En cet âge d'or des téléséries, La Presse décortique une série qui vaut le coup d'oeil. Cette semaine: The Terror.

La vraie histoire

En 1845, deux navires britanniques, le HMS Erebus (dirigé par John Franklin) et le HMS Terror (dirigé par Francis Crozier), ont tenté de trouver le passage du Nord-Ouest. Les navires et les équipages, coincés dans les glaces, ne sont jamais revenus. Tous sont morts de faim et de froid dans une lente et atroce agonie.

L'enfer blanc

Les créateurs de la série The Terror n'ont pas caché leurs ambitions et leurs influences. Cette série en costumes s'inspire de ces fameux huis clos en milieu hostile que sont Alien de Ridley Scott ou The Thing de John Carpenter. Avec une petite touche de Titanic pour l'issue fatale de l'arrogance humaine. Des plans saisissants montrent les deux navires perdus dans l'immensité de l'Arctique, tandis que les explorateurs, inconscients, dînent et boivent copieusement dans le chic décor de leurs bateaux où l'on recrée les codes sociaux de l'époque victorienne, sans se douter de la famine et des menaces à venir. The Terror est un bel exemple de «slow tv», qui mise sur l'atmosphère et l'angoisse, avec des moments terrifiants d'isolation et de visions cauchemardesques en contraste avec la beauté glaciale de la nature. C'est Crozier (excellent Jared Harris) qui, le premier, exprime son mauvais pressentiment face à l'optimisme de Franklin: «La nature n'en a rien à foutre de nos plans. Mais je suivrai vos ordres.»

Une excellente distribution

Outre Jared Harris, qu'on a pu voir dans The Crown et The Expanse, on trouve dans les rôles principaux Ciarán Hinds (Franklin) et Tobias Menzies (James Fitzjames). Fait amusant: ces deux derniers ont joué respectivement César et Brutus dans une autre très bonne série historique, Rome. Ce qui est particulièrement intéressant est que la distribution compte des comédiens autochtones, notamment Nive Nielsen dans le rôle de Lady Silence. Car The Terror, c'est aussi la rencontre de deux peuples qui ne parlent pas le même langage et qui n'ont pas la même connaissance du territoire. Ce sont d'ailleurs les quelques rares récits de la tradition orale inuite, dont on doutait autrefois, qui ont permis en partie de retrouver les épaves de l'expédition Franklin.

Des échos au Canada

On ne sait pas encore si The Terror relancera le projet du cinéaste Jean-Marc Vallée, qui a cette même histoire dans ses cartons depuis qu'il a acheté les droits du très beau roman De l'usage des étoiles de Dominique Fortier. Au contraire du roman de Dan Simmons, il ne contient pas d'éléments fantastiques (les équipages sont menacés par une mystérieuse créature dans le livre de Simmons), mais s'appuie solidement sur les faits, dans une écriture sublimement ciselée. La tragique expédition de Franklin, célèbre chez les amateurs d'histoire navale, suscite la fascination au Canada, car c'est sur notre territoire que les navires ont échoué. C'est même devenu un enjeu politique sous le gouvernement Harper, qui a encouragé les missions archéologiques pour les retrouver, dans un contexte où les pays remettent en question la souveraineté de l'Arctique, convoitée pour ses ressources et ses voies navigables. Avec succès d'ailleurs, car les épaves ont été trouvées lors de deux missions de Parcs Canada: le HMS Erebus a été découvert en 2014 au sud de l'île Roi-Guillaume, au Nunavut, et le HMS Terror en 2016 dans la baie Terror.

Le verdict

La lenteur de la série ne plaira probablement pas aux amateurs d'action, mais beaucoup à ceux qui aiment plonger dans un univers riche et superbement reconstitué. The Terror est magnifique et terrifiant à la fois. On embarque, même si on sait que ça va mal finir...

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Saison de 10 épisodes. Sur AMC les lundis, 21 h. Également offerte sur Amazon Prime.

Photo fournie par AMC

The Terror donne l'occasion d'admirer de sublimes paysages immaculés.