe Wauthier: Quand tu coanimes, il faut qu'il y ait un minimum de chorégraphie. Sinon, il y en a un qui est en majeur et l'autre en mineur. Là, c'est moins structuré. Et le public est là. J'aime ça, le public. Je me retiens dans la vie pour ne pas aller voir le public, parce que c'est payant.

Marc Cassivi: Tu as cette qualité d'animateur que tout le monde n'a pas: tu aimes les gens et ça paraît. Mais je t'avoue qu'en te regardant aller parler avec les gens, j'ai eu des flashbacks d'Allo Boubou.

Jean-Philippe Wauthier: Oui, oui. Absolument! Ne soyons pas gênés. C'est sûr que c'est moins populaire et que c'est plus niché. Parce que je viens plus de la politique. Je ne chanterai pas et je ne danserai pas.

Marc Cassivi: Mais si quelqu'un te dit que tu lui rappelles Jacques Boulanger, tu ne le prends pas comme une insulte?

Jean-Philippe Wauthier: Mon Dieu, pas du tout! Mais c'est plus Jacques Normand. Longtemps, et j'en suis coupable aussi avec Le beau dimanche, on a demandé au public de venir à une émission de télé juste pour faire du bruit. Assoyez-vous, ne parlez pas, et applaudissez quand c'est le temps! J'avais envie qu'ils soient dans un bar, qu'ils prennent un verre. Je voulais recréer l'ambiance de La soirée. Parce que c'est la meilleure ambiance au monde. Parce que les gens se livrent, qu'on a du fun et que personne n'a l'impression d'être exclu. Je veux pouvoir aller voir les gens du public. J'aime pouvoir leur parler quand je veux. Il y aura aussi des enfants. Je veux sortir du cadre habituel, mais je fais aussi des concessions. On est dans une télé hyper conservatrice.

Marc Cassivi: Est-ce que le mandat culturel est un carcan contraignant pour toi? Au Beau dimanche, ton mandat était différent?

Jean-Philippe Wauthier: Oui, mais je ne m'empêcherai pas d'inviter Jean-François Lisée et Manon Massé. Et il faut aussi se différencier des Échangistes.

Marc Cassivi: Comment te distingues-tu des autres talk-shows, justement? D'un Rousseau, par exemple, qui n'a pas marché?

Jean-Philippe Wauthier: Je pense que Stéphane, sa job, ce n'est pas d'être un intervieweur. Je ne pense pas qu'il a aimé ça. Moi, j'aime ça. Je n'ai pas besoin de questions à l'avance. Si je m'assois avec quelqu'un, je vais m'y intéresser et je vais le suivre. C'est de l'instinct. Je ne peux pas te dire pourquoi, mais c'est de l'instinct. Salvail était super bon, mais il avait un plan. Si un invité lui disait: «J'ai un scoop» et que sa prochaine question n'avait pas rapport avec son scoop, il la posait quand même. Il allait ailleurs et c'était correct. Il faisait son show et il le faisait bien. Moi, je ne suis pas comme ça. Je viens de l'humour et de la politique, et j'ai besoin d'être nourri par ça. Je ris ma vie à La soirée. Je ne veux pas devenir Anne-Marie Dussault, que j'aime beaucoup par ailleurs. Ce n'est pas ma job. Je ne suis pas encore Marc Laurendeau. Je n'ai pas fait le switch! Je suis entre les deux. Cette émission-là, ce sera vraiment moi. Si vous n'aimez pas ça, c'est que vous ne m'aimez pas! C'est comme Esprit critique. Si on ne t'aime pas, man, on n'aimera pas ça. C'est fâchant, mais c'est ça! [Rires]

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Jean-Philippe Wauthier dans le décor du talk-show Bonsoir bonsoir! qu'il animera à compter de ce soir du lundi au jeudi à 21 h sur ICI Radio-Canada Télé.