La sortie du documentaire The Problem with Apu, qui critique le caractère stéréotypé du personnage indo-américain des Simpson, a lancé une vive discussion sur les problèmes que pose un tel personnage. Résumé de la controverse.

Un documentaire sur un protagoniste «dérangeant»

Le documentaire The Problem with Apu, paru à la mi-novembre, soulève la question des stéréotypes véhiculés par la série culte Les Simpson, particulièrement celui entourant le personnage d'Apu Nahasapeemapetilon, un protagoniste «dérangeant», selon l'humoriste Hari Kondabolu, créateur du film. Il lie Apu au racisme vécu par les Afro-Américains avec le «blackface», notamment parce que l'acteur qui lui prête sa voix est un homme blanc, Hank Azaria.

L'humoriste dénonce le fait que le seul Indien au petit écran américain pendant longtemps soit un propriétaire de dépanneur un peu idiot, avec un accent tranchant, qui s'est marié très jeune dans une union arrangée et qui est le père d'une ribambelle d'enfants, pour compléter le cliché. 

Kondabolu interroge dans son documentaire plusieurs acteurs originaires d'Asie du Sud, notamment Aziz Ansari (Master of None, SNL), Kal Penn (House, How I Met Your Mother, Harold & Kumar) et Sakina Jaffrey (House of Cards) sur leur perception du personnage et l'impact qu'il a eu sur leur carrière. Nombre d'entre eux révèlent s'être souvent fait demander de «parler comme Apu» lors de castings. Se défendant de vouloir tancer les producteurs des Simpson, Hari Kondabolu argue qu'il «n'est pas question de punir, de vouloir réparer les choses, mais de savoir ce que l'on décide pour l'avenir».

La «voix» d'Apu réagit

L'homme qui prête sa voix à Apu (et de plusieurs autres personnages des Simpson), Hank Azaria, avait refusé de participer au documentaire The Problem with Apu. À la suite de sa sortie, il a cependant avoué que le film soulevait des «questions importantes». «C'est dommage que le personnage d'Apu soit offensant ou blessant pour certaines personnes», a-t-il commenté hier à TMZ, laissant deviner que des changements pourraient être apportés au personnage.

Des rumeurs ont émergé quant à la possible disparition du protagoniste. «Aux créateurs des Simpson: ne retirez pas Apu de l'émission, a réagi l'humoriste Hari Kondabolu sur Twitter hier. Le tuer serait de la paresse créative et une insulte à l'héritage des Simpson. Donnez-lui une plus grande place et faites-le posséder plusieurs Qwik E-marts [son dépanneur]. Laissez parler ses enfants.»

L'opinion publique diverge, puisque certains ont appuyé l'initiative du documentaire, tandis que d'autres ont réfuté les arguments exposés par Kondabolu. «La partie du documentaire concernant Apu était un simple prétexte pour lancer une discussion plus large sur la représentation et ses impacts», s'est-il également défendu sur Twitter.

Et au Québec?

La voix d'Apu au Québec est celle du doubleur Alain Zouvi, qui a fait savoir à La Presse qu'il ne souhaitait pas commenter la polémique. Le Groupe V Média, un des deux diffuseurs des Simpson au Québec (l'autre étant Télétoon), garde à l'oeil les décisions que prendront les producteurs de la série, mais n'ont statué sur aucune avenue particulière. «On va attendre de voir le résultat de leur réflexion», a expliqué Michaël Majeau, directeur des communications et relations publiques. Lorsqu'il est question de séries originales, le Groupe V suit de près le travail de production, mais il s'agit là d'un programme étranger, diffusé mondialement. «Nous, on reçoit seulement la cassette», a rappelé M. Majeau.

Les Simpson et les stéréotypes

Créée en 1989, la série Les Simpson joue abondamment sur les stéréotypes - et pas seulement avec le personnage d'Apu Nahasapeemapetilon. Homer Simpson, le protagoniste du dessin animé, représente lui-même une hyperbole de «l'Américain moyen», selon son créateur Matt Groening. 

Homer est grossier, obèse, maladroit, fainéant et il boit énormément. La ville de Springfield, où est campée la série, regorge de personnages dotés des traits les plus clichés associés à leurs origines. Krusty le clown, juif, est un homme riche et profiteur. Le cuisinier Luigi, dont l'accent est démesuré, ainsi que les membres de la mafia de Springfield se chargent de couvrir les clichés associés aux Italiens. La communauté noire n'est pas en reste: Carl et Lou s'expriment avec un fort accent, ils sont simples d'esprit, tandis que l'Écossais Willie, roux et bagarreur, porte un kilt et joue de la cornemuse. 

Alors que ces personnages animent nos écrans depuis près de 30 ans, ce n'est pas la première fois que les représentations stéréotypées des Simpson sont critiquées. En ce qui concerne Apu, «le nombre limité d'acteurs, de célébrités ou d'élus originaires de l'Asie du Sud-Est ne leur permettait pas de se faire entendre avant», a expliqué Hari Kondabolu au Huffington Post.

D'autres stéréotypes à la télé

Les Simpson n'est pas la seule émission ou le seul film attaqué pour avoir joué sur des stéréotypes concernant les origines de ses personnages. Chez Disney, les « Indiens » de Peter Pan ont été décrits comme misogynes, eux qui empêchaient les femmes de participer à la fête. Les personnages disaient également qu'ils avaient la peau «rouge», ce qui a été mal reçu par certains. En revanche, en 2010, la première princesse Disney noire a fait son apparition, après Jasmine, Mulan et Pocahontas (respectivement arabe, chinoise et amérindienne).

Le personnage de femme noire qui occupe la maison où vivent les personnages animés Tom et Jerry a un comportement trop caricatural, d'après plusieurs personnalités, dont Whoopi Goldberg, qui a critiqué publiquement ces détails qui ne passent plus de nos jours. En 2014, devant la polémique, Amazon a décidé de diffuser un message d'avertissement sur sa plateforme vidéo, indiquant: «Attention, Tom et Jerry peut représenter certains préjugés ethniques et raciaux qui étaient autrefois monnaie courante dans la société américaine. De telles représentations caricaturales étaient mauvaises et le sont encore aujourd'hui.»

Image Associated Press/Fox

Le personnage d'Apu Nahasapeemapetilon est trop caricatural, soutient l'humoriste Hari Kondabolu dans son documentaire The Problem with Apu.